Les Tchèques ont connu deux Ballons d’Or au cours de leur histoire, Josef Masopust en 1962 et Pavel Nedvěd en 2003. Un club les rassemble, le Dukla Prague. Troisième club de la capitale derrière le Sparta et le Slavia, le club de l’armée a connu un âge d’or entre les années 1950 et 1980, offrant ses plus belles heures à la Tchécoslovaquie.
Lors de sa fondation le 1er octobre 1948, le club se nomme l’ATK Prague (Armádní tělovýchovný klub – Club d’éducation physique de l’armée). Comme son nom l’indique, il était alors l’équipe de l’armée. De nombreux bons joueurs qui entraient en service devaient passer au club. L’effectif était donc très large et il a fallu plusieurs années pour former une équipe stable. En 1953, le club qui change de nom et devient l’ÚDA Prague (Ústřední dům armády Praha – Maison centrale de l’armée de Prague) adopte également ses couleurs mythiques : un maillot rouge foncé avec des manches, un col et un short jaune et des chaussettes rouges et jaunes. Cette même année, il remporte son premier titre de champion de la République tchécoslovaque.
L’ÚDA Prague devient cependant vite détesté par les supporters des autres équipes. L’armée avait « un droit de priorité » sur plusieurs joueurs et les équipes adverses étaient obligées de céder leurs joueurs lorsqu’il en faisait la demande. Ainsi, Josef Masopust déclaré « bon pour le service », a été transféré à l’ATK Prague en 1952. Il y restera 16 ans. Le club avait déjà eu un passe-droit en 1948 quand l’ATK avait pu débuter sa première saison directement en première division alors que les autres équipes devaient se battre pour y obtenir leur place.
Le club de Masopust
Au cours de l’année 1955, l’ÚDA obtient le droit de représenter le pays avec le Slovan Bratislava au cours de la coupe Mitropa (coupe d’Europe centrale). Les Tchèques parviennent à se qualifier jusqu’en finale et s’inclinent face aux Hongrois du Vörös Lobogo (8-1 sur l’ensemble des deux matchs). À partir de cette année-là, le club enchaîne neuf podiums consécutifs en championnat avec des victoires en 1956, 1958, 1961, 1962, 1963 et 1964. En 1956, l’ÚDA devient le Dukla Prague. Ce nom vient d’une bataille de la Seconde Guerre mondiale qui a opposé l’Armée rouge aux nazis en 1944. Après une insurrection de résistants slovaques, les Soviétiques leurs viennent en aide dans le col de Dukla à la frontière slovaco-polonaise. Cette bataille sanglante a été choisie pour offrir son nom au club.
Grâce à ses différentes victoires, le Dukla qui évolue au stade Juliska depuis juillet 1960, peut participer aux Coupes d’Europe des clubs champions. Il parvient à se qualifier en quarts de finale de la compétition durant trois années consécutives avec une défaite face à Tottenham en 1962, au Benfica en 1963 et au Borussia Dortmund en 1964.
L’ossature de la grande Tchécoslovaquie
Cette équipe dominatrice en Tchécoslovaquie fournit donc naturellement une partie de l’ossature de l’équipe nationale. En 1960, les Tchécoslovaques terminent troisième de la première édition de l’Euro. Au cours de la petite finale remportée 2-0 face à la France, on retrouve trois joueurs du Dukla dans le onze de départ : Josef Masopust, František Šafránek et Ladislav Novák (Svatopluk Pluskal et Josef Vacenovský sont quant à eux sur le banc). Masopust et Novák figureront dans l’équipe-type de la compétition.
Deux années plus tard, les Tchécoslovaques se retrouvent en finale de Coupe du monde face au Brésil de Pelé avec sept joueurs du Dukla dans l’effectif dont quatre titulaires le grand soir : Josef Masopust, Svatopluk Pluskal, Ladislav Novák et Josef Jelínek (Jozef Adamec, Jaroslav Borovička et Pavel Kouba sont sur le banc). Les Tchécoslovaques ouvrent d’ailleurs le score à la 15ème minute grâce à Masopust. Ils s’inclinent finalement 3 buts à 1 mais Pelé dira du buteur adverse : « Masopust est un des plus grands joueurs que j’ai rencontrés. Mais je ne peux pas croire qu’il soit né en Europe. Pour dribbler comme ça, il faut qu’il soit brésilien ! » Son incroyable saison permettra à Masopust de remporter le Ballon d’Or 1962. Il sera aussi élu quelques décennies plus tard, meilleur joueur tchèque du XXe siècle.
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Après une saison décevante en 1965-1966 soldée par une huitième place, les Praguois remportent à nouveau le championnat l’année suivante. Ce nouveau titre permet au club de se présenter derechef en Coupe d’Europe en 1966-1967. Après avoir éliminé le club danois d’Esbjerg, Anderlecht puis l’Ajax Amsterdam, le Dukla est opposé en demi-finale au Celtic Glasgow. Ils s’inclinent 3-1 à l’extérieur et ne parviennent à faire qu’un 0-0 au match retour face au futur champion de la compétition.
Période creuse puis renouveau du club
Le club connaît alors une période plus difficile avec seulement deux podiums en dix ans. Le salut ne revient qu’en 1977 avec son neuvième titre. Il fournit alors à nouveau plusieurs joueurs pour l’équipe de Tchécoslovaquie à l’Euro 1976. L’équipe crée d’ailleurs la surprise et l’emporte en finale face à l’Allemagne de l’Ouest aux tirs aux buts (5-3) après le nul 2-2 à la fin du temps réglementaire. Zdeněk Nehoda et Ivo Viktor, joueurs du Dukla, font partie de l’équipe type en finale et František Štambachr est sur le banc. Les deux premiers sont d’ailleurs élus dans le onze de la compétition et Ivo Viktor, le gardien de but, termine même troisième du classement du Ballon d’Or au cours de cette année 1976.
Le dixième titre du Dukla arrive en 1979. Au cours de la même saison, il parvient à nouveau en quart de finale de la Coupe UEFA mais s’incline face au Hertha Berlin.
L’Euro 1980 marque une énième performance des Tchécoslovaques. Ils terminent à la troisième place grâce à une victoire face à l’Italie, 1-1 puis 9-8 aux tirs aux buts. On retrouve pour cette compétition huit joueurs du Dukla : Miroslav Gajdůšek, František Štambachr, Jan Fiala, Oldřich Rott, Jan Berger, Zdeněk Nehoda, Ladislav Vízek et Jaroslav Netolička. Seuls les trois derniers sont titulaires en petite finale. Netolička offre même la victoire aux siens en détournant un pénalty de Fulvio Collovati.
Le onzième et dernier titre du Dukla a lieu en 1982. Lors de la Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe 1985-1986, le club arrive en demi-finale et s’incline face au Dynamo Kiev (3-0 en Ukraine puis 1-1 à Prague).
Le déclin d’un grand
Avec la Révolution de Velours à partir de novembre 1989, le parti communiste du pays chute et la vie de certains clubs est bouleversée. Le Dukla n’est plus l’équipe de l’armée et souffre de son image d’ancien régime et d’équipe la moins aimée du pays. C’est au cours de cette période que le jeune Pavel Nedvěd fait ses débuts au club en 1991. Il ne reste cependant que deux années avant de partir vers le Sparta Prague.
Le club s’enfonce dans la crise. Pour le premier championnat de la République tchèque indépendante en 1993-1994, il termine dernier et est relégué. Cependant, la situation est telle qu’il ne peut pas jouer à ce niveau et est relégué en troisième division. Cette descente est la première de son histoire. Le club est obligé de fusionner en 1996 avec le FK Příbram pour survivre sous le nom de Dukla Příbram. Il remporte la seconde division et remonte dans l’élite. Le stade appartient toujours à l’armée mais le club ne parvient pas à s’entendre avec. Il doit donc quitter sa ville, et s’installe à Příbram, à 60 km de la capitale. Le Dukla Prague n’existe alors plus.
Au milieu des années 2000, l’équipe amateure du Dukla Dejvice qui joue dans le championnat de Prague entre les 5e et 6e divisions du pays décide de changer de nom pour redonner vie au Dukla Prague. En 2006-2007, le propriétaire du club de Jakubčovice transfert sa licence pour la 2e division à la nouvelle société anonyme qu’est le Dukla Prague. Il peut donc repartir du deuxième échelon national, depuis son propre stade à Prague. En 2010-2011, il remporte le championnat et remonte à nouveau dans l’élite. Il ne parvient cependant pas à faire mieux qu’une sixième place et redescend finalement en deuxième division à partir de la saison 2019-2020.
Le Dukla Prague était une référence du championnat tchécoslovaque, avec 11 titres de champion et 9 Coupes de Tchécoslovaquie. Seul le Sparta possède un palmarès supérieur sur la période. Pourtant, les changements politiques dans le pays ont eu raison de lui. Le club lutte désormais en seconde division et espère retrouver un jour son niveau d’antan.
Sources :
« Masopust, le Chevalier tchécoslovaque », fifa.com, 9 février 2021.
CARPENTIER Eric, « Masopust à la table des éternels », sofoot.fr, 1er juillet 2015.
VUILLEMOT Pierre, « Dukla Praha : l’histoire du club le plus impopulaire du pays », footballski.fr, 11 mai 2015.
Crédits photos : Icon Sport