Finaliste de la Coupe du Monde 2018 pour sa première compétition internationale à la tête de la Croatie, le sélectionneur Zlatko Dalić est toujours en poste pour l’Euro 2020. Pourtant, celui qui a impressionné il y a trois ans, n’est pas cité comme l’un des grands hommes de ce Championnat d’Europe comme peuvent l’être Deschamps, Löw, Mancini ou Enrique. Au même titre que les Croates ne figurent pas parmi les favoris malgré leur titre de vice-champions du monde. Cependant, personne ne s’étonnerait de voir Dalić et ses hommes être une nouvelle fois outsiders d’une grande compétition internationale.
Un enracinement croate sans y trouver la gloire
Zlatko Dalić est l’un de ses entraîneurs qui a réussi, tandis que sa carrière de joueur n’a jamais décollé. Né dans l’actuelle Bosnie-Herzégovine, il est pourtant de nationalité croate bien qu’il n’obtient jamais le statut d’international, que cela soit pour la Yougoslavie ou pour la Croatie. Il évolue au poste de milieu défensif et fréquente plusieurs clubs croates dont celui de son cœur, le Hajduk Split. Mais il ne s’y impose jamais. En parallèle de sa carrière modeste de footballeur, Dalić suit des études de kiné. Il insiste pourtant au sein du Hajduk Split puisqu’il y démarre sa carrière professionnelle en 1983, y reste jusqu’en 1986 avant de revenir une saison plus tard et d’y effectuer un second retour de 1996 à 1998.
L’essentiel de la carrière de footballeur de Zlatko Dalić se déroule au club de Varteks où il joue sept saisons entre 1992 et 2000, entrecoupées par son ultime passage au Hajduk Split. C’est à Varteks que Dalić devient entraîneur. Au début des années 2000, il est l’adjoint de Miroslav Blazevic, le sélectionneur de la Croatie demi-finaliste au Mondial 1998, également passé par le FC Nantes à la fin des années 1980. Il apprend donc aux côtés d’une légende de son pays puis devient entraîneur de l’équipe première en 2005.
Si Dalić reste au Varteks jusqu’en 2007 et poursuit son parcours d’entraîneur à Rijeka, Tirana en Albanie ou au Slaven Belupo de nouveau en Croatie, là où il apprend davantage c’est bien déjà auprès de la sélection croate. En effet, il est en parallèle de ces différents postes, l’adjoint des espoirs. Il fréquente ainsi dès la fin des années 2000, Mario Mandzukic, Ivan Rakitic, Dejan Lovren ou Nikola Kalinic qu’il retrouve une dix ans plus tard, dans la sélection A.
L’expérience orientale
Après avoir sillonné la Croatie en tant que joueur, entraîneur, adjoint, dans des clubs différents et même au sein de la Fédération, le bilan en terme d’expérience est sûrement important mais toutefois le jeune coach gagne peu. Il doit se contenter d’une Supercoupe d’Albanie avec le Dinamo Tirana en 2008. C’est léger pour un homme dont la gloire l’a déjà fui dans sa vie de joueur.
Il trouve le début de sa gloire en Arabie Saoudite. D’abord entraîneur de Al-Faisaly de 2010 à 2012, il remporte la coupe nationale une saison plus tard avec le club de Al-Hilal. Il poursuit sa route orientale dans les Emirats Arabes Unis où il occupe pendant trois ans le poste de coach à Al-Ain. Là-bas il est élu à deux reprises entraîneur de l’année et remplit son armoire à trophées : une coupe, un championnat, une supercoupe et une finale de la Ligue des Champions asiatique.
Un retour en Croatie comme sauveur
Octobre 2017, la Croatie joue sa peau dans le groupe de qualification pour la prochaine Coupe du Monde. Elle est devancée par l’Islande et au coude à coude avec l’Ukraine. Louper le Mondial russe serait un véritable échec pour l’équipe au damier tant elle semble monter en puissance depuis 2012, n’ayant louper aucune grande compétition internationale depuis cette année. Le sélectionneur Ante Cacic est alors remercié par Davor Suker, président de la fédération, qui trouve un remplaçant en la personne de Zlatko Dalić.
Pour son premier match, face à l’adversaire direct du groupe d’éliminatoires, le nouveau sélectionneur l’emporte 2-0 en Ukraine. La Croatie rencontre la Grèce lors des barrages et se qualifie pour la Coupe du Monde 2018 en l’emportant 4-1 à l’aller puis en maintenant le 0-0 au retour. En Russie, les Croates arrivent donc avec un nouveau sélectionneur, synonyme soit d’un vent de fraîcheur sur une équipe en péril, soit d’un inexpérience fatale. La compétition prouve qu’il s’agit de ce premier choix.
Dans le groupe de l’Argentine, du Nigeria et de l’Islande, la Croatie brille en remportant tous ses matchs dont un éclatant 3-0 face à l’Albiceleste. Modric enchaîne les performances de haut niveau, Rebic et Kramaric se révèlent au grand public, Vida, Brozovic et Mandzukic assument leur statut de tauliers expérimentés. Une phase de poule qui permet à Dalić de donner confiance à tout son pays, de roder une animation en 4-3-3, 4-2-3-1 ou 4-3-2-1 et d’exposer son autorité. En effet, lors du premier match face au Nigeria, le sélectionneur croate fait demande à Nikola Kalinic de s’échauffer pour entrer en jeu. L’attaquant ne se soumet pas et simule un mal de dos. Deux jours plus tard, le joueur est renvoyé du groupe croate.
La suite est belle pour la Croatie : deux qualifications aux tirs au but, face au Danemark en huitièmes puis le pays hôte russe en quarts, enfin l’Angleterre en demi et après prolongations avant de rencontrer la France en finale. Le parcours est riche en émotion pour les Croates, épuisant aussi puisque l’équipe au damier dispute tous ses matchs en 120 minutes. Elle prouve au monde entier sa capacité à réagir, un pragmatisme dont Zlatko Dalić a fait sa force, et s’affirme comme une grande équipe de football dans laquelle les cadres ainsi que leurs suppléants ont tous apporté leur pierre à l’édifice.
La demi-finale en 1998 restait la meilleure performance de la jeune histoire de la sélection croate, Dalić l’emmène à présent en finale. Malgré une première mi-temps où la Croatie domine l’équipe de France, elle est menée et ne revient plus dans le match. Le sélectionneur définit ce Mondial comme « un des plus grands exploits sportifs » de la Croatie. Quelques mois plus tard, Luka Modric, le capitaine de cette rayonnante équipe, remporte le Ballon d’Or après avoir soulevé le titre de meilleur joueur de la Coupe du Monde 2018.
Zlatko Dalić a su s’adapter très vite à un contexte périlleux et l’a transformé en une force insoupçonnée menant la Croatie en finale de Coupe du Monde pour la première fois de son histoire. Cette capacité d’adaptation est également remarquée sur le terrain, l’entraîneur croate faisant preuve d’un contrôle impressionnant sur le match et les émotions qu’il contient pour son expérience pourtant limitée. Dans le groupe de l’Angleterre, de l’Écosse et de la République Tchèque pour l’Euro 2020, la Croatie doit assumer son nouveau statut tandis que peu des amateurs du ballon rond placent les vice-champions du monde parmi les favoris voire les outsiders de ce championnat d’Europe…
Si l’on peut constater un vieillissement de la sélection croate et un manque de renouvellement parmi les cadres, la Croatie est indéniablement l’une des équipes capables de remporter l’Euro. Tout comme étant capable de prendre la porte prématurément à l’image des Pays-Bas en 2012 ou de l’Allemagne en 2018. Cependant, Zlatko Dalić n’en est qu’au début de sa carrière d’entraîneur et n’a toujours remporté aucun titre majeur. Nul doute que le Croate nourrit de grandes ambitions.
Sources :
– BESSOUDOUX Clément, Zlatko Dalic, un illustre inconnu comme homme providentiel, 13 juillet 2018, Le Figaro
– GESTER Julien, Croatie : Zlatko Dalic, le pompier du damier, 12 juillet 2018, Libération
– Zlatko Dalic : « Un des plus grands exploits sportifs de notre histoire », 13 juillet 2018, L’Equipe
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