Les rivalités du football fascinent. Du Superclàsico au Derby des éternels ennemis, il est aisé de crouler sous un flot d’informations, d’anecdotes ou même de contradictions qui déstabiliseraient rapidement le plus aguerri d’entre nous. De la couleur du ciel à l’état du terrain un jour de match, tous les aspects de ces rencontres explosives sont épiés et analysés, au point qu’il parait désormais impossible de s’y intéresser sans ressasser des informations déjà connues du lecteur. Si le défi est de taille, il n’est pas insurmontable. Ecouteurs dans les oreilles et l’esprit emporté par un vent humide provenant de la mer d’Écosse, direction Glasgow où se joue le Old Firm, le derby de la ville. Si la rivalité se matérialise, certes, sur le terrain, l’histoire de ce duel entre le Celtic FC et les Rangers FC se découvre également au delà de l’aspect sportif, en chansons.
Il y a aujourd’hui exactement 133 ans, le 28 mai 1888, le premier match entre le Rangers FC, club âgé de seize années et le Celtic FC, soufflant quant à lui sa première bougie, prend place dans une ambiance décontractée de convivialité et d’amitié. Cette joyeuse rencontre, soldée par une victoire des Celts prend rapidement la dénomination d’Old Firm, surnom signifiant littéralement « ancienne entente ». L’histoire en décidera autrement.
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Vous connaissez le refrain. Le Old Firm c’est une rencontre entre clubs que tout oppose. C’est le catholicisme du Celtic face au protestantisme des Rangers. C’est la représentation du nationalisme irlandais face à la couronne d’Angleterre. Le Old Firm c’est à la fois une sorte de guerre de religions ainsi qu’un des derby les plus historiques du monde. Un match de football, une rivalité religieuse et politique sur fond de violence parfois extrême. Mais surtout, la sensation d’assister à quelque chose d’unique.
Le Celtic FC contre le Rangers FC est l’un des matchs les plus explosifs du football. Vous pouvez sentir l’atmosphère, vous pouvez goûter la tension. C’est vraiment difficile à expliquer. Ce sont deux clubs qui se méprisent, c’est politique, c’est profond. – Danny Dyer, acteur et présentateur britannique
Chambrer. Tel est le propre des supporters de football. Chants, slogans, animations visuelles, ces derniers ne manquent jamais d’idées pour railler, voire blesser les supporters des équipes adverses. La rivalité Rangers – Celtic en est un exemple poignant. Découvrons l’histoire de cette rivalité à travers les chants de supporters.
L’antagonisme religieux qui oppose les deux clubs remonte au XIXe siècle. Plus exactement, à la grande immigration irlandaise due à la Grande Famine des années 1840 en raison de l’effondrement de la culture de la pomme de terre. Considérée par l’homme politique britannique William Gladstone comme la « plus grande horreur des temps modernes », on attribue à ce désastre entre 500 000 et 1 million de morts.
Si depuis l’Acte d’Union de 1800, l’Irlande fait partie intégrante du Royaume-Uni, à leur arrivée en Ecosse, les Irlandais sont très vite considérés comme des citoyens de seconde zone, des « immigrés » pauvres d’un genre particulier. A cet égard, un rapport officiel du recensement de 1871 les désigne comme « les étrangers [aliens] les plus nombreux ». Face à la misère sociale, des prêtres catholiques, parmi lesquels, Andrew Kerins, un frère mariste irlandais, fondent le Celtic FC afin de récolter des fonds pour les plus démunis.
L’autre club de la ville, le Rangers FC, est quant à lui lié au protestantisme. Si dans un premier temps l’antagonisme religieux n’est pas source de tension, l’ascension considérable et rapide du club catholique ne plait guère aux Light Blues. Le Celtic devient l’ennemi à abattre. Rapidement, la rivalité qui se joue sur le terrain s’exporte en tribunes, où les supporters du Celtic s’identifient comme des « Irish Scots », c’est à dire des Ecossais d’origine irlandaise, à contrario des Gers, se considérant comme des « British Scots », des Ecossais d’origine britannique.
En 2011, face à la violence de certains chants, les autorités locales ont décidé d’en interdire certains en tribunes, en raison de leur teneur sectaire, xénophobe voire raciste. Dès 2015, les policiers assurant la sécurité au stade ont même été tenus d’en apprendre les paroles afin d’identifier plus facilement les chants défendus et éviter ainsi de potentiels débordements. Pour en savoir plus, remontons le temps un instant.
Glorieuse révolution et guerres Williamites
En 1685, Jacques II (James Stuart), qui est de confession catholique, hérite du trône anglais. S’inspirant du monarque français Louis XIV qui vient de révoquer l’Edit de Nantes, Jacques II a pour ambition d’imposer le catholicisme à l’ensemble de ses sujets. Toutefois, dès 1688, craignant le renforcement de la dynastie catholique de la famille des Stuart, les Anglais décident de remplacer leur roi par Guillaume III et Marie II, tous deux protestants. The Glorious Revolution ou Bloodless Revolution (« La révolution sans effusion de sang »), aussi connue sous le nom de Seconde Révolution anglaise prend alors place. Cette révolution aura pour conséquence de mettre fin aux dissensions religieuses qui touchent le pays en instaurant une monarchie constitutionnelle. Elle représente aussi la victoire de la démocratie sur l’absolutisme.
En 1688, juste après avoir été détrôné, Jacques II se réfugie en France et convainc Louis XIV de l’aider à reconquérir son royaume. Les guerres Williamites, aussi connues sous le nom de guerres Jacobites prennent alors place en Irlande. Le conflit se soldera finalement par le succès, en 1691, de la couronne protestante contre les rois catholiques Jacques VII d’Écosse et Jacques II d’Angleterre et d’Irlande.
Le premier événement majeur des guerres Williamites en Irlande est le Siège de Derry en 1689. Celui-ci intervient durant la Grande Révolution. Ainsi, le 12 mars 1689, Jacques II, aidé par les forces françaises, parvient à capturer Dublin et, dès avril, marche sur Derry, une ville où les partisans irlandais de la Grande-Bretagne avaient fui. Après plusieurs jours de siège, le 20 avril 1689, malgré de nombreux bombardement sur la ville fortifiée, cette dernière refuse de se rendre. Après 105 jours de siège, grâce à la résilience des habitants et à l’aide des forces britanniques remontant l’estuaire de la rivière Foyle et forçant le barrage pour apporter des munitions et vivres aux habitants, Jacques II est contraint de se retirer le 30 juillet 1689.
En l’honneur de cette résistance féroce, 300 ans après l’événement, une chanson historique chantée en Irlande du Nord voit le jour sous le nom de « Derry’s Walls », aussi connue sous le nom de « The Cry Is No Surrender ». Si l’auteur de la chanson n’est pas connu, on peut supposer qu’il s’agit d’un chant composé et chanté par the « Apprentice Boys », évoqués notamment dans les paroles de la mélodie. Ces derniers sont une organisation religieuse et politique fraternelle protestante basée dans la ville de Londonderry, en Irlande du Nord. Ils ont ainsi pour objectif principal de commémorer et faire vivre le souvenir du siège de Derry et la résistance de la population protestante.
Dans le même ordre d’idées, un autre chant, « The Sash », aussi connu sous le nom « The Sash my father wore » évoque également le siège de Derry en 1689, mais aussi la bataille de Newtownbutler en 1689 près d’Enniskillen, la bataille de la Boyne en 1690 et enfin la bataille d’Aghrim en 1691. Selon le gouvernement écossais, la mélodie peut effectivement avoir une puissante signification sectaire, toutefois, le contexte dans lequel elle est jouée doit être pris en compte. A cet égard, le gouvernement a estimé que le chant pouvait être autorisé dans les tribunes de football. Ainsi, ces deux chants sont notamment populaires auprès des supporters des Gers car il sont la vive expression de la victoire du protestantisme sur le catholicisme, et donc insidieusement une victoire symbolique et historique des Rangers face au Celtic.
La Grande famine
En 1845 la Grande Famine irlandaise advient et encore aujourd’hui des chants relatant l’évènement sont entonnés dans les gradins lors des rencontres. A cet égard, on peut citer « The Fields of Athenry« , un chant populaire de Danny Doyle, relatant l’histoire d’un couple irlandais dont l’époux est déporté à Botany Bay, en Australie. En effet, ce dernier, pour nourrir sa famille, a dû voler des vivres dans le champ voisin, ce pour quoi il se retrouve déporté à l’autre bout du monde. Si cette ballade du Celtic FC est un hommages aux victimes de la Grande famine et qu’il exprime ouvertement les injustices de la tragédie et l’aversion pour la couronne d’Angleterre, il ne fait pas partie des chants qui ont été bannis par les autorités en 2011.
A contrario, le chant des supporters du Rangers FC, « The Famine is Over« , a été interdit en raison de la nature raciste et sectaire de ses paroles. Se réjouissant de la famine irlandaise, ces dernières annoncent que « D’Irlande ils sont venus ne nous ont apporté que des ennuis et de la honte » et suggèrent aux Irlandais de rentrer chez eux (Why Don’t You Go Home?) parce que « la famine est finie ». Passant outre l’interdiction, certains supporters des Gers ont été pénalement condamnés pour avoir entonné ce chant défendu en tribunes.
Les débuts d’une rivalité exacerbée
Accrochez-vous. Le vent nous soulève, nous fait traverser le temps et nous dépose en Irlande. Nous sommes en 1907 et, « The Soldiers’ Song », le premier hymne national de l’Irlande vient d’être créé. Le chant est encore aujourd’hui entonné par les supporters des Celts.
Deux années avant sa création, en novembre 1905, le mouvement Sinn Fein, littéralement Nous Seuls en gaélique est fondé. Si à ses débuts ce dernier est très modéré et conservateur et ne prône aucunement l’indépendance de l’Irlande face à l’Empire britannique, il devient indépendantiste dès 1917, suite à l’insurrection qui prendra place en 1916.
En effet, dès 1912, une nouvelle tentative de Home Rule (arrangement politique dans lequel une partie d’un pays se gouverne elle-même indépendamment du gouvernement central du pays) prend place en Irlande, sous l’instigation du premier ministre irlandais, Herbert Henry Asquith. Les deux premières ayant eu lieu en 1886 et 1893. Encore une fois, en 1912, le projet de loi est refusé par les Lords. Toutefois, leur veto est suspensif et ne peut donc durer que deux ans. Ainsi, en 1914, la loi est votée portant avec elle tous les espoirs du peuple irlandais.
La réalité sera toute autre. Alors qu’un demi-million de Nord-Irlandais unionistes s’étaient prononcés en défaveur de la loi, les républicains irlandais ne sont pas plus satisfaits du projet et souhaitent une autonomie totale et la liberté de créer une République autonome. Des milices et factions armées nationalistes autonomistes sont créées ( The Irish Volunteers et The Irish Citizen Army) afin de lutter et de se libérer complètement du joug britannique. Si le début de la Grande Guerre ralentit quelque peu le conflit interne, le 24 avril 1916, les Pâques sanglantes, nouvelle tentative de soulèvement majeure, adviennent. En effet, si certains Irlandais prennent les armes pendant la Première Guerre mondiale, les indépendantistes considèrent les difficultés de l’Angleterre comme des opportunités pour l’Irlande : «England’s difficulty is Ireland’s opportunity». Toutefois, la tentative de soulèvement portée par les factions armées sera un échec. Mais il donnera naissance à The Irish Republican Army (IRA).
A la fin du conflit mondial, dès 1919 et jusqu’en 1921, la nouvelle organisation, sous la direction Michaël Collins, devient le bras armé d’une guérilla contre l’Empire britannique. Les nombreuses actions contre le gouvernement obligent Londres à voter un traité reconnaissant l’Irlande comme État libre. Toutefois, l’indépendance n’est que partiellement gagné puisque le Royaume-Uni veut conserver sous sa tutelle l’Irlande du Nord. Les tensions sont alors loin de prendre fin puisqu’un désaccord nait au sein de l’IRA, entre ceux qui désirent s’accommoder du traité et ceux qui refusent catégoriquement. Une Guerre Civile fratricide prend alors place jusqu’en 1923.
Cette rivalité s’exprime également lors des différentes confrontations entre les deux clubs que tout semble opposer. On remarque d’ailleurs durant ces années l’abondance de drapeaux irlandais chez les supporters des Celts et de drapeaux du Royaume-Uni chez les Light Blues. En outre, la période est marquée par la domination des Bhoys en Ecosse. En effet, en 1904, le Celtic devient le premier club club écossais à partir en tournée en Europe. De plus, entre 1905 et 1920, le Celtic remporte onze championnats d’Ecosse, dont six d’affilée entre 1905 et 1910, ainsi que sept Coupes d’Ecosse. La montée du sectarisme en Ecosse assombrit les résultats brillants des Bhoys puisque les violences entre les supporters n’ont jamais été aussi véhémentes. Dans le stade, mais également dans les rues de Glasgow, cette violente rivalité prend forme.
Les Billy Boys
Dans les rues de Glasgow, à Bridgeton, ils marchent en chantonnant, se sont les Billy Boys. Ce gang de rasoirs anti-catholiques des années 1920 est dans la culture populaire, aujourd’hui, fortement associé aux Peaky Blinders. Leur nom fait référence au dirigeant protestant hollandais Guillaume d’Orange («le roi Billy»), dont la victoire en 1690 à la bataille de la Boyne avait assuré la domination protestante en Angleterre et en Écosse, ainsi qu’en Irlande.
Le gang est dirigé par Billy Fullerton, dont une légende urbaine raconte qu’il aurait vu une carrière de footballeur lui échapper suite à une blessure infligée par des migrants irlandais. Sa haine du catholicisme et des Irlandais en avait été grandie et il aurait alors décidé de créer un gang pour se venger et les effrayer.
Ainsi, dans les années 1920-1930, avec 800 membres environ, ce gang est le plus important du pays. Il devient rapidement un élément d’opposition au catholicisme irlandais et plus particulièrement au Celtic, donnant ainsi naissance à de nouveaux chants de supporters.
Dès les années 1920, un chant loyaliste « The Billy Boys » en leur honneur est composé sur l’air de « Marching Through Georgia« , marche écrite à la fin de la guerre civile américaine en 1865 par Henry Clay Work et régulièrement entonnée par le gang protestant dans les rues de Glasgow pour effrayer les catholiques. Plus de 80 années plus tard, les supporters des Rangers sont pointés du doigt par l’UEFA. Cette dernière leur reproche d’avoir entonné à plusieurs reprises le chant en question.
En 2011, le chant a été interdit par la Fédération écossaise de football. Plus spécifiquement, le gouvernement a considéré que le terme de « Fenian » (« We’re up to our knees in Fenian blood. Surrender or you’ll die. For we are the Brigton Derry Boys » ) faisait ici référence aux « catholiques romains » et constituait donc une parole sectaire. Les supporters des Gers, quant à eux, ont affirmé que ce terme désignait la Fenian Brotherhood, une organisation nationaliste irlandaise d’origine américaine, ou encore directement les supporters du Celtic.
Trois ans plus tard, l’Association irlandaise de football (IFA) a également introduit des sanctions vis à vis de « toute chanson ou chant indéniablement sectaire ou offensant», comprenant ainsi toutes les variantes de Billy Boys, y compris l’air de Marching Through Georgia. « Il y aura une approche de tolérance zéro. Si vous chantez des chansons jugées sectaires ou offensantes, vous vous retrouverez dans une cellule de prison » avait annoncé le gouvernement. Toutefois, malgré les avertissements, interdictions et bien que les policiers présents dans le stade depuis 2015 apprennent les paroles des chansons pour éviter les débordements, le chant des Billy Boys est toujours entonné par les supporters des Light Blues.
Le désastre d’Ibrox
Le 2 janvier 1971, la confrontation sportive tourne au drame. Après un Hogmanay (dernier jour de l’année en écossais) surement bien arrosé, les Rangers, alors troisièmes du championnat, accueillent le premier du classement, le Celtic FC, à Ibrox Park.
Le match, initialement prévu le 1er janvier, reporté d’une journée en raison des risques de débordements, peut alors débuter sous le ciel gris de Glasgow. « Un temps typique du Nouvel An. Un de ces jours où il n’y a jamais vraiment de lumière », selon l’ancien joueur des Bhoys, Billy McNeill, dans un article du Telegraph. C’est effectivement un nuage sombre qui couvre le stade ce jour là, emportant avec lui 66 vies.
La rencontre se joue dans une ambiance électrique. La symbolique est bien trop forte, le derby de Glasgow déchaine les passions. Pas question de perdre la face, un Old Firm, ça se gagne. Il faut toutefois attendre la 89e minute pour que le score soit ouvert par le génie des Bhoys, Jimmy Johnstone. Ce but du Celtic semble emporter avec lui l’espoir des fans des Rangers, qui dans un élan de frustration et de déception, décident d’anticiper la fin du match et se dirigent vers le tristement célèbre escalier 13.
A gorges déployées, les supporters des Celts, entonnent leurs chants de victoire et raillent l’adversaire. Il n’en faudra pas plus pour remotiver l’équipe de William Waddell, qui égalise quatre minutes plus tard, à la 93e minute, grâce à Colin Stein. Le drame est alors sur le point de se produire.
Retour en arrière de supporters retrouvant espoir ? Chute d’une personne provocant un mouvement de foule ? Les versions de la catastrophe sont nombreuses et varient selon les sources. L’enquête officielle remet toutefois en cause la thèse du retour des spectateurs dans le stade. Quoiqu’il en soit, l’émotion de ce but, la tension palpable de l’événement et l’excitation générale entrainent l’agitation des supporters, qui finissent par se marcher dessus. A l’excitation succède la peur, peur provoquée par l’effondrement des barrières de l’escalier 13. Le bilan est lourd : 66 morts, dont 13 enfants et plus de 200 blessés.
En hommage aux victimes de la tragédie, une chanson est composée par l’écossais Matt McGinn (1928 -1977), « The Ibrox Disaster« . Les paroles de la chanson sont solennelles et relatent avec émotion l’événement sportif ainsi que la tragédie qui a eu lieu. Encore aujourd’hui le traumatisme de la rencontre est vif à Glasgow. Si le chant est originellement un hommage aux victimes, certains supporters des Bhoys l’ont repris pour railler et provoquer leurs adversaires. C’est pourquoi le gouvernement écossais a jugé que le chant était offensant et devrait, dès lors, être interdit en tribunes.
De plus, comme le démontre la vidéo ci-dessus, certains supporters tournent en ridicule la mort des joueurs de l’équipe adverse. En l’espèce, Davie Cooper, ailier gauche des Rangers mort en 1995 à la suite d’une hémorragie cérébrale en est la cible. Les paroles sont violentes et choquantes puisqu’elles évoquent le fait que le Celtic va gagner le championnat et la Coupe d’Écosse et que « Davie Cooper est mort, nous allons le déterrer. » Les supporters des Rangers sont également à l’origine de chants offensants sur la mort de joueurs, tels que Johnny Doyle. Joueur du Celtic FC, ce dernier est mort d’électrocution à son domicile alors qu’il jouait encore pour le club écossais. Des paroles telles que « je peux frire ce que je veux » lui faisant référence sont parfois entonnées. Bien évidemment, ces chants ont été bannis des stades en raison de leur caractère insultant et choquant.
Tensions récentes
Si l’histoire de cette rivalité est ancienne, et qu’elle semble s’être apaisée, elle n’a aucunement disparu. En 1980 notamment, lors de la finale de Coupe d’Ecosse, la victoire des Celts a entrainé un envahissement du terrain, dégénérant en bagarre générale entre les supporters des deux camps. Ainsi, malgré la volonté de réduire le sectarisme et le communautarisme par la création d’associations telles que Celtic’s Bhoys Against Bigotry en 1996, Follow With Pride des Rangers, ou encore Sense over Sectarianism rassemblant des supporters des deux clubs, les tensions sont encore très présentes. En 2004, le journaliste Franklin Foer soulevait que « les admissions aux urgences hospitalières étaient multipliées par neuf les soirs de Old Firm, et surtout que huit décès avaient été imputables aux combats entre supporters à Glasgow entre 1996 et 2003. »
L’exemple de la saison 2010-2011 est surement l’un des plus poignants de cette violente rivalité. En effet, durant la saison, plusieurs derbys ont été entachés par les comportements provocateurs de supporters ou même de dirigeants. A cet égard, des drapeaux britanniques, symbole nationaliste et donc ouvertement anti-Celtic ont été placés sur chaque siège de l’Ibrox Stadium. Une initiative des responsables des Light Blues. Aussi, de nombreux colis piégés ont été envoyés, notamment en mars 2011, à l’attention de Neil Lennon, coach et ancien joueur du Celtic FC.
Les Old Firm sont souvent incroyables. Souvent sans compromis. Toujours immanquables. Ce jeu représente tout. C’est la raison pour laquelle les joueurs jouent. C’est pourquoi les supporters supportent. Et, c’est pourquoi les arbitres arbitrent. Ian Crocker, commentateur à Sky Sports.
Cette même année 2011, le Rangers FC obtenait son dernier titre de champion d’Ecosse avant une longue traversée du désert. L’année suivante, le club subi de plein fouet un redressement judiciaire allant de paire avec sa relégation. Bien évidemment, les fans des Bhoys n’ont pas raté l’occasion de chanter l’honteux évènement, la mort symbolique de leur adversaire avec les chants « Passing the coffin when Rangers die » et « Jelly & Ice Cream » régulièrement entonnés par le groupe ultra The Green Brigade. Pour couronner le tout, lors d’un match en 2012, les supporters des Celts ont également repris l’air des Billy Boys, chant appartenant pourtant au répertoire des Gers, afin que la moquerie de la relégation soit encore plus grande. Si depuis, la rivalité s’est un peu calmée, elle pourrait vite être ravivée avec la renaissance sportive des Gers. L’histoire l’a démontré plus d’une fois.
Le Old Firm passionne, captive. Néanmoins, il ne faut pour autant pas oublier sa tragique réalité puisqu’au delà des résultats sportifs, la rivalité des deux clubs est aussi profonde et historique que violente. Plus de 133 ans après leur première confrontation sur le terrain, les rencontres sont encore aujourd’hui électriques, frénétiques. Les deux équipes sont unies par cette histoire commune, cette opposition socio-politique, religieuse et sportive que les supporters ne manquent pas de conter, en chansons.
Sources :
Géraldine Vaughan, « Les immigrés irlandais dans l’Ouest écossais. (Airdrie, Coatbridge et Greenock), 1851-1918 – politique, religion et identités », Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, 2008/2 (N° 28), p. 107-112.
Géraldine Vaughan, « Une « minorité nationale » ? Le cas des Irlandais en Écosse. Avant la création de la République d’Irlande indépendante, 1801-1921 », Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, 2008/2 (N° 28), p. 71-80.
Chérif Ghemmour, Terrain miné : quand la géopolitique s’immisce dans le football, Hugo Sport, 2013, 188 p.
Quentin Moynet, « Le drame d’Ibrox Park », So Foot, 2 janvier 2013.
Adrien Jacquot, « Ils se détestent : Celtic-Rangers », La Grinta, 30 août 2018.
David Taylor, « Old Firm clash songs: What Celtic and Rangers fans are banned from singing – and what’s allowed« , Daily Records, 28 janvier 2015.