Il est de ces joueurs des années 2000 que tout le monde connaît. Il peut être considéré comme l’un des meilleurs joueurs de l’histoire de son pays avec 80 sélections pour 6 buts. A l’évocation du milieu de terrain bélarusse Aliaksandr Hleb, on se remémore ses dribbles chaloupés, son altruisme naturel, son sourire fougueux, mais aussi ses déboires. Ayant fait ses classes au Dinamo Minsk puis lancé par l’historique BATE Borisov, son talent l’envoie rapidement à Stuttgart. Il atteint le sommet de sa carrière du côté d’Arsenal puis prend la direction du Barça avant que ne s’anéantissent les espoirs placés en lui. Décrié par certains pour son hygiène de vie et son comportement, il reste néanmoins une légende. Retour sur les années fastes du plus connu des frères Hleb.
Une première expérience à l’étranger qui forge son caractère
Après avoir testé la gymnastique et la natation, le jeune Aliaksandr que ses proches appellent Sacha se tourne vers le football. Son père l’emmène alors à l’académie du Dinamo Minsk qui se situe non loin du domicile familial. Le ballon rond lui plait tout de suite et son talent ne laisse personne indifférent. Il rejoint donc logiquement l’académie en 1987 à l’âge de 6 ans. Après avoir poli son diamant pendant 11 ans, le Dinamo n’a d’autre choix que de le laisser partir pour le meilleur club du pays : le BATE Borisov. Le club fondé par les usines d’équipements électroniques destinés aux véhicules agricoles, seule industrie de pointe du Belarus, couve encore une année son joyaux avant de le lancer en équipe première. La saison 1999-2000 n’est qu’une formalité pour lui. Titulaire, il est un élément essentiel de l’équipe qui remporte le titre. En cette année 2000, plusieurs clubs se bousculent mais c’est bien le VfB Stuttgart qui l’enrôle. Le club en profite également pour recruter son petit frère Vyacheslav. Nouveau club, nouveau pays !
Ses débuts en Allemagne sont difficiles. A 19 ans, il passe un cap énorme en termes de professionnalisme. En arrivant, il est impressionné par les structures, le suivi médical et autres machines de récupération. C’est aussi la première fois qu’il voyage seul : il doit prendre ses marques. Pendant les trois premiers mois, il loge dans un hôtel appartenant à son agent Uli Ferber. D’un point de vue footballistique, c’est tout aussi compliqué. Il ne parle pas allemand et n’est pas vraiment un acharné du travail. Selon lui, les coachs, notamment Felix Magath, ne lui font pas confiance :
« Un jour je vais jouer avec l’équipe nationale U21 et je rentre un ou deux jours en retard car je passais un peu de temps avec mes parents. A mon retour, il (Felix Magath) m’a envoyé jouer avec la réserve pendant 6 mois. » Alex Hleb
Rapidement, le jeune biélorusse doute. Il pense à changer de club, mais un match change totalement sa carrière.
Nous sommes le 18 août 2001 et Stuttgart affronte Nuremberg pour le compte de la 4ème journée de Bundesliga. Alors que Felix Magath ne comptait pas aligner le milieu de terrain bélarusse, deux de ses joueurs, et pas des moindres, le font changer d’avis :
« Avant le match (Krasimir) Balakov et (Zvonimir) Soldo viennent me voir et me demandent d’aligner Hleb. C’est vrai. S’ils n’avaient pas demandé, il m’aurait été difficile de remettre Hleb dans l’équipe. »
Le Bulgare et le Croate ont du flair. Au terme d’un match mal embarqué, Aliaksandr se libère et délivre finalement 3 passes décisives qui mènent le VfB vers une victoire 4-2. Après le match tout le monde s’emballe pour le jeune Hleb et Felix Magath reconnaît son talent :
« Après le match, Sasha m’a convaincu qu’il était capable de jouer aux côtés de vétérans comme Balakov et Soldo. »
Malgré des relations tendues avec son coach qui le voit plutôt défenseur, Sasha s’impose au sein de l’écurie allemande et devient indispensable. En 2002, le club remporte la Coupe Intertoto et en 2003 Stuttgart termine vice-champion d’Allemagne. Son ascension fulgurante fait de Hleb le meilleur passeur de Bundesliga en 2005. Son talent est trop grand, il doit partir.
Une deuxième maison… sans trophées
Alors qu’il vient d’acheter une maison dans la banlieue de Stuttgart, le téléphone n’arrête pas de sonner. Des clubs comme le Real Madrid ou le Milan montrent leur intérêt pour le milieu de terrain bélarusse. Finalement après avoir raté le coche la saison précédente, Arsène Wenger recrute Aliaksandr Hleb le 28 juillet 2005 pour 15 millions d’euros. Il débarque incognito mais rapidement, tout le monde l’adore. Il donne tout pour l’équipe et a toujours le sourire. Sur le terrain, la vision du jeu et la sérénité du nouveau numéro 13 impressionnent ses coéquipiers. C’est d’ailleurs sa créativité qui a convaincu Wenger de le recruter :
« C’était un joueur très délicat, très créatif, il avait le cœur d’un artiste. Et c’était ce que je cherchais. C’était aussi un joueur qui faisait des passes sans effort. » Arsène Wenger
Il est le parfait remplaçant pour le regretté Patrick Viera parti à la Juventus. Arsène parle beaucoup avec lui et le rassure quand il a des doutes. Ses mots ont beaucoup d’impact. Que ce soit sur ou en dehors du terrain, Alex noue des liens très forts avec Cesc Fabregas, Thomas Rosicky et Mathieu Flamini. Ils deviennent très vite inséparables et se font appelés les « Spice Boys ».
Cependant, sur le plan sportif, les résultats ne viennent pas et Arsenal enchaîne les désillusions, échouant souvent dans la dernière ligne droite. En témoigne cette finale de Ligue des Champions 2006 face au Barça au Stade de France. A la 18ème minute, bien lancé par Ronaldinho, Samuel Eto’o dribble Jens Lehmann qui sur une sortie hasardeuse fauche l’attaquant camerounais. Réduit à 10, Arsenal ne perd pas la face. Grâce notamment à un Thierry Henry de gala, ils ouvrent même le score à la 37ème minute. Sur un coup-franc excentré sur la droite, l’attaquant français dépose le ballon sur le crâne de Sol Campbell qui décroise une tête imparable pour Victor Valdès. Alors qu’ils tiennent le bon bout, le match bascule en 5 minutes. A la 76ème puis à la 81ème, Henrik Larsson délivre deux passes décisives à Eto’o puis à Belletti qui réduisent à néant les efforts consentis par les Gunners. Le premier Bélarusse à jouer une finale de Ligue des Champions ne l’a donc pas gagnée. Cette défaite marque le début d’une disette pour le club londonien, ce qui coïncide avec la décision du club d’abandonner le stade de Highbury devenu trop petit à cause des nouvelles normes de la fédération anglaise de football (FA). Après trois ans passés en Angleterre, Aliaksandr Hleb n’aura donc remporté aucun titre avec les Gunners. C’est en cette année 2008 qu’il prend certainement la pire décision de sa carrière.
Un rêve brisé
Alors qu’il ne pensait même pas partir, le Barça et le Bayern Munich tapent à sa porte. Tiraillé, il hésite longuement. Beaucoup de personnes lui disent de rester, Arsène Wenger tente tout pour le garder mais d’autres sons de cloche lui disent de partir. Son agent, Uli Ferber lui conseil plutôt d’aller au Bayern puisqu’il connaît déjà le championnat allemand. Sasha décide finalement d’écouter ses rêves d’enfant, ce sera Barcelone ! A son arrivée durant l’été 2008, il est beaucoup aidé par Thierry Henry arrivé un an plus tôt. Il lui propose même d’habiter chez lui pendant un temps plutôt que de vivre à l’hôtel.
Cependant, le début de saison ne se passe comme prévu. Lors de son deuxième match, Alex se blesse. S’ajoute à ça un projet de divorce avec sa femme, ce qui l’entraîne dans une spirale négative dont il ne se remet pas. A son retour sur le terrain, il est encore tourmenté et ne s’entend pas du tout avec Pep Guardiola. Hleb a besoin qu’on prenne soin de lui. Au Barça, il n’est plus la seule star et il refuse de l’entendre. Son ego en prend un coup et il se renferme sur lui-même. Le 27 mai 2009 a lieu la finale de Ligue des Champions entre le Barça et Manchester United. Remportée par le club catalan, Aliaksandr Hleb devient le premier joueur bélarusse de l’histoire à remporter la plus prestigieuse des compétitions européennes. Il est néanmoins plus que frustré. Guardiola ne l’a même pas pris dans le groupe pour le match alors qu’il l’était pour tous les matchs précédents. Par l’intermédiaire du journal Sportbild, il lui adresse quelques années plus tard un tacle assassin :
« Il n’a jamais été le meilleur entraîneur du monde, il a simplement eu la chance d’être à la tête de la meilleure équipe, avec les meilleurs joueurs. »
Il ne peut pas rester dans un club qui ne le traite pas comme le joueur qu’il est.
L’Inter de Mourinho part favori, mais alors que le deal est sur le point de se conclure, Hleb panique. Il choisit finalement de retourner en prêt à Stuttgart. Il ne pouvait pas refuser un club qui lui avait tant donné.
La saison suivante, il est de nouveau prêté à Birmingham. Le jeu ne lui convient pas du tout, puis une blessure au genou l’écarte des terrains pendant six mois… Il ne s’en relève pas ! Alex enchaînera encore un prêt à Wolfsbourg avant d’être transféré au Krylia Sovetov Samara. Il joue également quelques saisons en Turquie entrecoupées de retours au BATE Borisov avant de finir sa carrière à l’Isloch Minsk Raïon.
Rejoindre le FC Barcelone fut la pire décision de sa carrière. Il ne sait lui-même toujours pas pourquoi il a pris cette décision et la regrette :
« Bien sûr, Barcelone à ce moment-là était la meilleure équipe du monde mais j’étais vraiment heureux à Arsenal à l’époque. J’avais des amis, j’appréciais l’entraîneur, je jouais pour l’une des meilleures équipes, les fans, le stade. Il y avait tout ! Le championnat aussi était fantastique. Pourquoi je suis parti, je ne comprends pas. J’étais vraiment heureux à 100% à Arsenal. » déclarait Alex Hleb sur les ondes du podacast Arsenal’s in Lockdown.
Bien qu’il n’ait pas eu la carrière qu’il souhaitait, Aliaksandr Hleb est une légende à Arsenal et Stuttgart. Bourré de talent, il occupe une place toute particulière dans le cœur des fans des Gunners qui l’acclament le 21 Février 2019 lorsqu’il rentre sur la pelouse sous les couleurs du BATE pour les seizièmes de finale d’Europa League. Pour Fabregas, c’est l’un des meilleurs joueurs avec qui il a joué : « Il est probablement dans le top 5 ou 7 des joueurs avec qui j’ai joué. » Cependant, son ego a pris des coups en club comme en sélection, lui qui n’aime pas rester sur le banc. En effet, les fans ne de la Nacionalnaya Sbornaya ne l’appréciaient guère pour son manque d’implication et le classent « seulement » troisième meilleur joueur bélarusse de l’histoire, derrière Serghei Aleinikov et Valentin Belkevich. Son hygiène de vie n’était pas optimale non plus. Son ancien coéquipier Wojciech Szczesny déclarait pour le media polonais Foot Truck : « Hleb aurait pu faire plus dans le football. Il avait encore une belle carrière devant lui, mais il aimait boire. » En réalité, il n’aimait pas que la boisson, mais aussi les filles et les grosses voitures. Sasha a une personnalité difficile à saisir. Ses anciens compères comme Mathieu Flamini sont pourtant unanimes, c’est un homme au grand cœur : « En fait, c’est vraiment quelqu’un de modeste et c’est pour ça qu’on ne le comprend pas toujours et qu’on le sent vraiment dans un autre monde en dehors du football… Et parmi ses amis, Alex se montrait sous son meilleur jour, un homme au grand cœur et très amical. » Il prend finalement sa retraite en mars 2020 à l’âge de 38 ans laissant un vide dans le paysage footballistique du Belarus.
Sources :
– Romain Poujaud, « Hleb, créatif mélancolique », So Foot, 2 septembre 2010
– GM, « Hleb taille Guardiola, So Foot, 12 octobre 2012
– « Aliaksandr Hleb étale ses profonds regrets d’avoir rejoint le Barça », Goal, 27 octobre 2020
– « APRÈS NASRI ET VAN PERSIE, SZCZESNY SE PAYE HLEB », RMC Sport, 20 mars 2019