À chaque talent gâché ses raisons, qui sont souvent les mêmes : blessures, frasques extra sportives, entourage nocif… Pour Adrian Mutu, c’était un peu de tout, et un peu plus encore. Retour sur la carrière d’un héros en Roumanie et à Florence. D’un paria à Chelsea.
À l’été 1996, il y a de quoi être déçu lorsque l’on est Roumain et fan de football. Les Tricolori sortent de l’Euro après trois défaites en autant de matchs de poule et le meilleur joueur de l’histoire du pays, Gheorghe Hagi quitte le FC Barcelone et les championnats majeurs pour partir à Galatasaray. Mais ce que l’on ne devine pas, c’est que le nouveau prodige du football roumain est sur le point d’éclore.
Né de deux parents gardiens de buts au niveau amateur, Adrian Mutu enfile les gants dès son plus jeune âge, mais les lâche à 6 ans. Pré-adolescent, il rejoint le gros club de la région, le FC Argeș Pitești. C’est là-bas qu’il effectue ses débuts professionnels, à tout juste 18 ans. Formé latéral gauche mais prenant rapidement un rôle plus offensif sur le terrain, Mutu inscrit 11 buts en 41 matchs de championnat pour son club formateur. En janvier 1999, environ deux ans après ses débuts, il fait le grand saut vers le Dinamo Bucarest, l’une des locomotives du football roumain.
Six petits mois d’adaptation (4 buts en 17 matchs) avant de se révéler pleinement la saison suivante. Jusqu’en janvier, Mutu inscrit 25 buts en autant de rencontres toutes compétitions confondues, participant grandement au futur doublé Coupe-Championnat des Câinii roșii. Bien assez pour sortir de l’anonymat du championnat roumain et attiser l’intérêt de grosses écuries européennes. Dans les premières semaines de l’an 2000, le jeune attaquant débarque donc à l’Inter, après être devenu l’idole de son pays à vitesse grand V.
Un caractère bien trempé
Dans le même temps, Adrian Mutu s’est fait bien sûr fait une place, mais aussi une réputation, dans les différentes sélections roumaines. Des U16 aux A, celui qu’on appelle désormais Briliantlul (le brillant) en Roumanie a rayonné à chaque étape… et marqué ses coachs. Victor Piturca, sélectionneur des espoirs, lui avait confié le brassard mais ne cessait de le recadrer. Et alors qu’il débarque chez les grands en même temps qu’à l’Inter, il surprend Gheorghe Popescu et ses quelques 115 sélections :
« Quand il est arrivé en sélection, il n’a pas hésité à me bousculer plusieurs fois lors d’un entraînement. J’ai tout de suite appelé son agent pour dire : “Il ose tout, ce sera un très grand.” »
Mais à l’Inter, la jeune tête brûlée n’en mène pas très large. S’il marque dès son premier match en Coupe, dans le derby de Milan, l’adaptation est difficile. Six petites titularisations en championnat, dix matchs sans marquer en Serie A. Trop juste pour concurrencer les Vieiri, Baggio ou Ronaldo qui occupent les postes offensifs. A l’Euro, bien qu’il reste muet, Adrian Mutu occupe une place importante dans la sensation roumaine qui se fraye un chemin jusqu’aux quarts de finale après avoir fini deuxième de sa poule devant l’Allemagne et l’Angleterre. Rien que ça !
De quoi remettre en confiance Briliantlul ? Pas suffisamment. Même si Marcello Lippi lui garantit plus de temps de jeu, le Roumain préfère s’assurer une place de titulaire ailleurs :
« J’étais jeune, mais quand j’ai dit à Lippi que je voulais aller à Vérone pour jouer en permanence, il m’a répondu que je pouvais rester et faire partie des quatre attaquants de l’équipe pour voir comment cela se passait. J’ai regardé autour de moi, j’ai vu qui était devant moi et je lui ai dit que j’irais à Vérone. »
À l’été 2000, le Hellas débourse un peu plus de 3 millions d’euros pour s’assurer les services de Mutu. Mais comme à Milan, six mois plus tôt, le prodige roumain a du mal à satisfaire les espoirs placés en lui. Une saison assez anonyme, avec 5 buts en 25 matchs de Serie A. Le jeune homme doute, se brouille avec son entraîneur, mécontent de la manière dont il est utilisé, retourne même se ressourcer en Roumanie en cours d’exercice. À Vérone, on en parle comme d’un garçon irascible, qui doit être canalisé, mais au talent immense. Alors forcément, ça finit par prendre.
L’arrivée d’Alberto Malesani pour la saison 2001-2002 est un tournant dans la carrière d’Adrian Mutu. Briliantlul retrouve la confiance de son entraîneur et signe 12 buts en 32 matchs de championnat, donnant l’impression d’un joueur qui a désormais pris en maturité. S’il ne peut empêcher la relégation de son club, il fait suffisamment bonne impression pour attirer les radars de belles écuries et débarque à Parme pour près de 10 millions d’euros.
L’explosion
Mutu n’arrive pas n’importe où. Au cours de la décennie précédente, Parme remporte deux C3, une Coupe des Coupes et deux Coupes d’Italie. A son arrivée, les Gialloblu sortent d’une saison dans le ventre mou. Néanmoins, le club parmesan peut encore rêver d’être ambitieux. Pour cela, en plus de l’attaquant roumain, Parme mise sur une autre pépite de Serie A sur le point d’exploser : Adriano.
Sous les ordres du moderne Cesare Prandelli, Briliantlul prend une nouvelle dimension. Dans un rôle de faux neuf derrière le bulldozer brésilien, Mutu est sans doute enfin vraiment à sa place. L’idylle avec Prandelli, que le Roumain considère comme son « deuxième père », l’amène à dévoiler au monde toutes ses qualités. Explosif, rapide, complet techniquement, capable d’organiser comme de finir les actions, bon tireur de coups de pied arrêtés, l’attaquant boucle une saison à 22 buts, dont 18 en championnat.
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Si son duo avec Adriano ne durera qu’un an, il aura profondément marqué les suiveurs de Parme et du football italien par sa complicité, son efficacité et l’impression qu’il donnait de voir deux joueurs qui allaient profondément marquer le monde du ballon rond dans les prochaines années. Mais après avoir ramené Parme en Europe, les deux compères d’attaque sont déjà trop grands pour leur club. Le Brésilien fait son retour à l’Inter. Mutu, lui, rejoint Chelsea pour 22,5 millions d’euros, une petite mine d’or pour l’époque.
Chez les Blues, Briliantlul a donc un statut à assumer. En effet, la somme qui a été déboursée pour s’attacher ses services témoigne de l’engagement et de la crédibilité du nouveau propriétaire du club, Roman Abramovich. Arrivé en même temps que Claude Makélélé ou que Hernan Crespo, Mutu est l’un des symboles des nouvelles ambitions du club londonien. Et pour son premier match, 11 jours après son arrivée à Londres, il envoie un message. Après s’être fait marché sur la main en début de rencontre – ce qui lui vaudra 55 points de points de suture – le Roumain tire un coup-franc lointain dans le mur mais reprend le ballon de volée, avec son mauvais pied, pour ouvrir son compteur avec les Blues.
Mutu enchaîne avec deux buts sur les deux matchs suivants et devient vite l’un des chouchous de Stamford Bridge. La cadence ralentit jusqu’à un quatrième but contre Everton à la onzième journée, avant d’être écarté des terrains à cause d’une pubalgie. Des débuts honorables, et une année 2003 bouclée par une présence parmi les 26 nominés au Ballon d’Or, ainsi qu’un premier titre de « Joueur roumain de l’année ».
« Londres est dangereuse »
Les supporters des Blues comptent beaucoup sur Adrian Mutu à son retour de blessure. C’était avant de découvrir dans les tabloïds britanniques que le football ne semble plus au cœur des priorités de l’international roumain au train de vie débridé. En réalité, ses débuts prometteurs masquaient l’adaptation complexe que vivait le jeune attaquant. En pleine instance de divorce qui le séparera de son premier enfant, resté avec sa mère, Briliantlul découvre seul la capitale anglaise, ainsi que ses excès. Ses performances deviennent vite moins commentées que ces frasques, et Mutu perd ses repères :
« Pitești est douce, tout comme Parme. Vérone est fascinante, Milan est inoubliable, Turin est une ville ouvrière. Bucarest est dangereuse… mais Londres est encore plus dangereuse. […] C’est venu petit à petit, mais j’ai perdu mes repères. Londres était tellement grande, que je devais parfois prendre l’hélicoptère pour aller d’un point A à un point B. Il y avait un brouhaha permanent, et je n’avais presque pas d’amis »
Malheureusement, le Roumain n’en restera pas qu’aux petites erreurs de jeunesses. Il traverse la deuxième partie de saison comme un fantôme, n’ajoutant que deux buts à son total pour terminer à 6 réalisations en 25 matchs de Premier League. Dauphins des Invincibles d’Arsenal, les Blues se séparent de Claudio Ranieri pour confier les rênes de l’équipe au jeune José Mourinho, tout juste vainqueur de la Ligue des Champions. Et déjà d’une rigueur extrême vis-à-vis de ceux qui, selon lui, manquent de professionnalisme. Averti par son prédécesseur italien des habitudes nocturnes de Mutu, le Special One décide donc de s’entretenir avec l’attaquant et son entourage dès son arrivée. Le Portugais raconte :
« Lorsque j’ai rencontré Adrian lors de son premier jour de pré-saison, c’était avec ses deux agents. Je leur ai dit à tous les trois que j’avais des informations selon lesquelles le joueur prenait de la cocaïne. Les trois riaient et disaient que c’était un gros mensonge. »
Et Mutu passe en effet un test anti-drogue à l’été qui se révèle négatif. Un soulagement qui ne dure pas, car la relation avec son coach reste très tendue. Briliantlul parle de promesses pas respectées dès les premiers matchs amicaux et le conflit devient vite connu de tous. Alors qu’il doit se contenter de deux courtes entrées en jeu lors des premières journées de la saison, il est boudé par son entraîneur en Ligue des Champions, pour un déplacement au Parc des Princes. C’en est trop pour l’impulsif attaquant qui sèche deux entraînements consécutifs.
Trois semaines plus tard, le club lui impose un nouveau test antidopage, surveillé par des membres du staff et non de la fédération. Et lorsque vient la trêve internationale, Mourinho tente de bloquer son joueur, prétextant une blessure. Mais Mutu s’envolera bien pour la Roumanie. Interrogé par les journalistes locaux sur sa situation en club, il lâche un « Fuck », qui sera repris dans la presse du lendemain, titrant « Fuck Mourinho ».
La chute
Son retour à Chelsea est alors explosif. Pour avoir rejoint sa sélection sans l’accord de son club, Adrian Mutu est sanctionné d’une amende de deux semaines de salaire. Mais la relation avec José Mourinho arrive à un point de non-retour. Le joueur sèche encore un entraînement, et frôle même d’en venir aux mains avec le Special One. La situation n’aura de toute façon pas le temps de déborder davantage.
Le 17 octobre, le joueur, son entraîneur, la presse et tout le monde du foot apprend que le test anti-drogue de Mutu est positif. Le Roumain avoue très vite avoir consommé une substance récréative qui ne visait pas à améliorer ses performances sur le terrain. Les résultats révéleront qu’il s’agit de cocaïne. La pratique de Mutu n’était donc pas dans l’objectif de se doper, mais reste strictement prohibée dans le sport de haut-niveau. La Fédération anglaise le sanctionne immédiatement d’une suspension de 6 mois, que la FIFA applique aussi, d’une amende de 20 000 livres et d’une obligation à suivre un programme de réhabilitation.
La réaction la plus violente vient de son club, déjà confronté au cas du gardien Mark Bosnich, lui aussi positif à la cocaïne deux ans plus tôt. Et comme dans le cas du portier australien, Chelsea fait le choix de rompre le contrat de son joueur. S’ouvre alors un long procès, le club londonien exigeant une compensation du joueur pour le manque à gagner d’un éventuel transfert avorté.
Le procès deviendra l’un des plus importants connus par un joueur de foot en activité, ne trouvant sa résolution qu’en 2018. Et laissant de nombreuses traces dans la carrière d’Adrian Mutu. Très rapidement, le Roumain se sent abandonné. Lâché par ses agents et sponsors, il doit affronter seul un monde judiciaire et même politique britannique qui lui semble hostile :
« Je sais que j’ai été traité différemment car je n’étais pas un des leurs. Quand Tony Adams et Paul Merson ont eu des problèmes avec l’alcool, la Fédé anglaise leur a tout mis à disposition, ils ont bénéficié d’un soutien humain et logistique majeur. Dans mon cas, le ministre des Sports britannique réclamait deux ans de suspension. »
Son club souhaite à minima que le joueur rembourse les quelques 16 millions de livres déboursés pour le faire venir. Même outre-Manche, des voix se lèvent pour se demander si l’erreur de Mutu mérite vraiment une amende à huit chiffres. Si Briliantlul est même soutenu par la FIFPRO (Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels), cela ne l’empêchera pas d’être condamné une première fois à verser près de 10 millions de livres à son ancien club, avant que les appels ne s’enchaînent.
La renaissance
Entre deux rendez-vous avec ses avocats, Adrian Mutu doit retrouver un club prêt à l’engager malgré sa réputation sulfureuse. Il se tourne donc vers le pays où il a le plus brillé, l’Italie, et trouve une écurie qui sait y faire avec les fortes têtes. C’est la Juventus qui prend le pari de relancer le prodige roumain. Le club croit en son coup, et veut mettre l’attaquant tourmenté en confiance. Le contrat est bouclé en janvier, alors que Briliantlul est encore suspendu par la FIFA. Mais son club va le faire participer au dernier match de la saison – le premier pour lequel il est éligible – pour qu’il soit symboliquement sacré champion d’Italie. De quoi redonner le sourire à Mutu : « on peut dire qu’à 24 ans et demi, je suis né une deuxième fois ».
Toujours est-il qu’à l’aube de la saison 2005-06, le Roumain reste sur un an sans avoir (presque) fouler les pelouses. Il lui faudra du temps pour retrouver ses sensations. C’est à la huitième journée qu’il ouvre enfin son compteur, mais la magie n’opère jamais complètement. Dans une position plus reculée qu’à Parme, il est moins décisif, moins brillant, mais toujours important. Sixième homme le plus utilisé de l’effectif par Fabio Capello, Mutu reste un homme fort des Bianconeri. Et ses onze réalisations prouveront à la Juve que le pari est réussi. La récompense est belle : un deuxième titre consécutif de champion d’Italie. Sauf que tout paraît trop beau.
Quelques semaines plus tard, le scandale du Calciopoli éclate. Le club turinois est envoyé en Série B et ses deux derniers titres lui sont retirés. Nouveau frein dans la carrière d’Adrian Mutu. Reconnaissant envers le club qui l’a relancé, Briliantlul semble partant pour l’aider à remonter la pente. Mais il reçoit une proposition qui va tout changer. Celle de la Fiorentina, dirigée par Cesare Prandelli, le« deuxième père » de l’attaquant roumain. La Viola se met d’accord avec la Juventus pour un transfert à hauteur de 8 millions d’euros. Florence tient sa nouvelle star.
Il Fenomeno
C’est une véritable histoire d’amour qui va s’écrire entre Florence et Mutu. Mis dans les meilleures conditions par Prandelli, dans un duo d’attaque qui le voit associé avec Luca Toni, Briliantlul devient vite « Il Fenomeno ». C’est ainsi que les supporters de la Fio surnomment leur nouvel idole. Le Roumain semble apaisé, tant sur le terrain que dans sa vie personnelle. Pénalisée d’un retrait de 15 points en début de saison, également à cause de l’affaire du Calciopoli, la Viola terminera à la 6eme place, et aurait même accroché le podium sans cette sanction. Une qualification européenne obtenue en grande partie grâce à son phénomène, qui enquille 16 réalisations pour être nommé meilleur joueur du championnat par la Rai. Mais ce n’est qu’un début.
LIRE AUSSI – Juventus – Fiorentina, une rivalité sur fond d’amertume et de justice
Privé de Luca Toni parti à Munich, Adrian Mutu passe à la vitesse supérieure lors de sa deuxième saison à Florence. 23 buts en 40 apparitions toutes compétitions confondues, dont un formidable doublé contre le PSV pour qualifier les siens en demi-finale de la Coupe UEFA. En plus de cette épopée européenne qui n’ira pas plus loin, la Viola termine quatrième, synonyme de retour en Ligue des Champions. Charismatique, leader décisif, élégant, Adrian Mutu est à nouveau une star. À nouveau un joueur de classe mondiale.
S’il est la vedette de la Fiorentina, Mutu l’est encore plus au sein de sa sélection nationale et assume son statut. Auteur de 6 buts lors des éliminatoires de l’Euro 2008, il emmène son pays vers sa première compétition internationale depuis 2000. Petit poucet de ce qui est annoncé comme le groupe de la mort, composé de l’Italie et de la France, les deux finalistes de la dernière Coupe du Monde, ainsi que des Pays-Bas, la Roumanie ne semble pas pouvoir prétendre à la qualification. Mais elle surprend d’entrée, en accrochant une équipe de France qui sera apathique pendant toute la compétition (0-0).
Alors que les Pays-Bas ont humilié l’Italie (3-0) et qu’ils font de même avec les Bleus (4-1), une victoire des Tricolori contre la Nazzionale suffirait à leur qualification. Face à son deuxième pays de cœur, Mutu dispute le match le plus important de sa carrière. Il prend ses responsabilités, en ouvrant le score à la 55eme minute. L’Italie n’est pas sonnée longtemps et égalise une minute plus tard par l’intermédiaire de Christian Panucci. Mais à la 81e minute, Briliantlul a l’opportunité de sa carrière. Celle d’envoyer son pays en quart de finale de l’Euro pour la première fois de l’histoire. Il lui suffit pour cela de transformer le pénalty obtenu par ses coéquipiers. Face à lui, Gianluigi Buffon, qu’il a connu à la Juve et qui est alors le meilleur gardien du monde. Finalement, la frappe de Mutu est repoussée par Buffon. Les espoirs roumains se brisent. La carrière d’Il Fenomeno prend un nouveau tournant.
Car il n’y aura pas de miracle par la suite. Le score n’évolue pas face à l’Italie et les Pays-Bas seront ensuite trop forts (0-2). Une honorable troisième place pour la Roumanie, qui ne consolera pas Mutu. « Le football m’a brisé le cœur après ce loupé », confessera-t-il. Le même été, la FIFA le condamne à verser 17,2 millions d’euros à Chelsea, amende record dans l’histoire du football. Le Roumain fait de nouveau appel mais rien ne semble lui sourire. Toujours à l’aube de l’exercice 2008-09, il songe sérieusement à signer à l’AS Rome, mais se ravise, toujours convaincu par Prandelli et ému par la réaction virulente des supporters, qui tiennent à leur Fenomeno. Pour autant, rien ne sera plus jamais comme avant. Mutu est toujours brillant, mais les blessures viennent limiter sa saison à 19 matchs de Serie A. L’équivalent d’une moitié de championnat qui lui suffit à inscrire 13 buts pour de nouveau permettre à la Viola de décrocher un ticket pour la Ligue des Champions.
La rechute
À Florence, on a bon espoir que le Roumain se débarrasse de ses pépins physiques pour la prochaine saison. Mais désormais âgé de 30 ans, toujours marqué par son échec face à Buffon, toujours la tête à un procès qui n’en finit pas, Mutu ne redeviendra plus jamais le joueur qu’il était. Pire encore, ses vieux démons ressurgissent. Après une première partie de saison à nouveau compliquée par les blessures, Il Fenomeno revient fort. Trop fort. Sept buts sur les cinq premiers matchs de l’année 2010, de quoi éveiller les soupçons.
À la suite de cette série folle, il est contrôlé positif aux métabolites, une substance permettant de perdre du poids. Sa mère expliquera qu’elle prenait ces pilules pour son propre régime mais que son fils a dû les essayer « par curiosité ». Son coéquipier en sélection Christian Chivu le défendra estimant qu’il « a dû tomber sur la mauvaise pilule ». Des excuses qui ne convainquent personne, et l’attaquant sera suspendu 9 mois.
On retrouve Adrian Mutu là où on l’avait laissé six ans plus tôt, mais sans pouvoir plaider « l’erreur de la jeunesse ». Le Roumain a malgré tout une chance : son club l’aime et est prêt à tout lui pardonner. Une opportunité qui sera vite gâchée. Alors que sa suspension doit prendre fin le 29 octobre 2010, il fait à nouveau la une des journaux quelques jours plus tôt. Adrian Mutu a agressé un serveur en boîte de nuit. De retour sur les terrains une semaine plus tard, comme si de rien n’était, il ne sera que l’ombre de lui-même. L’ancien Fenomeno sèche des entraînements, s’excuse une énième fois, est réintégré, marque de temps à autre pour faire illusion, mais tout le monde sait que l’histoire est finie. Le contrat du Roumain est rompu d’un commun accord au terme de la saison, et c’est Cesena qui tente le coup.
Pari loupé. Même si Mutu est loin d’en être le premier responsable, son club termine à la dernière place de Serie A. Rebelote, rupture de contrat. C’est en Ligue 1 qu’il tente de rebondir. Tout juste arrivé à l’AC Ajaccio, il lance, à moitié sérieux, un défi à Zlatan Ibrahimovic : « Je marquerai plus de buts que lui ». Loin du Suédois, le Roumain réussi une première saison honorable (11 buts) avant de sombrer. Neuf matchs de disette pour commencer la saison suivante et des embrouilles avec l’entraîneur, Fabrizio Ravanelli, qui entraînent la rupture immédiate de son contrat. Les grandes heures de Briliantlul sont désormais loin derrière lui. Il tentera un retour au pays, au Petrolul Ploiești, qui tournera vite à l’échec, puis s’exilera en Inde (où il apparaîtra dans un très mauvais clip de Snoop Dogg) avant une nouvelle tentative infructueuse en Roumanie et de raccrocher les crampons.
Si sa fin de carrière en club ne fait pas beaucoup de bruit, il n’en est pas de même avec la sélection roumaine, où il est considéré comme une légende. Une légende à laquelle on est prêt à pardonner beaucoup. Écarté une première fois en 2009 après avoir été surpris en boîte de nuit la veille d’un match, Mutu sera réintégré puis récidivera deux ans plus tard. Censé être désormais « exclu à vie », l’attaquant est de nouveau appelé pour tenter de qualifier sa nation à la Coupe du Monde 2014. Mais l’aventure s’arrêtera à nouveau très vite à cause… d’une photo montage publié sur le compte Facebook du joueur, qui montrait son sélectionneur avec le visage de Mister Bean. Une fin absurde pour le meilleur buteur de l’histoire du pays, à égalité avec la légende Gheorghe Hagi (35 réalisations). Mais une fin à l’image de sa carrière.
Le 2 octobre 2018, après plus de 10 ans de procès, la Cour européenne des droits de l’Homme rejette l’ultime recours d’Adrian Mutu devant la justice. Il est donc condamné à verser 17,1 millions d’euros à Chelsea. Un point final à une carrière terminée deux ans plus tôt. Une carrière frustrante, qui aurait pu mener aux sommets s’il n’avait pas commis cette erreur à Londres. Qui aurait pu, sinon, écrire une des plus belles histoires de rédemptions si son histoire à la Fiorentina s’était terminée comme elle avait commencée. Une de ces carrières aux nombreux « et si ? » qui laisseront parler les imaginaires de chacun. Mais on doit tout de même souligner qu’il semblerait que le « jeune con » de Chelsea, devenu ensuite con sans excuse de l’âge, ne se soit pas mué en « vieux con ». Devenu entraîneur, Adrian Mutu a déjà pu prendre les reines des espoirs de sa sélection et du club où il s’était révélé, le Dinamo Bucarest. C’est peut-être dans ce costume qu’il écrira les plus belles lignes de sa carrière. Et si ?
Sources :
- « Adrian Mutu« , Il pallone racconta
- « Adrian Mutu dopé par sa mère ?« , 20 Minutes
- Alex Dicken, « Adrian Mutu’s wild world« , Daily Star
- Alexandre Lazar, « Adrian Mutu à Chelsea: mourir peut attendre« , So Foot
- Charlie Carmichael, « Gifted feet and tortured souls : when Adriano met Mutu at Parma« , TheseFootballTimes
- « Chelsea’s vindictive pursuit of Adrian Mutu over drugs shame : Just wrong ?« , Bleacher Report
- Dominic Vieira, « Adrian Mutu, a repetitive romanian lost cause« , Where is football
- Eddy Serres, « Adrian Mutu ou le romantisme à la roumaine« , So Foot
- Eric Maggiori, « Mutu ce qui brille« , So Foot
- Jonathan Wilson, « Mutu’s Florentine renaissance makes him one of Romania’s greats« , The Guardian
- « La CEDH donne raison au TAS face à Adrian Mutu et Claudia Pechstein« , Le Point
- Marion Gachies, « Adrian Mutu, l’écart de trop« , Eurosport
- « Mutu défie Ibrahimovic« , Le Point
- Tommaso Borghini, « Adrian Mutu, il Fenomeno« , Brivido sportivo
- Uros Popovic, « Adrian Mutu has ended his career : A belated farewell to ‘il fenomeno‘ », Viola Nation
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