En 1937, la guerre civile espagnole fait rage. Sous les bombes franquistes, le Levante FC remporte la seule édition de la Copa de la España libre. Organisée en territoire républicain, cette compétition est cependant absente au palmarès des Granotas. Retour sur un tournoi à l’histoire énigmatique ayant eu lieu quelques mois après le drame de Guernica.
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Nous sommes le 17 juillet 1936. Le général Franco déclare un coup d’état contre le Front Populaire, récemment élu par le peuple espagnol. Le soulèvement nationaliste débouchera sur une guerre civile sans précédent. Plus divisé que jamais, le pays est alors coupé en deux. Les troupes franquistes contrôleront peu à peu la majeure partie de l’Espagne à l’exception de la côte Est. Le pays basque tombera dans les mains de Franco le 19 juin 1937. Dans ce contexte dramatique, le ballon rond passe au second plan et les compétitions sont suspendues.
Le football, symbole de liberté
La capitale est momentanément déplacée à Valence et c’est justement ici que le football va reprendre ses droits. La Liga del Mediterráneo est en effet organisée dans la zone libre. Cette initiative vient d’un homme : Josep Rodríguez Tortajada, président du Valencia CF. La compétition réunit les quatre meilleurs clubs de la Catalogne : le FC Barcelone, le Girona FC, l’Esport Club Granollers et l’Espanyol. Le Valencia CF, le Levante FC, le Gimnástico FC et l’Athletic Club de Castellón sont également de la partie. Entraîné par le brillant Patrick O’Connell, le FC Barcelone remporte le trophée. Pour Josep Rodríguez Tortajada, même si son équipe termine quatrième, revoir des matchs de football dans une telle situation est synonyme de délivrance.
Le président du Valencia CF décide d’ailleurs de fonder la Copa de la España libre durant l’été 1937. Les quatre premières équipes de la Liga del Mediterráneo y sont invités mais le FC Barcelone est cette fois absent, tournée américaine oblige. C’est donc le Levante FC (cinquième de la Liga del Mediterráneo), qui remplace le club catalan accompagné du Girona FC, du Valencia CF ainsi que du RCD Espanyol.
L’organisation de cette coupe est simple : une poule de quatre clubs où les deux premiers s’affrontent en finale. La compétition n’est pas épargnée par les bombardements franquistes, notamment lors de la confrontation Valencia CF – Girona FC, où le match dû être arrêté puis rejoué. Le Levante FC termine toutefois premier de la poule et triomphe face au Valencia CF en finale à Barcelone. Un an après la déclaration de la guerre, les Granotas sont sur un nuage.
Une officialisation discutée
Leur joie sera pourtant de courte durée car la coupe n’est pas reconnue. Aucun acte officiel de la République espagnole n’est retrouvé, ce qui rend cette compétition plutôt officieuse qu’officielle. L’organisation de cette coupe est aussi remise en cause : il n’existait pas de comité de direction et les joueurs pouvaient y participer sans licence. De plus, le gouvernement franquiste annulera toutes les compétitions de football orchestrées pendant la guerre civile. La saison suivante, la compétition n’a pas lieu. L’édition 1937 reste alors la seule et unique Copa de la España libre de l’histoire.
C’est bien des années plus tard que ce trophée retrouvera les projecteurs. Un certain Emilio Nadal, responsable presse du club, décide de dépoussiérer les vielles archives du Levante UD (issu d’une fusion entre le Levante FC et le Gimnástico FC) afin de retrouver le précieux trophée : « J’ai demandé la permission de chercher la coupe et je l’ai trouvée. C’était émouvant. J’ai aussi retrouvé les fanions échangés lors d’un hommage aux champions disputé entre Levante et le Gimnástico quelques jours après le triomphe de Barcelone ». Il découvre également des coupures de presse d’El Mundo Deportivo mais malgré toutes ces découvertes : aucune trace d’un quelconque acte officiel. La coupe semble être condamnée à l’oubli.
Emilio Nadal ne sera pas le seul à revendiquer une officialisation de cette coupe. En 2004, un groupe de supporters approche le parti Izquierda unida afin d’inciter le secrétaire d’état au sport et la fédération espagnole de football (RFEF) à reconnaitre la Copa de la España libre, en vain. Trois ans plus tard, l’alliance Izquierda Verde-Izquierda Unida-Inciativa per Catalunya, épaulée par l’ancien vice-président du Levante UD, Vicente Martinez Pujalte, retente sa chance. Mais en 2009, la proposition d’officialisation est rejetée à 134 votes contre,132 votes pour et 2 abstentions. Les deux clubs s’étant abstenu sont Villareal et…le Valencia CF.
A ce jour, la Copa de la España libre ne figure toujours pas au palmarès du Levante UD. Pour les Granotas, cette décision est vécue comme une injustice symbolisant la négligence d’un chapitre de l’histoire de l’Espagne libre par une partie du pays. Une réplique de la coupe est exposée au musée de la Fédération espagnole de football. Lors de la saison 2019/2020, un maillot commémoratif a été érigé aux couleurs de l’époque. L’occasion, pour tout un peuple, de renouer avec ses racines.
Sources :
- Florian Miguel Boudet, « L’histoire oubliée de la Copa de España Libre 1937 », Furia Liga
- Florian Miguel Boudet, « Le tabou de la Coupe d’Espagne Libre 1937 », So Foot
- Andy Brassel, « La Coupe de l’Espagne libre hante le club de Levante », Courrier International
- Juan M. Merino, « La FEF no reconocerá al Barça la Liga de año 37 », AS
- « El Levante, a un paso de la Copa… de 1937 », El País
- Site officiel du musée du Levante UD
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