Défenseur central des bleus dans les années 1970, Jean-Pierre Adams a porté les maillots de Nîmes, de Nice et du Paris Saint-Germain. Le 17 mars 1982, alors qu’il subit une opération bénigne au genou, une erreur d’anesthésie va le plonger dans un coma profond. Depuis presque 40 ans, il est prisonnier d’un corps en état végétatif. Son épouse, Bernadette, l’assiste dans chaque tâche du quotidien. Elle se bat jour et nuit pour que l’histoire tragique de son mari ne tombe pas dans l’oubli.
L’envol
Issu d’une famille relativement pauvre, Jean-Pierre Adams a vu le jour le 17 mars 1948 à Dakar-Plateau, l’un des arrondissements de la capitale Sénégalaise. Très vite, c’est sa grand-mère, qu’il surnomme « Mame Paule », qui prend en charge son éducation. Élevé dans un environnement catholique, il s’envole pour la première fois en France à l’âge de 8 ans. Venu pour participer à un pèlerinage religieux, c’est à Montargis, au nord de Paris, que le jeune garçon vivra désormais. Sa grand-mère, âgée et soucieuse du futur de l’enfant, décide de le confier à une famille d’agriculteurs français, basée dans le chef-lieu du Loiret.
Jean-Pierre Adams, qui a ressenti ce déracinement brutal « comme un chien perdu sans collier », a fréquenté les bancs de l’école catholique Saint Louis, située à Montargis. ll y a rencontré des personnes qui l’ont suivi pendant toute sa carrière. « Il n’évoquait jamais son passé douloureux en public. Que ce soit l’abandon de ses parents, son manque de repères. Il a très rapidement pris ses marques parmi nous », témoigne Michel Hurault, un ami d’enfance.
Très vite, l’enfant de 10 ans montre des capacités physiques supérieures à la moyenne. Décrit par plusieurs comme « le premier sur tout dans le domaine sportif ». A l’aube de la coupe du monde 1958 en Suède, l’enfant, âgé de 10 ans va connaître les prémices d’un amour passionnel pour le football. A l’époque, une seule chaîne de télévision, en noir et blanc. Sur le terrain : le talent du Roi Pelé, le néo-ballon d’or Raymond Kopa, le record de 13 buts en 6 matchs de Just Fontaine… Autant d’idoles, de modèles, de raisons qui ont forgé son amour pour le football. Par la suite, tout s’est enchaîné vitesse grand V.
Avant de faire ses classes dans l’élite du football français, l’enfant de la Teranga a révisé ses gammes dans les échelons inférieurs, citons l’US Cepoy, le FC Bellegarde ou encore l’US Montargis. Des modestes clubs du centre de la France, où le jeune homme s’est rapidement fait remarquer. Tout d’abord en tant qu’avant-centre, très loin du profil de libero que nous lui connaissons aujourd’hui.
La garde noire
Enchaînant les bonnes prestations dans le championnat amateur, il est stoppé en plein vol par une tragédie personnelle. Rentrant d’un match victorieux à Châteauroux, il subit un grave accident de la route. La voiture dans laquelle il avait pris place s’encastre dans un arbre. L’un de ses amis, Beudot, trouve la mort. Un traumatisme mental pour le jeune joueur, très affecté par cette disparition, et physique. Il retournera sur le vert gazon quelque temps après avec « des marques au visage, et un handicap au genou« , se souvient son ami Jean-François Laurent.
A l’orée de ses 20 ans, le jeune avant-centre réussit à hisser son club, l’Entente-Fontainebleau en finale du championnat de France amateur. Le match, disputé au Parc des Princes à Paris, se termine sur une défaite sèche, 3-0 contre le Gazélec Ajaccio. Néanmoins, il mettra en lumière le natif de Dakar, auteur d’une prestation observée et remarquée ce jour-là. Parmi les clubs intéressés, c’est le Nîmes Olympique qui s’adjuge l’espoir franco-sénégalais. A tout juste 22 ans, ce grand gaillard, 1 mètre 78 pour 80 kilos signe son entrée dans l’élite du football français.
En 3 saisons, Jean-Pierre Adams marquera 8 buts en 84 matchs disputés sous le maillot des Crocos. Il se verra définitivement assigné au poste de défenseur central, un choix, de son entraîneur Kader Firoud, nettement plus adapté à ses aptitudes physiques.
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En qualité de jeune libero, Jean-Pierre Adams attise les convoitises. En 1973, alors âgé de 25 ans, il rejoint l’OGC Nice, club phare du championnat de France. Il s’y illustrera 4 années durant, en jouant 9 matchs de coupe de l’UEFA, et en terrassant notamment le grand F.C Barcelone, un soir de septembre 1973, sur le score de 3-0.
Ces performances, solides, sont scrutées, et lui permettent petit à petit de se tenir aux portes de la sélection nationale. Stefan Kovacs, le sélectionneur de l’époque, lui donne sa chance, et installe en Équipe de France ce que l’on surnomma « La Garde Noire ». Ce terme, fait référence à une époque révolue, laquelle voyait très peu de joueurs d’origine africaine pouvoir porter le maillot de l’équipe de France. Une muraille défensive, gardée par 2 joueurs d’origine africaine, Marius Trésor et Jean-Pierre Adams. Plus tard, Franz Beckenbauer décrira cette charnière comme « l’une des meilleures paires de centraux de l’époque ».
Tant complémentaire que populaire, cette charnière a marqué son époque. Au total, l’ex joueur niçois comptabilise 22 sélections en Équipe de France. Une performance saluée par son ami Jean-François Laurent, qui se souvient de ses débuts : « Au départ, il manquait de technique. Je le voyais atteindre un bon niveau, mais pas de là à rejoindre la Ligue 1 ou l’Équipe de France ».
Considéré comme un « meneur d’hommes, un caractère de champion » par ses pairs, Adams quitte le sud de la France à l’âge de 29 ans, après 126 matchs et 15 buts avec la tunique aiglonne.
Se rapprochant de la fin de sa carrière, il emmène sa femme Bernadette, et son fils Laurent, alors âgé de 8 ans, dans la capitale, où il s’engage avec le PSG. Évoluant au sein d’une équipe compétitive, alors composée de joueurs comme Luis Fernandez, Jean-Michel Larqué, Carlos Bianchi ou encore Dominique Baratelli, il s’illustrera pendant 2 ans sous la tunique sponsorisée « RTL », avant de raccrocher petit à petit les crampons.
Après une année passée à défendre les couleurs du F.C Mulhouse, il rejoint Chalon-sur-Saône. Pendant un an, il exerce la profession d’entraîneur-joueur. Ce rôle lui permet de passer en parallèle ses diplômes d’éducateur, afin de continuer sa carrière post-joueur dans le milieu du football.
17 mars 1982
Alors qu’il effectue un stage de préparation au diplôme d’entraîneur à Dijon, Jean-Pierre Adams ressent une gêne au genou. Désireux de continuer à pratiquer le football encore quelques mois, il décide de subir une petite intervention, visant à « rattacher un petit tendon ». Le 17 mars 1982, il s’envole pour l’hôpital Edouard Herriot, à Lyon, et laisse ces derniers mots à sa femme :
« Tout va bien, je suis en pleine forme. C’est à 11h que je vais être opéré. Pense à moi quand même, mais vient me chercher dans huit jours, et n’oublie pas alors, une paire de béquille ! ».
La suite ? Une succession d’erreurs du corps médical. Un surdosage de l’anesthésiste, une salle d’opération bondée, un manque d’oxygène, quelques secondes de flottement, et ce cocktail Molotov qui vient s’embraser pour causer des dégâts irréversibles au cerveau du patient. Tout de suite, Jean Pierre Adams est plongé dans un profond coma, duquel il ne sortira malheureusement pas sans séquelles.
A l’époque, cette histoire fit énormément couler d’encre. Un procès, mettant en cause l’hôpital, s’étala sur 8 ans, et donna gain de cause à Bernadette Adams et ses enfants. Une bien maigre consolation pour l’ensemble des sévices engendrés par l’équipe médicale présente ce jour-là.
Aujourd’hui, Jean-Pierre Adams, bien que sorti du coma, et débranché, a besoin d’une assistance jour et nuit. Il se repose, dans sa maison du Var, aidé 24/24h par sa femme Bernadette. Depuis quelques années, une aide soignante leur est octroyée. « C’est compliqué pour sa femme. Elle s’en occupe pratiquement jour et nuit. Elle reçoit de l’aide, mais ce n’est pas facile comme situation, à son âge », dévoile Jean-François Laurent, qui est resté ami avec l’épouse du footballeur.
Ce type d’accident, très rare dans le milieu médical est « invraisemblable et incompréhensible » selon Michel Hurault, un de ses amis d’enfance. Ce dernier, a décidé de créer il y a quelques années un groupe sur Facebook, nommé « Jean-Pierre Adams, jamais oublié ». Sur cette page, qui compte 1200 fidèles, on retrouve : « des témoignages d’amis, des photos de son enfance, de sa carrière. Les souvenirs sont ancrés grâce à la participation de ceux qui l’ont connu, l’ont suivi : des passeurs qui souhaitent voir sa mémoire célébrée encore longtemps », témoigne l’intéressé.
Le monde du football n’a pas oublié la personne qu’il était. C’est le cas de son ancien club, l’OGC Nice, qui chaque année, pour son anniversaire, laisse un message sur les réseaux sociaux afin de lui rendre hommage.
L'#OGCNice a une pensée émue pour le grand Jean-Pierre Adams, plongé dans le coma depuis le 17 mars 1982.
Le Gym témoigne également toute son affection aux proches de l'ancien Aiglon, qui continuent de veiller sur lui 39 ans après ce drame. pic.twitter.com/F0PtUpMKmB
— OGC Nice (@ogcnice) March 17, 2021
En 2021, l’état de Jean-Pierre Adams est stationnaire depuis de nombreuses années. A l’heure où ces lignes sont écrites, 14 246 jours se sont écoulés depuis cette matinée tragique du 17 mars 1982. Aujourd’hui Jean-Pierre Adams est âgé de 73 ans. Il est prisonnier, depuis 39 ans, d’un corps qui ne répond plus. Aidé par sa femme Bernadette, ses enfants Laurent et Frédéric, et soutenu par des milliers d’anonymes, de nostalgiques d’une époque révolue, qui se battent chaque jour pour que cette tragédie ne tombe pas dans l’oubli.
Pensées pour Jean-Pierre Adams.
Crédits photos : IconSport
Sources :
- Témoignages (Michel Hurault et Jean-François Laurent)
- Histoire de Football : « Le footballeur dans le coma depuis 38 ans ! »
- France TV info : « Le football m’a tout apporté et m’a tout repris, Bernadette Adams »