Il s’appelle Henrik Larsson, mais est un métis qui porta longtemps les dreadlocks. Il a gagné la Ligue des Champions et deux Ligas avec le Barça mais demeurera éternellement rattaché au Celtic, dans son esprit comme dans celui des fans. Il jouait à Manchester United qui voulait le garder mais a préféré ne pas prolonger son prêt pour retourner à Helsingborgs. Retour sur la carrière d’un grand joueur sous-estimé et déroutant que même Ronaldinho surnommait « l’Idole » et qu’adorait Liam Gallagher.
Un vestiaire entier debout qui applaudit le partant. Le genre de scène qui se passe dans toutes les équipes du monde pour célébrer un départ vers un autre club ou la retraite d’un joueur qui a marqué l’histoire de l’équipe en question. La scène se passe à Manchester United qui vient d’affronter Middlesbrough. Et elle est destinée à commémorer le départ d’Henrik Larsson que tout le monde voudrait voir rester. Sauf que Larsson n’est ici que depuis trois mois et n’a accepté l’offre des Red Devils que le temps d’un prêt pendant la trêve du championnat suédois. Méconnue du grand public, l’anecdote est surtout révélatrice de la valeur du joueur.
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Henrik Larsson est né en 1971 à Helsingborg. Métis, il est le fils d’un cap-verdien et d’une suédoise. Dans un pays où le métissage est encore rarissime, le jeune Henrik prend à l’adolescence le nom de sa mère, Larsson, au lieu de Rocha, celui de son père, pour éviter le racisme ambiant dont il est régulièrement victime.
Dès son enfance, il intègre le club de Högaborgs, un club de quartier mais dont les équipes jouent à un très bon niveau, réputé excellent club formateur en Suède. Il n’oubliera d’ailleurs jamais ce qu’il doit à ce club qu’il soutiendra financièrement pendant sa carrière pro. Il arrête sa scolarité à dix-huit ans et vit d’un contrat semi-pro à Högaborgs et d’un emploi de magasinier en fruits et légumes tout en rêvant de carrière pro :
“Je remplissais les étalages de bananes ou de pommes. Et pendant que je faisais ça, je me disais que ça ne pouvait pas être ça le sens de ma vie.”
Il a vingt ans quand, enfin, Helsingborgs, le grand club local, lui donne sa chance. Certes en deuxième division suédoise, mais il la saisit de la meilleure des manières. En marquant 34 buts en 31 matchs, il envoie sans trembler son club dans élite alors que les Rouges attendaient ça depuis 24 ans. Auteur de 16 buts la saison suivante pour son arrivée en première division, les débuts du jeune Larsson commencent à faire causer hors d’Helsingborg et même au-delà des frontières suédoises. En 1993, il connaît sa première sélection en équipe de Suède et signe au Feyenoord Rotterdam.
Aux Pays-Bas, Larsson connaît une réussite mitigée. Il ne dépassera qu’une fois les quinze buts sur une saison toutes compétitions confondues et n’atteindra qu’une seule fois les dix buts en championnat. S’il continue à jouer et planter régulièrement en sélection suédoise (il sera de la troisième place au mondial 1994), il n’est pas particulièrement heureux au Feyenoord.
La consécration au Celtic
En 1997, Wim Jansen, l’homme qui l’avait déjà fait venir en Hollande, le fait signer au Celtic. Pourtant, il donne plutôt l’impression d’avoir choisi le club qui le sortirait de Feyenoord sans trop se soucier de sa destination “Au départ, je me disais un truc comme trois ans et je me casse”, reconnaîtra-t-il dans une interview à So Foot en 2013. Et pourtant… Le Celtic va être le club de sa carrière.
Quand Larsson arrive sur les bords de la Clyde, les Rangers sont en position hégémonique après neuf championnats consécutifs. Il ne le sait pas encore, mais il va redonner le bonheur aux fans des Bhoys. Pourtant, ses débuts sont dignes de Gaston Lagaffe. Lors de son premier match de championnat face à Hibernians, il fait par erreur une passe à un adversaire qui marquera le but scellant la défaite du Celtic. Pour son premier match européen en vert et blanc, il marque contre son camp face au Tyrol Innsbruck.
Malgré cela, Larsson s’impose avec le maillot hoops. Il marque seize buts en championnat dès sa première saison et, surtout, le Celtic arrache le titre de champion aux Rangers. La suite est éloquente sur le plan statistique. Larsson gagne en tout quatre championnats, deux Coupes d’Ecosse et deux Coupes de la Ligue. Il joue aussi une finale de Coupe de l’UEFA en 2003. Mais surtout, ses statistiques individuelles vont faire de lui le roi de Paradise. Il gagne cinq titres de meilleur buteur du championnat écossais et un Soulier d’Or européen en 2001. Il réussi un “double doublé” en 1998-99 et 2000-2001 en gagnant ces deux saisons les deux trophées de joueur de l’année en ’Ecosse: le PFA player of the year (remis par le syndicat des joueurs) et le SFWA footballer of the year (remis par les journalistes). Excepté sa première saison et sa saison 1999-2000 gâchée par une grosse blessure, il ne descendra jamais sous les 40 buts par saison toutes compétitions confondues.
En tout, ce seront sept saisons que Larsson passera à Celtic Park. Relativement abordable avec le public, c’est ce lien indéfectible tout autant que ses performances qui contribuent encore à faire de lui une icône. « Maintenant que je suis entraîneur, il n’y a qu’un boulot que je déclinerais, c’est les Rangers” déclarera-t-il à So Foot en 2013. De nombreuses offres se présenteront logiquement pour tenter de l’envoyer dans un top club européen, mais heureux en Ecosse et fidèle en amitié, ils les repoussera pendant longtemps.
“A Glasgow, je me suis fait un nom, j’ai joué la coupe d’Europe, je me suis installé en équipe de Suède et ma famille était heureuse. Pourquoi je serais allé jouer plus au sud ? Pour me faire 10000 livres supplémentaires ? J’étais déjà très bien payé.”
Pourtant, en 2004, après sept saisons au Celtic, Larsson s’engage avec le Barca au retour de l’Euro portugais passé en duo d’attaque avec un jeune suédois qui monte : Zlatan Ibrahimovic. S’il rejoint la Catalogne, c’est plus dans le but de vivre sous le soleil que pour le challenge sportif à l’en croire. Pourtant, même si son talent est unanimement reconnu, beaucoup se demandent s’il n’a pas eu tort d’attendre quasiment ses trente-trois ans pour aller se frotter au top club européen que son talent méritait depuis longtemps.
Le sommet européen sur le tard
Pourtant, dans une équipe qui compte tout de même dans ses rangs Eto’o, Giuly, Henry, Ronaldinho et même un tout jeune Lionel Messi, Larsson va tirer son épingle du jeu. Dix-neuf buts en deux saisons, deux Ligas, une Ligue des Champions et la reconnaissance de ses pairs. Et ce alors que sa première saison a été interrompue dès le mois de novembre par une blessure. Si les médias s’extasient logiquement sur les superstars de l’équipe, certains d’entre eux citeront souvent Larsson comme exemple, tel Thierry Henry après la finale de Ligue des Champions perdue face au Barça en 2006 :
“Les gens parlent toujours de Ronaldinho, Eto’o, Giuly et tous les autres, mais je ne les ai pas vus aujourd’hui, j’ai vu Henrik Larsson. Il est entré, a changé le cours du match et l’a achevé. Parfois, vous parlez de Ronaldinho, Eto’o et d’autres joueurs de ce genre : vous devez parler du bon footballeur qui rend le foot différent, et c’est ce qu’était Henrik Larsson ce soir.”
Pourtant, à la suite de ce sacre à presque trente-cinq ans, il décide de boucler la boucle à Helsingborgs, sa ville, le club où tout a commencé. Après quelques mois dans son club de cœur, il quitte Helsingborgs le temps de la trêve hivernale suédoise. Et pas pour n’importe où. Manchester United lui offre un prêt de trois mois. Et là encore, son aura et son humilité vont faire merveille. “
À son arrivée, il semblait jouir d’un culte auprès de nos joueurs. Ils prononçaient son nom d’un ton ébahi. Pour un homme âgé de trente-cinq ans, son attention aux directives était incroyable. À chaque séance, il était ravi. Il voulait écouter Carlos [Queiroz], les tactiques ; il était impliqué dans tous les schémas que nous avons mis en place.” L’hommage est signé Sir Alex Ferguson.
Malgré cette réussite, il tiendra parole et retournera à Helsingborgs au bout de trois mois. Il y jouera jusqu’à ses trente-huit ans et les aidera même à se qualifier pour la Coupe de l’UEFA. Il aura aussi joué trois Coupes du monde et trois Euros avec la Suède.
Il met donc un terme à sa carrière pour passer ses diplômes d’entraîneur et entraînera d’ailleurs Helsingborgs. Il est aujourd’hui membre du staff de Ronald Koeman au Barça.
Certains argueront que Larsson est resté trop longtemps au Celtic alors que le gratin européen lui tendait les bras. D’autres, que l’amour d’un public fervent comme celui de Celtic Park est encore la meilleure raison de jouer au foot. Larsson lui, a tracé sa route sans renier ses valeurs. Et les supporters des Bhoys ne s’y sont pas trompé. Son surnom dans les travées de Celtic Park dit tout de l’amour qu’ils ont pour lui. Pour eux, il est tout simplement The King of the kings…
Sources :
- « Henrik Larsson, le golden bhoy », Nordisk Football, 14 avril 2019
- Maxime Delcourt, « 45 choses à savoir sur Henrik Larsson », sofoot.com, 20 septembre 2016
- « Je n’aurais jamais imaginé rester sept ans au Celtic », Interview d’Henrik Larsson, So Foot, n°103, février 2013