C’était un pari fou. L’installation d’une franchise de North American Soccer League sur l’île reculée de Hawaii. En 1977, naissait « Team Hawaii », l’unique équipe de football professionnelle de l’île. Mais les pluies diluviennes, les températures caniculaires et une faible affluence ont eu raison d’un projet démesuré. Rétrospective d’une folle aventure.
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Des conditions trop particulières pour le football
Lorsque Ward Lay Jr décide de relocaliser son équipe de soccer, il semble comblé. Le fils du fondateur de la célèbre marque de chips Lays dirige à l’époque les San Antonio Thunders, un équipe venue tout droit du Texas. Après deux années en NASL, l’équipe texane est ensuite déplacée à Honolulu et devient « Team Hawaii ». Ce projet, impulsé par la ligue, a pour but d’apporter de la fraîcheur à la compétition et de voir si certaines régions sont davantage sensibles au ballon rond. Sur cette île perdue au milieu de l’océan Pacifique, le baseball, le volley, le golf mais surtout le surf relèguent le soccer en un sport de seconde zone. Il faut dire que les conditions ne sont pas toujours propices au bon déroulement des matchs. Les pluies torrentielles rendent le terrain parfois impraticable, sans compter sur des températures particulièrement élevées. Le défenseur des Minnesota Kicks, Alan Merrick, se rappelle :
« Il faisait très chaud, je ne pense pas avoir quitté l’hôtel. Nous étions sur le terrain depuis environ 30 minutes et j’ai réalisé que quelque chose n’allait pas avec mon pied droit, mais j’étais en train de jouer et je ne pouvais pas regarder. En fait, le terrain était si chaud que les chaussures que j’avais, une paire d’Adidas World Cup à semelle en caoutchouc, s’étaient désintégrées parce que la colle avait fondu ! Les conditions étaient vraiment extrêmes. Tout le monde attendait à la plage les jours de match, parce qu’il faisait tellement chaud qu’il n’y avait rien d’autre à faire. »
Même si l’entraîneur des Lancers de Rochester, Dragan Popovic, délivre des amendes à ses joueurs s’il les aperçoit en train de bronzer, la majorité des équipes adverses profitent du cadre idyllique d’Hawaii. Ce n’est parfois pas sans conséquences comme l’explique Alan Willey, un autre joueur des Minnesota Kicks :
« Nous avons marché jusqu’à la plage torse nu pendant 20 minutes, et le lendemain matin, nous nous sommes réveillés avec des ampoules sur les épaules à cause des coups de soleil. Steve Litt (défenseur des Minnesota Kicks, ndlr) a enfoncé ses pieds dans le sable et quand il les a retirés, ils étaient tout enflés. Il a dû recevoir des injections pour pouvoir jouer le match. Ses pieds ressemblaient à des pommes de terre ! »
De son coté, Alan Birchenall, attaquant de San Jose Earthquakes, a vécu cette aventure comme une expérience unique :
« C’était un voyage que je ne voulais pas manquer. Nous avons joué le match et ensuite nous sommes restés là-bas pendant quatre ou cinq jours. Quand tu jouais en NASL, il y avait toujours quelques Anglais dans chaque ville pour t’emmener visiter la ville où ils jouaient et te faire passer de belles soirées. En raison des distances à parcourir, on y allait rarement juste pour le match, et l’équipe hôte organisait toujours une petite fête – c’était absolument génial. »
Une dissolution inéluctable
Les festivités sont effectivement courantes et permettent à de nombreux joueurs anglais et écossais de se retrouver après avoir évolué ensemble dans leurs championnats respectifs. L’équipe hawaïenne compte sur Pat Holland, Tommy Taylor, Keith Robson mais aussi Keith Coleman, des anciens joueurs de West Ham United décochés en prêt par leur entraîneur Hubert Vogelsinger grâce à quelques contacts avec le club londonien.
Au-delà du bronzage et des soirées d’exception, les finances du club deviennent petit à petit critiques. Le prix du transport représente une somme exorbitante. Par conséquent, l’équipe hawaïenne est parfois obligée de jouer quatre matchs sur le continent en l’espace de quelques jours. Pour les équipes adverses, se rendre à Hawaii est aussi une expédition couteuse qui atteint parfois 10 heures de trajet.
Du coté des tribunes, la déception est de mise. Team Hawaii occupe l’Aloha Stadium, un gigantesque stade de 50 000 places également occupé par l’équipe universitaire. Malheureusement, l’affluence moyenne atteint les 4 550 spectateurs, avec un pic à 12 800 personnes lors de la rencontre contre le New York Cosmos de Pelé, trop peu pour un projet d’une telle envergure. Situé loin du centre-ville, le stade sonne creux. L’équipe locale remporte 11 matchs sur 26, ce qui ne lui permet pas de se qualifier aux playoffs. Un an plus tard, la franchise s’installe du coté de Tulsa en Oklahoma en se nommant les « Tulsa Roughnecks». Les plages au sable fin ne sont plus que de lointains souvenirs.
Cette parenthèse hawaïenne restera gravée dans l’histoire de la NASL. En seulement un an, le projet initialement novateur deviendra emblématique d’une ligue de soccer extravagante. Sa disparition en 1984 sonnera la fin d’une époque. Team Hawaii restera dans les mémoires d’une compétition haute en couleurs.
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