Anciens vainqueurs ou finalistes de la plus prestigieuse compétition continentale, ces clubs sont retombés ou presque dans l’anonymat. La réforme de la C1 pour la lucrative Champion’s League et l’arrêt Bosman ont pesé sur leur parcours européen. Hormis Porto en 2004, aucun autre « petit » club n’a plus réussi à soulever la Coupe aux grandes oreilles et le spectre de la Super League ne va pas arranger ce phénomène. Retour sur ces ex-vainqueurs désormais portés disparus sur la scène européenne et sur ces finalistes qui, en plus, ont eu la désagréable expérience d’être définitivement passés à côté du Graal européen…
Depuis sa création en 1956 et jusqu’à la saison 1992/93, la Coupe des Clubs Champions opposait uniquement (comme son nom l’indique) les différents champions nationaux du continent européen. Le format est simple même si le nombre de participants va crescendo au fil des années. D’abord un tour préliminaire et ensuite des matchs aller – retour jusqu’à la finale qui se dispute sur une manche. Cette organisation est sportivement très intéressante mais parfois des surprises peuvent abréger le parcours de certains ténors comme en 1962/63 quand le Real Madrid (quintuple vainqueur) est éliminé dès le premier tour par Anderlecht ou en 1976/77 quand le Bayern Munich (triple champion en titre) est sorti en quart de finale par le Dynamo Kiev. Économiquement, et depuis sa création, la C1 permet d’engranger de beaux bénéfices. L’essor de la télévision a permis de générer des droits télévisés et des recettes marketing de plus en plus conséquents. Ainsi, la somme distribuée par l’UEFA est en constante augmentation. Elle est passée de 24 millions d’euros par saison en 1992/93 à près de 2 milliards d’euros aujourd’hui. Mais les aléas sportifs, avec les sorties de route parfois prématurées, rendent aléatoires les belles rentrées financières.
Finalement, après plusieurs décennies, l’UEFA décide de modifier le format de la compétition avec l’introduction d’une phase de groupes dès la saison 1991/92 puis un changement d’appellation l’année suivante avec la création de la Champion’s League et enfin un élargissement des participants en 1997/98 avec l’introduction des seconds des huit grands championnats. Deux ans plus tard, les troisièmes et quatrièmes des grands championnats sont autorisés à participer. L’UEFA réforme à différentes reprises son épreuve fétiche pour permettre à tous les cadors d’y participer. Même si Michel Platini avait essayé d’inverser la tendance en offrant plus de place pour les représentants des « petits » pays. De leur côté, les grands clubs veulent réduire le risque d’élimination prématurée pour sécuriser au maximum les juteuses rentrées financières de la Champion’s League. Plusieurs changements de format (deux phases de groupe de 1999 à 2003 puis retour à une phase de groupe unique) sont adoptés avant de s’accorder sur celui en vigueur depuis 2003/04 : une phase de groupe et des matchs aller – retour à partir des huitièmes de finale jusqu’à la finale.
L’arrêt Bosman change aussi la donne. Avant décembre 1995, les règlements de l’UEFA instaurent des quotas liés à la nationalité. Bien souvent, les équipes ne peuvent aligner que de deux ou trois « étrangers » dans leur effectif. Seuls les meilleurs joueurs rejoignent un championnat hors de leur frontière. Comme Platini à la Juventus ou encore Maradona à Barcelone puis à Naples. Les transferts sont moins fréquents et, si les stars peuvent partir, les très bons joueurs restent souvent dans les meilleurs équipes des championnats européens à l’instar de Giresse ou Tigana en France, de Butragueño ou Míchel en Espagne, de Baggio ou Baresi en Italie. La décision de la Cour de justice des Communautés européennes énonce l’illégalité des quotas de sportifs communautaires et de ceux de sportifs non communautaires ressortissant d’États ayant signé des accords d’association ou de coopération de l’Union européenne. Depuis cet arrêt, il n’est plus possible de limiter le nombre de sportifs des nationalités concernées dans une équipe ou une compétition professionnelle.
LIRE AUSSI : Champions et finalistes disparus de la Coupe des Champions, années 90
Les conséquences de l’arrêt Bosman sont nombreuses. Dès 1996, nous assistons à un exode des meilleurs éléments (souvent en fin de contrat comme Davids ou Reiziger) vers les championnats les plus attractifs (Serie A en 90, Premier League, Liga et Bundesliga depuis les années 2000) entraînant un affaiblissement de certaines équipes évoluant dans une ligue moins huppée ou moins attractive financièrement. Les transferts et les frais inhérents (commissions d’agent, primes …) sont devenus beaucoup plus fréquents. Et même des éléments plus moyens se voient proposer des salaires attrayants et délaissent leur club plus facilement qu’auparavant. Certains clubs comme Arsenal n’ont pas hésité à mener une politique sportive très agressive envers de jeunes joueurs avec plus ou moins de succès comme avec Fàbregas ou encore Aliadière. Depuis 1995, hormis en 2003/04 avec Porto et en 2019/20 avec le PSG, aucune équipe ne faisant pas partie des quatre grands championnats européens (Allemagne, Angleterre, Espagne et Italie) n’a réussit à atteindre la finale. Depuis leur épopée européenne, d’anciens vainqueurs comme Benfica, le Celtic, Hambourg ou le Steaua ont totalement disparus des radars et ne devraient plus jouer un rôle majeur dans la compétition phare continentale.
Valencia Club de Fútbol, un grand d’Espagne
Quatrième représentant ibérique à se hisser jusqu’en finale, Valence y parvient alors que le format de la compétition propose deux phases de groupe avant d’enchaîner sur les classiques matchs à élimination directe. Opposés au Bayern Munich, aux Rangers et au PSV Eindhoven dans le groupe F puis à Manchester United, la Fiorentina et Bordeaux dans le groupe B, ils gagnent ensuite face à la Lazio et Barcelone leur ticket final. Un vrai chemin de croix.
Au Stade de France, c’est la première confrontation entre deux équipes provenant de la même nation puisque l’autre protagoniste n’est autre que le Real Madrid. Dans ce duel fratricide, l’équipe de l’Argentin Héctor Cúper n’arrive pas à inquiéter les Merengues malgré la présence de plusieurs joueurs assez doués avec le ballon comme Mendieta, Farinós, Kily González, Angulo et Claudio López. Le but de Morientes à la fin de la première mi-temps n’arrange pas les affaires du club Che. En seconde mi-temps, McManaman et Raúl offrent un septième titre à la Casa Blanca.
L’année suivante, Valence réédite sa superbe performance en rejoignant à nouveau la finale. Le format est toujours le même. Dans le groupe C, ils surclassent Lyon, l’Olympiakos et Heerenveen. Ensuite, dans le groupe A, Manchester United, Sturm Graz et le Panathinaïkos n’empêchent pas les Espagnols de filer jusqu’en quarts. Arsenal et Leeds ne font pas plus le poids. Cette fois, Munich est l’adversaire proposé à la formation de Cúper. Renforcés par Aimar, Zahovič ou encore Carew, les Valencians ont des atouts à opposer aux Allemands. La rencontre est marquée par plusieurs penalties.
LIRE AUSSI : Les douces prouesses de Pablo Aimar
D’abord en faveur de Mendieta, puis c’est Mehmet Scholl qui bute sur Cañizares et enfin Effenberg pour le 1-1. Après la pause, Hitzfeld sort Sagnol pour Jancker. Le puissant attaquant allemand gêne la défense par son gabarit imposant. C’est l’un des tournants du match. Le score n’évolue plus même pendant la prolongation grâce à Oliver Kahn qui s’illustre à deux reprises devant Zahovič. Dans un bon jour, Der Titanstoppe les tir de Zahovič, Carboni et Pellegrino lors de la séance de tirs au but et le Bayerndécroche son quatrième titre de champion d’Europe après les « trois glorieuses » de 1974, 1975 et 1976. Valencereste une équipe sûre de Ligamais, malgré la prise de contrôle du richissime Peter Lim en 2014, l’équipe reste un éternel outsider et semble s’enfoncer dans une crise institutionnelle sans fin.
La génération dorée du Bayer
Le surnom sarcastique, « Neverkusen », donné au club de la firme pharmaceutique Bayer n’a jamais aussi bien collé qu’en cette saison 2001-02. Après avoir échoué à conquérir le titre en Bundesliga (deuxième) en ayant été quatorze fois leader et après avoir perdu en finale de la DFB-Pokal, Leverkusen dispute une nouvelle finale quelques jours plus tard. L’équipe dirigée par Klaus Toppmöller a réalisé un super parcours pour obtenir son billet pour Hampden Park. Dans le groupe F avec Barcelone, Lyon et Fenerbahçe, les Allemands finissent deuxièmes. Lors de la seconde phase de groupe, les favoris Arsenal et la Juventus terminent aux dernières places laissant au Werkself et à La Corogne le champ libre. En quart et demi-finale, Liverpool et Manchester United subissent la loi de Ballack, Berbatov et Ulf Kirsten.
Cette finale démarre rapidement avec l’ouverture du score de Raúl et l’égalisation de Lúcio dans le premier quart d’heure. Par la suite, les débats s’équilibrent et la partie est assez fermée. Mais tout bascule à la 45e quand Zinédine Zidane nous régale d’une reprise de volée limpide du gauche à l’entrée de la surface de réparation. Assurément l’un des plus beaux but de l’histoire de la compétition. Hormis l’entrée du jeune Casillas à la 68e, plus rien ne change. Leverkusen enchaîne sa troisième défaite de rang en moins de quinze jours. Toujours placé, jamais gagnant.
Cette formule semble indélébile pour le club de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Depuis cette finale, l’équipe dispute souvent l’Europe mais ne parvient plus à jouer les premiers rôles. Mêlant formation (Havertz, Wirtz …) et post-formation (Bailey, Paulinho …), le club allemand se positionne désormais régulièrement dans le top 6 de Bundesliga mais ne parvient pas à dépasser ce plafond de verre.
La principauté et son épopée
Absent des finales européennes depuis 1993, le représentant français parvient enfin à y revenir en 2004. Après Reims, Saint-Étienne et Marseille, Monaco est la grosse surprise de cette quarante-neuvième édition. Meilleure attaque de la phase de groupe (quinze buts, ex æquo avec la Juventus), la formation de Didier Deschamps a notamment infligé une sévère défaite 8-3 au Deportivo La Corogne et un 4-0 à l’AEK Athènes. Après une qualification in extremis face au Lokomotiv Moscou en huitièmes, le club du Rocher se voit opposer le Real Madrid. Condamnés à l’exploit après un match aller délicat en Espagne, les coéquipiers de Giuly le réalisent et sortent les Galactiques madrilènes (Figo, Raúl, Roberto Carlos, Ronaldo et Zidane).
Chelsea n’est pas en mesure de se mettre en travers de la route des joueurs de la Principauté. Face au vainqueur de la dernière Coupe de l’UEFA, Porto, le club français ne fait pas de complexes et pense avoir ses chances grâce à son attaque de feu (vingt-sept buts). Malheureusement, la blessure précoce du capitaine Giuly et l’incapacité des Français à contourner la rugueuse défense portugaise composée de Jorge Costa et Ricardo Carvalho ne placent pas Monaco dans les meilleures dispositions. Et le premier but opportuniste des Dragões en fin de première période n’arrange pas les choses.
LIRE AUSSI : L’AS Monaco et l’exploit de 2004
Le scénario est à l’inverse totalement en faveur des Azuis e Brancos. Le bloc solide casse le rythme des Monégasques. Deco livre un récital dans la conservation du ballon et dans l’exploitation des contre-attaques dont il est à la conclusion sur le second but. Le Russe Alenitchev corse l’addition (3-0) et procure un deuxième succès en C1 après 1987 ; le premier pour José Mourinho. Par la suite, Monaco descend lentement dans la hiérarchie nationale jusqu’à sa relégation inattendue en 2011. Rapidement de retour dans l’élite, le club change de stature quand le magnat russe Dmitri Rybolovlev prend le contrôle. Dans un premier temps, les investissements sont conséquents avec plusieurs arrivées très onéreuses (Falcao, James Rodríguez, João Moutinho, Kondogbia…).
Cependant, les problèmes personnels de Rybolovlev le font changer de politique sportive. Désormais, le club mise sur la post-formation pour un investissement moindre et des plus-values importantes. Les transferts s’accumulent (Bakayoko, Carillo, Cavaleiro, Lemar, B. Mendy…) mais Jardim décroche le titre et retrouve le dernier carré de la Champion’s League grâce aussi à l’émergence d’un jeune surdoué : Kylian Mbappé. Avec désormais plus de 38 joueurs sous contrat (ils étaient 76 en juin 2020), le projet sportif de Monaco est assez flou avec de grandes fluctuations au classement général (17e en 2019, 9e en 2020 et 3e en 2021) même si la présence du club en Europe semble primordiale pour valoriser les talents de son effectif.
Le rêve brisé d’Henry
Dix ans après sa prise de fonction dans le nord de Londres, Arsène Wenger atteint la dernière marche de la plus prestigieuse compétition européenne. Depuis sa nomination, Arsenal est un abonné du tournoi avec huit participations sur dix possibles mais les Gunners n’avaient jamais atteint ce niveau. Pour en arriver là, les Anglais ont dominé facilement un groupe B composé de l’Ajax, du FC Thoune et du Sparta Prague. Ensuite, le Real Madrid, la Juventus et le surprenant Villarreal cèdent face à Thierry Henry et ses partenaires.
Au Stade de France, ils sont opposés au Barça de Ronaldinho considéré comme la meilleure équipe du continent. Le début du match est équilibré. Chaque camp a l’opportunité d’ouvrir la marque. Mais l’expulsion de Lehmann à la 18e change la donne. Dépité, Pirès cède sa place à Almunia et Barcelone accentue sa pression. Pourtant, en dépit de son infériorité numérique, Arsenal débloque son compteur par Sol Campbell. Au retour des vestiaires, Iniesta remplace un Edmílson blessé. Les Blaugranas poussent mais s’exposent aux contres des Londoniens. Ljungberg et Henry ont l’occasion de doubler la marque. Sans réussite. Le coaching de Rijkaard s’avère payant puisque Henrik Larsson et Juliano Belletti sont décisifs dans le dernier quart d’heure.
Le Suédois dévie une belle passe appuyée de Iniesta dans la course de Eto’o pour l’égalisation et propulse Belletti dans la surface pour le but victorieux. En quatre minutes, les Catalans ont renversé la situation et gagnent un second trophée après leur succès de 1992. Suite à ce match, summum européen de l’aventure du coach alsacien à Londres, Arsenal rentre dans le rang plombé par des actionnaires peu enclins à (trop) dépenser sur le marché des transferts. Toujours bien placé mais incapable de lutter pour le titre national, le club anglais se console avec différents succès en FA Cup (2014, 2015, 2017 et 2020). Cependant, alors qu’il était un membre régulier de Champion’s League sans interruption depuis 1999, les Gunners perdent ce statut et doivent désormais se concentrer sur l’Europa League. Défaite en finale en 2019 de cette compétition face à l’un de ses rivaux locaux Chelsea et demi-finaliste en 2017 et 2021, l’équipe actuellement dirigée par son ancien joueur, Mikel Arteta, espère retrouver le tournoi majeur du Vieux Continent après cinq ans d’absence.
Comme nous venons de le voir, les différentes réformes de la Coupe des Champions devenue entre temps la Ligue des Champions, cumulées aux effets de l’arrêt Bosman, ont fait complètement disparaître des anciens vainqueurs de ce trophée mythique qui ont pourtant écrit de belles pages de l’histoire du football européen. La volonté des clubs les plus réputés et fortunés de minimiser les risques sportifs pour maximiser les rentrées économiques nous donne un entre-soi consanguin où il sera pratiquement impossible de voir émerger un champion surprise issu d’un championnat hors big four.
Sources :
- Cyril Morin, L’arrêt Bosman a 20 ans, Eurosport
- Swann Borsallino, Valence 2000, en haute altitude, So Foot
- Site officiel de l’AS Monaco, Quand Monaco renversait le Real Madrid
Crédits photos : Icon Sport
Les autres épisodes :
Episode 1 : Champions et finalistes disparus de la Coupe des Champions, années 50
Episode 2 : Champions et finalistes disparus de la Coupe des Champions, années 60
Episode 3 : Champions et finalistes disparus de la Coupe des Champions, années 70
Episode 4 : Champions et finalistes disparus de la Coupe des Champions, années 80
Episode 5 : Champions et finalistes disparus de la Coupe des Champions, années 90