Au sortir de deux décennies de galères et de résultats au mieux inconstants, au pire médiocres, le club de Valence se cherche un nouveau dynamisme en cette fin de XXe siècle. Toutefois, la lumière au bout du tunnel semble bel et bien apparaitre. Cette fin de décennie 90 marque la résurrection du Valencia CF tant sur le plan économique que sportif. Le club sort d’un passage en deuxième division et d’une quasi faillite. La bonne gestion du président Arturo Tuzón permet le rééquilibrage des comptes et l’arrivée de joueurs d’un nouveau standing. Toutefois, le club ne réussit pas à retrouver le chemin du succès en dépit du passage de grands entraîneurs comme Luis Aragonés, Jorge Valdano ou encore Guus Hiddink. Cette époque, entamée avec l’arrivée de Claudio Ranieri va s’accompagner d’une révolution des principes de jeu de l’équipe qui forgera l’âge d’or du club. Des joueurs dévoués corps et âmes, épris d’un penchant pour la solidité défensive et la constitution d’un bloc équipe inamovible emmèneront cette équipe vers le succès.
L’arrivée de Claudio Ranieri comme point de départ
Après un long chemin de croix synonyme d’instabilité à tous les niveaux, Valence se cherche un équilibre. Les coachs se succèdent et le club Che fait appel à Claudio Ranieri en 1997 pour redresser la situation de l’équipe. Il débarque dans un contexte délicat et les résultats peinent à arriver. Début décembre, malgré un effectif prometteur et alléchant – composé notamment du brésilien Romario et des argentins Ariel Ortega et Claudio Lopez – les résultats sont décevants et la décision de renvoyer le technicien italien est quasiment actée. Finalement, trois victoires consécutives avant la trêve lui permettent de sauver sa peau. Ranieri exige une refonte de l’effectif au mercato hivernal et souhaite le départ de fortes personnalités et des joueurs non adaptés au contexte Valencian. L’équipe enchaîne les bons résultats, auxquels s’ajoutent une qualité de jeu peu entrevue lors des dernières années du côté de Mestalla. La zone rouge s’éloigne pour les hommes de Ranieri au terme d’une saison marquée par la retraite du capitaine historique et recordman du nombre de matchs avec le club (552), Fernando Gomez Colomer. Emblème du club, sa révérence symbolise la fin de deux décennies maudites du côté de la communauté valencienne. La page est tournée et l’espoir d’un renouveau du club apparait.
La saison suivante sera de toute autre facture ; un vestiaire apaisé et l’expérience engrangée par Claudio Ranieri et son équipe lors de sa précédente saison s’avèrent bénéfiques. Les résultats et la qualité se jeu sont au rendez-vous. La formation impressionne et séduit. Emmenée par son duo d’attaque Claudio Lopez-Adrian Illie, l’équipe accroche la 4ème place à trois petites unités du dauphin Madrilène et assure la première qualification de l’équipe pour la Ligue des champions moderne. Au-delà de son beau parcours en championnat, les hommes du nouveau capitaine Gaizka Mendieta s’offrent leur premier trophée depuis 20 ans en s’adjugeant la Coupe du Roi. Après deux victoires contre le FC Barcelone en quart de finale, les valencians anéantissent le Real Madrid – champions d’Europe en titre – 6-0 à Mestalla. Rebelotte en finale face à l’Atlético de Madrid avec une victoire sans appel 3-0.
Les Colchoneros justement, attirent à l’intersaison Claudio Ranieri. L’entraineur italien cède aux sirènes de l’institution madrilène et laisse Valence en Ligue des Champions au terme de la meilleure saison du club depuis plus de deux décennies.
La révolution défensive de Valence
Héctor Cúper est nommé à la tête de l’équipe à l’été 1999. L’Argentin, fort d’une expérience très réussie du côté de Majorque (il finit troisième de la Liga devant Valence cette année-là), révolutionne les idées de jeu du club Che. Il s’appuie sur des principes de jeu beaucoup plus défensifs et transforme l’équipe en forteresse. Très vite, il en fait l’une des meilleures défenses d’Europe et peut compter sur un milieu de terrain cinq étoiles (Mendieta, Killy Gonzàlez, Gerard). L’équipe parvient à jongler entre les différentes compétitions dans lesquelles elle est engagée. Elle suit le rythme des locomotives en Liga malgré un début de saison compliqué mais c’est sur la scène européenne qu’elle épate et atteint le point culminant d’un nouvel âge d’or du club. Le Valencia CF atteint pour la première fois de son histoire la finale de la Ligue des champions après avoir éliminé le FC Barcelone du Ballon d’Or sortant Rivaldo en demi finale. En finale elle retrouve un compatriote habitué des finales européennes, le Real Madrid. Battu sèchement 3-0, Valence repart l’année suivante bien déterminé à confirmer ce nouveau statut. Une arrivée va faire passer un cap à l’effectif et apporter une nouvelle dimension défensive à l’équipe ; Roberto Ayala. Le défenseur argentin s’engage avec le club Che en provenance du Milan AC et va se révéler comme l’un des tous meilleurs à son poste en Europe. Les objectifs sont clairs : faire au moins aussi bien que l’année précédente. Le début de saison est quasi parfait pour une équipe défaite seulement deux fois avant la trêve hivernale.
Arrive alors le mercato de janvier 2001. Un petit argentin affole tout le continent sud-américain et sort de trois titres de champions d’Argentine avec River Plate. Le dénommé Pablo Aimar séduit et est même comparé à Diego Maradona par une partie du public argentin nostalgique des exploits du « Pibe de Oro ». Ce dernier est lui aussi sous le charme et voit en Aimar « le seul joueur pour lequel il paierait pour voir jouer ». C’est avec l’étiquette de grand espoir mondial que débarque l’élégant meneur de jeu argentin pour quelques 24 millions d’euros. Celui qui deviendra l’idole de jeunesse de Lionel Messi doit faire passer un cap offensif et créatif à un effectif déjà raffiné. Valence atteint de nouveau la finale de la Ligue des Champions. Une fois de plus, les coéquipiers de John Carew rencontrent un habitué des joutes européennes avec le Bayern Munich. Au terme d’un match équilibré, les Espagnols s’inclinent aux tirs au but (1-1 puis 5-4 aux t.a.b) pour la deuxième année consécutive. Le club peine à maintenir ses résultats en fin de championnat et manque la qualification en C1 dans les dernières minutes du dernier match de championnat contre le FC Barcelone. La fin de saison laisse un gout plus qu’amer à tous les valencians. Comme si ce n’était pas suffisant, Gaizka Mendieta, capitaine et symbole du renouveau du club, quitte le navire durant l’intersaison. Son départ contre un chèque de 48 millions d’euros choque et provoque la démission du président, Pedro Cortés. Malgré une nouvelle saison sans titre et à la conclusion cruelle, une dynamique sportive positive s’installe autour d’un club qui se positionne comme une valeur sûre de Liga.
L’arrivée de Rafa Benítez, le pari gagnant de Jaime Ortí
Les bonnes performances de l’équipe attirent l’attention sur l’entraineur Héctor Cúper, qui prend les rênes de l’Inter Milan à l’intersaison 2001. Pour le remplacer, le nouveau président Jaime Ortí fait confiance à un jeune entraîneur d’à peine 40 ans, après avoir essuyé le refus de plusieurs techniciens dont Luis Aragonés. C’est dans ce contexte que Rafael Benítez est nommé entraineur de l’équipe première après une expérience fructueuse et une ascension en Liga avec le club du CD Tenerife. Dans ses bagages il emmène le jeune Mista, jeune attaquant prometteur et pionnier de la montée de Tenerife ainsi que Curro Torres, arrière droit qui deviendra titulaire indiscutable. Malgré certaines réticences quant à la capacité du nouveau coach à faire passer un cap à l’équipe, les victoires s’enchainent et l’équipe truste la tête du championnat assez rapidement notamment grâce aux premières douceurs de Pablo Aimar. Encore invaincus à la 13ème journée, les valencians se prennent à rêver du titre, plus de trente ans après le dernier (1971). Libérés de compétitions européennes après une défaite en quart de finale de la Coupe de l’UEFA face à l’Inter Milan, les joueurs de Rafa Benítez sont éliminés de la Copa del Rey sur tapis vert après avoir aligné 4 joueurs non-européens lors du premier tour face à Novelda. Le club peut se concentrer exclusivement sur une Liga où les mastodontes habituels semblent marquer le pas. Le championnat ne peut plus échapper aux pensionnaires de Mestalla qui peuvent compter sur une défense infaillible portée par la charnière argentine Roberto Ayala – Mauricio Pellegrino. Malgré une attaque poussive (51 buts en 38 journées de championnat), Valence retrouve le sommet national en remportant son 5ème titre de champion d’Espagne dès la première saison de Rafa Benítez grâce à un subtil mélange de jeunes prometteurs (Vincente, Mista, Carlos Marchena, Pablo Aimar, John Carew) de joueurs confirmés dans la force de l’âge (Francisco Rufete, Roberto Ayala, David Albelda, Rubén Baraja, Mauricio Pellegrino, Kily González) et de cadres expérimentés (Cañizares, Amedeo Carboni).
L’année suivante sera moins joyeuse pour une équipe qui a du mal à digérer son succès récent. Éliminée de la Coupe du Roi par une équipe de deuxième division, cinquième du championnat, et donc non qualifié pour la Ligue des champions, les champions d’Espagne en titre sont une nouvelle fois battus en Coupe d’Europe par l’Inter Milan de leur ex-entraineur Héctor Cúper. Une saison à oublier pour une équipe qui parait étonnamment en fin de cycle. Les supporters sont inquiets à l’aube d’une saison qui s’annonce périlleuse. La pré-saison ne va pas rassurer les supporters valencians. En cause, la situation financière du club et les relations tendues entre l’entraineur et son président. La vente de Kily González, joueur adoré par les fans, à l’Inter Milan est vécu comme un traumatisme par le public de Mestalla. Samuel Eto’o est espéré par Rafa Benítez mais c’est le FC Barcelone qui s’attache ses services. Le technicien espagnol ira jusqu’à déclarer « J’attendais un canapé et ils m’ont apporté une lampe ».
La meilleure saison de l’histoire du club
Le lien semble rompu entre un président hué lors du discours de début de saison et un entraineur soutenu par les plus fervents supporters. Tous les voyants semblent au rouge pour un club qui parait en crise institutionnelle. Néanmoins, un début de saison phénoménal ramène une atmosphère positive autour du club. L’équipe peut compter une fois de plus sur sa solidité défensive qui permet de donner confiance à tout le reste de l’effectif, et notamment à Mista. Véritable révélation de cette saison, l’attaquant se hisse parmi les tous meilleurs du pays et brille sur la scène européenne en inscrivant 24 réalisations, dont 19 en championnat. Son émergence permet d’atténuer le problème chronique dont souffrait Valence depuis plusieurs années, à savoir l’absence de but.
Au terme d’une saison maitrisée de bout en bout, Valence remporte son sixième titre de champion d’Espagne. Dix jours plus tard, le 19 mai 2004, le club Che affronte l’Olympique de Marseille en finale de la Coupe de l’UEFA. Un match maîtrisé des Espagnols et des réalisations de Vicente et Mista mettent un terme à la malédiction des années précédentes en finale des coupes européennes. Les confettis à peine rangés des célébrations du titre de champion d’Espagne qu’il faut les ressortir pour accueillir en trombe les joueurs de retour de leur finale européenne à Göteborg en Suède. Les célébrations dans la ville sont à la hauteur de la performance des joueurs de cette équipe historique qui viennent de boucler la meilleure saison de l’histoire du club.
Malheureusement, les mauvaises relations entre l’entraineur et le directeur général Manuel Llorente arrivent à un point de non retour. Rafa Benítez refuse de prolonger son contrat et part gagner une Ligue des Champions à Liverpool. Claudio Ranieri fait son retour au sein du club, mais les difficultés sont profondes pour une équipe qui apparait épuisée. Malgré la conquête de la Supercoupe d’Europe en début de saison, le technicien italien sera renvoyé quelques mois après sa prise de fonction. C’est la fin du Valence conquérant du début des années 2000.
Ces succès viennent couronner une période de sept années particulièrement prolifiques pour un des grands d’Espagne. Aussi, cette époque symbolise le début de l’hégémonie des cadors du championnat. En effet, cette équipe est la dernière à avoir été championne depuis que les trois « gros » du championnat (Barcelone, Real Madrid, Atlético de Madrid) monopolisent le titre depuis maintenant 16 ans. L’émergence de talentueux joueurs issus de la Cantera (David Silva, Raul Albiol, Isco, Jordi Alba, Juan Bernat, Paco Alcácer) permettront au club de se maintenir à un niveau correct, alternant le très bon et le très mauvais, sans toutefois retrouver le lustre d’antan.
Sources :
- Valencia CF, dernier prince avant les rois
- RMC SPORT – Pablo Aimar, dans l’ombre de Maradona
- ABC – El Valencia, eliminado de la Copa por alineación indebida
- Ciberche.net
Crédits photos : Icon Sport