Illustre inconnu du grand public à 32 ans lors de la victoire grecque à l’Euro, Theódoros Zagorákis, le capitaine des hellènes, est devenu en 2004 un héros national. Ce statut l’a ensuite poussé jusqu’aux portes du Parlement européen. Également président de la Fédération grecque de football, il doit relancer un sport qui se porte au plus mal dans le pays.
Theódoros Zagorákis est né le 27 octobre 1971 à Kavala dans le nord de la Grèce. C’est dans le club de la ville, l’AO Kavala, qu’il commence sa carrière professionnelle à 17 ans en 1988, en seconde division. En décembre 1992, il est recruté par le PAOK Salonique. Ses performances au milieu de terrain lui permettent de débuter en sélection le 7 septembre 1994 lors d’une victoire 5-1 aux Îles Féroé. Lors de la saison 1994-1995, le PAOK termine 3e du championnat mais ne peut pas se qualifier pour la coupe d’Europe après une suspension de cinq années, survenue en marge d’un match face au Paris SG lors de la coupe UEFA 1992-1993. Il doit donc attendre la saison 1997-1998 pour découvrir l’Europe après une quatrième place en championnat. C’est avec le brassard de capitaine qu’il porte depuis déjà deux années, qu’il sort Arsenal en 32e de finale (1-0, 1-1) avant d’être éliminé par l’Atlético Madrid (4-4, 2-5). À l’hiver 1997, il quitte la Grèce et rejoint la Premier League et Leicester City pour environ 1,2 millions d’euros.
Première expérience à l’étranger
Avec le club anglais, Zagorákis participe à 59 matchs dont 50 de Premier League pour 3 buts et 1 passe décisive. En mars 1999, il rentre en fin de rencontre lors de la finale de coupe de la Ligue face à Tottenham. Il ne joue qu’une seule minute lors de cette défaite 1-0. L’année suivante, les Foxes réitèrent leur performance et atteignent à nouveau la finale. S’il fait des entrées lors des demi-finales face à Aston Villa, il ne joue pas la finale, cette fois-ci remportée 2-1 face à Tranmere Rovers. Lors du mercato estival de 2000, il décide de rentrer au pays pour obtenir plus de temps de jeu et rejoint l’AEK Athènes.
Son arrivée dans la capitale lui permet de regoûter à l’Europe. Il est éliminé en 8e de finale de coupe UEFA face au FC Barcelone en 2000-2001. Il connaît au cours de cette même saison une accusation de dopage. On retrouve dans son organisme une part anormale de testostérone mais il est disculpé par la justice sportive du pays. L’année suivante, il est éliminé par l’Inter Milan en 8e de finale de la coupe UEFA. Il porte à nouveau le brassard de capitaine. Lors de cette année 2001-2002, il termine deuxième du championnat à la différence de buts (+39 pour l’Olympiakos et +37 pour l’AEK). Cette place permet au club de se qualifier pour les tours préliminaires de la Ligue des champions. L’AEK atteint aussi la finale de coupe de Grèce et s’impose 2-1 face à l’Olympiakos. Il remporte ainsi son second trophée.
En Ligue des champions, l’AEK bat l’APOEL Nicosie en troisième tour de qualification. Il se retrouve dans une poule avec le futur vainqueur, le Real Madrid, mais aussi la Roma et Genk. Malgré des adversaires de renom, Zagorákis et l’AEK sont invaincus dans la compétition avec six matchs nuls et terminent 3e. L’année suivante, ils atteignent à nouveau les poules de C1 et tombent sur Monaco, futur finaliste. Ils arrivent même à prendre un point. Cependant, ils terminent dernier de la poule, également composée de La Corogne et du PSV Eindhoven. Après 162 matchs dans la capitale pour 11 buts et 5 passes décisives, le capitaine de la Grèce se prépare pour sa première grande compétition majeure avec sa sélection nationale.
Sur le toit de l’Europe
La Grèce se présente au Portugal pour sa troisième compétition internationale après l’Euro 1980 (un nul et deux défaites) et la coupe du monde 1994 (trois défaites). Elle arrive dans la compétition pour bien figurer mais n’apparaît pas comme une favorite. Après une phase de poule brillante, la Grèce surprend (2-1 contre le Portugal, 1-1 contre l’Espagne 1-1 et défaite 1-2 contre la Russie). En quart de finale, Zagorákis affronte la France, tenante du titre. Le numéro 7 brille au cours de la rencontre. Après un sombrero réussi sur Bixente Lizarazu, il centre aux six mètres sur Ángelos Charistéas qui mystifie Barthez et élimine les Bleus, 1-0 score final. Un journal portugais titre le lendemain « Z comme Zagorakis, pas comme Zidane » pour souligner sa grande performance. En demi-finale, les Grecs l’emportent à nouveau 1-0, cette fois-ci aux prolongations face à la République tchèque. Ils remportent la finale 1-0 contre le Portugal.
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Au cours de la compétition, aux côtés d’Ángelos Basinás ou Kóstas Katsouránis, le capitaine hellène réussi à faire déjouer ses adversaires en coupant les lignes d’attaque, en relançant proprement et en ratissant tous les ballons. Il termine le premier tour et même la compétition avec le plus de tacles réalisés. Le métronome porte son équipe jusqu’au sommet de l’Europe grâce à un jeu collectif fort et une solide défense. Pendant la compétition, il est parfois comparé à Didier Deschamps dans la presse. Zagorákis est finalement élu meilleur joueur de la finale et meilleur joueur du tournoi. Dans un collectif sans individualité sortant du lot, il est récompensé à 32 ans pour son œuvre et son impact au cours de la compétition. À la fin de l’année, le milieu récupérateur d’1,78 m pour 74 kg termine cinquième du Ballon d’Or France Football. Il est devancé par Andreï Chevtchenko, Deco, Ronaldinho et Thierry Henry.
Son été réussi éveille l’intérêt de nombreux clubs européens, comme pour un grand nombre de ses coéquipiers. Évoqué dans des rumeurs de transfert du côté de Caen, il signe finalement un contrat de deux ans en Serie A avec Bologne. Au cours d’une saison difficile où il joue 34 matchs, le club est relégué après une défaite lors du match de barrage contre Parme. Il est alors laissé libre et retourne au PAOK Salonique. Le Grec prend sa retraite sportive en juillet 2007 après 220 matchs avec son club de cœur. Il dispute la même année son dernier match en sélection avec laquelle il totalise 120 matchs, ce qui en fait le second joueur le plus capé, derrière Yórgos Karagoúnis.
À la fin de sa carrière sportive, en juin 2007, il prend la direction du PAOK Salonique, en grande difficulté financière. Il garde ce poste jusqu’en octobre 2009. Il décide de démissionner après des violences entre des supporters de son club et ceux de l’Aris Salonique, le rival, lors d’un match de coupe de Grèce des moins de 21 ans. Zísis Vrýzas, son ancien coéquipier le remplace. Zagorákis reprend ce poste entre 2010 et 2012 avant de démissionner à nouveau après un conflit avec les supporters.
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Une retraite politique
Il se lance ensuite en politique avec le parti conservateur Nouvelle Démocratie, dirigé aujourd’hui par Kyriákos Mitsotákis, actuel Premier ministre. En 2014, il est élu député européen. Il avait à cœur de représenter à nouveau son pays sur la scène européenne. Au cours de son premier mandat, il est membre de la commission de la culture et de l’éducation et de la délégation à la commission de coopération parlementaire UE-Russie. Il est réélu en 2019 et appartient aux mêmes commissions, ainsi qu’à la commission de la pêche.
Il est finalement radié de son parti en janvier 2020 à cause d’une histoire concernant le football dans le pays. La Commission des sports professionnels, une instance grecque indépendante lance une enquête après une plainte de l’Olympiakos. Le club de la capitale avait demandé la relégation du PAOK et de Xanthi car les deux clubs étaient liés par un même actionnaire. Décontenancé par l’idée de voir son club en seconde division, il menace de quitter le parti. Ce dernier le devance finalement et le radie pour avoir manifesté son désaccord avec son propre gouvernement.
C’est dans ce monde du football troublé par les ingérences, les scandales, les matchs truqués, que le 27 mars 2021, Theódoros Zagorákis est élu président de la Fédération hellénique de football avec 66 voix sur 68 possibles. Il succède à Evangelos Grammenos, en poste depuis 2017. L’objectif est d’assainir ce milieu même si la tâche s’avère difficile dans un pays où les dirigeants sont aussi de puissants hommes d’affaires. En octobre 2016, une commission internationale est mise en place à la demande du Premier ministre qui voulait signer un memorandum pour refonder le football national mais celle-ci n’a rien donné. La sélection nationale est aussi en grande difficulté avec une 51e place au classement UEFA et l’absence de grandes compétitions depuis 2014 alors qu’elle a connu six sélectionneurs en six ans.
Theódoros Zagorákis est devenu le temps d’une compétition un joueur hors du commun. Il réussi à porter sa sélection sur le toit de l’Europe contre tous les pronostics. Malgré des brefs passages en Angleterre et Italie, le solide milieu récupérateur s’est surtout illustré dans son pays natal. Aujourd’hui à la tête de la Fédération, il a pour objectif de relever une nation en grande difficulté que ce soit au niveau du championnat ou de la sélection. Sa solide expérience et son glorieux passé devront l’aider à faire repartir le « bateau pirate » vers de nouveaux succès internationaux.
Sources :
- AFP, « Dopage : le capitaine de l’équipe de Grèce contrôlé positif », AFP, 18 avril 2001.
- AFP, « Euro-2004 – Joueur du tournoi: Zagorakis, au nom de tous les siens », AFP, 5 juillet 2004.
- AFP, « Grèce – Zagorakis démissionne de la présidence du PAOK Salonique », AFP, 8 octobre 2009.
- GUILLOU Clément, « Theodoros Zagorakis, à la droite de Zeus », lemonde.fr, 7 juin 2016.
- KOTTIS Alexandros, « Zagorakis peut-il sauver le football grec », sofoot.fr, 2 avril 2021.
- LCFC, « Remembering Foxes & AEK Favourite Theo Zagorakis’ Remarkable Career », lcfc.com, 28 octobre 2020.
- OUEST-FRANCE avec AFP, « Un eurodéputé grec, ancien joueur de football, radié de son parti », ouest-france.fr, 28 janvier 2020.
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