Anciens vainqueurs ou finalistes de la plus prestigieuse compétition continentale, ces clubs sont désormais des anonymes. La réforme de la C1 pour la lucrative Champion’s League et l’arrêt Bosman ont pesé sur leur parcours européen. Hormis Porto en 2004, aucun autre « petit » club n’a plus réussi à soulever la Coupe aux grandes oreilles et le spectre de la Super League ne va pas arranger ce phénomène. Retour sur ces ex-vainqueurs désormais portés disparus sur la scène européenne et sur ces finalistes qui, en plus, ont eu la désagréable expérience d’être définitivement passés à côté du Graal européen…
Les années 50
Stade de Reims (finaliste, 1956 et 1959)
Sous l’impulsion du journal sportif français L’Équipe, la première édition du tournoi européen interclub voit le jour en 1955. Suite à un choix populaire, les premiers participants sont invités à condition que ces derniers aient déjà remporté au moins une fois leur championnat national. Seize équipes (RSC Anderlecht, AGF Århus, FK Partizan Belgrade, Budapest Vörös Lobogó SE, Djurgårdens IF, PSV Eindhoven, Rot-Weiss Essen, Hibernian FC, AC Milan, Real Madrid, Sporting Portugal, Stade de Reims, FC Sarrebruck, Servette FC, Gwardia Varsovie, Rapid Vienne) prennent part à la première édition de cette nouvelle compétition. Champion en titre, et déjà trois fois lauréat de Division 1, Reims est alors désigné pour représenter la France. Le club champenois pratique un football offensif, technique et rapide en opposition au jeu physique pratiqué majoritairement à l’époque. C’est le « jeu à la rémoise » ou « football Champagne » magnifié par leur meneur de jeu : Raymond Kopa. Le titre européen devient alors l’objectif prioritaire des dirigeants rémois. D’ailleurs, lors de cette saison 1955-56, le club champenois finit à une modeste dixième position en D1. L’équipe dirigée par Albert Batteux, futur sélectionneur de l’équipe de France à la Coupe du Monde 1958, est opposée aux Danois de AGF Århus pour le premier tour. L’obstacle est facilement contourné grâce notamment à Glovaski et Bliard avec une victoire au Danemark 0-2 à l’aller et un nul 2-2 à Delaune au retour.
Devant la faible affluence (seulement 5845 spectateurs), les dirigeants décident de délocaliser les futurs rencontres à Paris, au Parc des Princes. En quart de finale, les Hongrois du Budapest Vörös Lobogó SE se dressent face à Reims. Dans une enceinte francilienne remplie de 35 000 spectateurs enthousiastes, les coéquipiers de Jonquet prennent une bonne option en s’imposant 4-2 (Glovaski, Leblond par deux fois et Bliard). Au retour à Budapest, Reims prend rapidement le contrôle de la rencontre en menant 1-4 suite à des réalisations des inévitables Glovaski et Bliard et, même si Vörös Lobogó recolle au score avec trois buts consécutifs (4-4), le club champenois atteint facilement le dernier carré. Hibernian est l’ultime adversaire avant la finale. Les Ecossais ne font pas le poids face à la gestion rémoise. Avec deux victoires (2-0 et 0-1), les Français effacent les Britanniques et peuvent désormais attendre de connaître l’identité de leur adversaire en finale. En effet, l’autre demi-finale opposant le Real Madrid à l’AC Milan se déroule le 19 avril et le 1er mai 1956 alors que Reims a joué le 4 et le 18 avril 1956. Vainqueur des Italiens (4-2 puis 2-1), le champion d’Espagne parvient en finale et impose le respect avec notamment Di Stéfano et Gento. Cependant, Reims possède un léger avantage puisque la dernière manche se déroule au Parc des Princes à Paris où l’équipe évolue depuis les quarts de finale. Dès les premières minutes de la partie, les Champenois mettent une énorme pression sur la défense ibérique. Le plan d’Albert Batteux est simple : surprendre Madrid.
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Et cette tactique fonctionne merveilleusement quand Michel Leblond ouvre le score dès la 6ème minute suivi rapidement par son coéquipier Jean Templin, bien aidé par le portier espagnol Alonso peu inspiré dans sa sortie. Tel un boxer sonné et acculé dans les cordes, les joueurs de José Villalonga semblent déconcertés par l’entame de match des Français. Raymond Kopa manque d’aggraver la marque mais sa tentative est repoussée sur la ligne par la défense merengue. Pourtant, malgré cette furia rémoise, le Real recolle au score par l’intermédiaire de l’inévitable Di Stéfano, seul dans la surface, bien servi par Miguel Muñoz imité par José Rial quinze minutes plus tard avec toujours Muñoz à la baguette. Un peu plus tard, une frappe de Francisco Gento heurte le poteau et donne des sueurs froides à Jacquet mais le score n’évolue plus jusqu’à la pause. Peu après l’heure de jeu, le capitaine rémois Michel Hidalgo reprend de la tête et redonne l’avantage à son camp. Cependant, le Real égalise rapidement avec beaucoup de réussite puisque la frappe de Marquitos Alonso est déviée par un défenseur et laisse Jacquet impuissant (3-3). Le sort de ce match spectaculaire et indécis bascule définitivement à la 79ème quand Rial reçoit un ballon à l’entrée de la surface et élimine son adversaire d’un contrôle orienté pour s’ouvrir le chemin du but. Malgré une dernière tentative sur la barre de Templin, Madrid résiste et s’offre le premier trophée européen de son histoire. C’est une défaite au goût amer pour Reims. Les joueurs d’Albert Batteux ont offert une superbe prestation aux spectateurs parisiens.
Trois ans plus tard, la finale de l’édition 1959 nous offre la même affiche. Entre temps, les Ibériques ont gagné deux autres trophées et visent la passe de quatre. Pour atteindre la dernière marche, le Real a sorti Beşiktaş en huitième (2-0 puis 1-1), le Wiener Sport-Club (0-0, 7-1) en quart, l’Atlético de Madrid (2-1 et 1-0 puis 2-1 en match d’appui) en demi. De son côté, le Stade de Reims n’a pas disputé la Coupe des Champions 1956-57 suite à sa dixième place en championnat. La saison suivante, le club se hisse sur le podium (3e) mais c’est encore insuffisant pour rejouer l’Europe. Finalement, après un exercice 1957-58 largement dominé avec un doublé Coupe / championnat à la clé, Reims est de retour en C1. Si l’ossature de l’équipe n’a pas trop changé depuis la finale de 1956 avec les présences de Jacquet, Siatka, Giraudo, Jonquet, Leblond, Penverne et Bliard dans l’effectif, le transfert de Raymond Kopa au Real Madrid a permis à Reims de se renforcer offensivement avec l’arrivée d’un trio d’attaquants prometteur composé de Just Fontaine, Roger Piantoni et Jean Vincent. Toujours sous la houlette d’Albert Batteux, le Stade efface facilement l’obstacle du Ards Football Club (1-4 puis 6-2). En huitième, les Finlandais de Helsingin Palloseura subissent le même sort (4-0 et 0-3). En quart, l’adversité augmente et le Standard de Liège s’impose à l’aller (2-0) obligeant les Français à un exploit au retour. Un doublé de Fontaine et une réalisation de Piantoni envoient Reims en demi-finale (3-0). Contre les Young Boys de Berne, le scénario est similaire avec une défaite au Wankdorfstadion à l’aller (1-0). Mais comme au tour précédent, un doublé de Piantoni et une réalisation de Penverne envoient Reims en finale (3-0).
Au Neckerstadion, même si Puskás est absent, le tenant du titre peut compter sur ses autres stars (Santamaria, Rial, Gento et Di Stéfano) et sur… Raymond Kopa. Le scénario du match est complètement différent de la précédente finale. Avec une ouverture du score précoce de Mateos d’un subtil extérieur du droit depuis le coin gauche de la surface française, Madrid prend le contrôle de la rencontre. Reims prend immédiatement une douche froide. Heureusement, Dominique Colonna préserve encore un peu les espoirs champenois en repoussant un penalty de Mateos au quart d’heure de jeu. Bien muselés par la défense madrilène, le trio offensif français ne parvient pas à faire sauter le verrou espagnol. Blessé au genou en première mi-temps, Kopa doit laisser ses coéquipiers en infériorité numérique en seconde période. Cependant, le but marqué par Di Stéfano d’une frappe très bien placée à l’entrée de la surface au retour des vestiaires place Madrid dans une position idéale pour la victoire. Le score n’évolue plus et le Real collectionne une nouvelle Coupe. Il s’agit de la quatrième consécutive. Si le Real Madrid poursuit sa glorieuse histoire en Espagne et sur le Vieux Continent, le club champenois ne connaît pas la même trajectoire. Reims remporte deux autres titres de champion de France en 1960 et 1962 avant de disparaître progressivement du paysage footballistique français. Après une absence parmi l’élite de trente-trois ans, les Rémois redécouvrent la Ligue 1 en 2012 sans parvenir à y jouer les premiers rôles comme auparavant.
Fiorentina (finaliste, 1957)
Largement vainqueur du 1956 (une seule défaite concédée et douze points d’avance sur le dauphin*), la Fiorentina participe pour la première fois à cette nouvelle compétition à l’aube de la saison suivante. L’enthousiasme autour cette Coupe d’Europe attire même les plus réticents puisque les Anglais, absents de la précédente édition, se décident d’y participer avec Manchester United. La Fiorentina évite le premier tour et élimine IFK Norrköping (1-1 puis 0-1) en huitième. Au tour suivant, les Zurichois du Grasshopper subissent également la loi de la Viola (3-1 à l’aller et 2-2 au retour). Dans le dernier carré, les Italiens héritent de l’Étoile rouge de Belgrade. Les Toscans gagnent en Serbie (0-1) et conservent leur avance à domicile (0-0). En finale, ils retrouvent le vainqueur de la précédente édition dans son stade de Bernabéu : le Real Madrid. Pour se hisser en finale, les Espagnols ont connu une entrée en matière difficile contre le Rapid Vienne (4-2 puis 3-1). Un match d’appui est nécessaire pour départager les deux protagonistes remporté par Madrid (2-0). Par la suite, Nice (3-0 et 2-3) et Manchester United (3-1 puis 2-2) sont facilement gérés par le champion en titre. Par rapport à la finale du Parc de 1956, le club espagnol n’a pas connu beaucoup de changement hormis l’arrivée du Français Raymond Kopa pour occuper l’aile droite de l’attaque. Côté transalpin, le coach Fulvio Bernardini organise son équipe avec une tactique en 3-2-3-2 d’inspiration hongroise. Giuliano Sarti, futur gardien de l’Inter de Helenio Herrera, le capitaine Cervato en défense, Segato au milieu et enfin Julinho et Montuori en attaque sont les éléments majeurs du XI de la Viola.
Devant une énorme affluence de 125 000 spectateurs, les deux formations livrent un match équilibré. En dépit de leur supériorité, Madrid se montre incapable de faire plier les Florentins. Les défenses prennent le dessus sur les attaques et la première période se termine sur un score nul et vierge. Finalement, le match bascule en seconde période quand l’arbitre néerlandais de la rencontre, M. Horn, accorde un penalty généreux (pour ne pas dire imaginaire) aux locaux pour une faute de Magnini sur Mateos. Les Italiens s’indignent, à raison, car ils estiment que la faute a été commise en dehors de la surface. Mais M. Horn n’écoute pas les protestations transalpines et maintient sa décision. Di Stéfano ne se pose pas de question et transforme la sentence malgré le bel effort de Sarti, pas vraiment sur sa ligne au moment de la frappe de l’Hispano-Argentin. Le stade est en liesse quand quelques minutes plus tard, Gento scelle définitivement le sort de cette rencontre. Bien lancé en profondeur, l’ailier gauche résiste au retour du dernier défenseur italien pour fixer Sarti et placer le ballon dans les filets. Le Real s’adjuge le titre pour la seconde année d’affilée. Au cours de leur histoire, les Toscans remportent la Coupe des Vainqueurs de Coupe en 1961 et un nouveau Scudetto en 1969 mais restent en dehors de la course pour la C1 en dépit de la présence de plusieurs joueurs de très grand talent au sein de leurs effectifs successifs (Antognoni, Baggio, Bastituta, Hamrin, Rui Costa, Sócrates) et participent plus régulièrement à la Coupe de l’UEFA qu’à la Champion’s League.
NDLA : victoire à deux points.
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Crédits photos : Icon Sport