Roberto Baggio, Andrea Pirlo, Paolo Maldini, Francesco Totti… quand on parle de football italien, on pense immédiatement à ces joueurs qui ont laissé une trace indélébile dans le monde du ballon rond. Malheureusement, les plus anciens d’entre eux sont souvent oubliés. Giampero Boniperti, légende absolue de la Juventus au même titre qu’Alessandro Del Piero, Gaetano Scirea, ‘L’Avvocato’ Gianni Agnelli ou Gianluigi Buffon, n’est pas si connu à l’extérieur de la Botte. Si vous avez moins de 75-80 ans, vous n’avez pas eu l’occasion de le voir humilier les défenses italiennes. Qui est ce ‘one-club man’ qui, pendant 45 ans, détenait le record du plus grand nombre de buts marqués sous les couleurs bianconere ?
Boniperti a commencé à jouer au football alors qu’il était encore un jeune garçon, dans l’équipe de son village local : Barengo. La Vieille Dame et ses scouts lui ont rapidement donné l’opportunité de jouer pour leur club à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale. Malheureusement, lors de son premier match avec la Primavera en 1946, il ne parvient pas à convaincre. Heureusement, il rencontre plus tard un ancien médecin du club qui croit immédiatement en lui. Il décide de contacter l’entraîneur du club, Felice Borel, persuadé d’avoir trouvé là une perle rare. Son premier match à la suite de cet appel fut un succès total : lors d’une victoire 7-0 contre Fosano, il est l’unique buteur de la rencontre. Borel était si impressionné qu’il parvint à convaincre le président du club de signer Boniperti (seize ans à l’époque) dès la fin du match. Le 22 mai 1946, la Juventus venait de trouver son fils spirituel. Moins d’un an plus tard, en mars 1947, il fit ses débuts dans l’équipe première lors d’un match perdu 2-1 face à l’AC Milan. S’il n’a pas trouvé le chemin des filets, l’impression générale ne laissait pas de doute : ce jeune homme était unique. A la fin de cette saison, il lança la machine. Sur les six derniers matchs du championnat, il marque à cinq reprises. Un début signalant le commencement d’une longue et belle histoire.
Une carrière unique
La carrière de Boniperti a marqué une ère de succès pour le club. Après sa magique première fin de saison, il obtint une place indisputée dans le onze de la Juve. La saison suivante, il joua chaque match de championnat et marqua 27 buts, faisant de lui le capocannoniere de Serie A à seulement vingt ans. Les tifosi durent attendre la saison 1949-1950 pour voir le premier titre de Boniperti. Après la tragédie du 4 mai 1949, un accident d’avion qui a donné la mort à toute l’équipe du Torino, la Juventus n’avait plus d’adversaires dans la course au titre. Deux saisons plus tard, les hommes d’Umberto Agnelli remportèrent un huitième Scudetto. Cependant, l’Inter, l’AC Milan et la Fiorentina se partagèrent tous les Scudetti restants après celui de la Juve en 1952. Une période plus noire donna lieu à deux neuvièmes places au classement, sans aucune signature notable pour le club et de nombreux départs. Âgé de 24 ans, Boniperti devint alors le capitaine du club.
« Vincere non è importante, e l’unica cosa che conta » (Gagner n’est pas important, c’est la seule chose qui compte.) Cette phrase prononcé par Boniperti résonne encore aujourd’hui, étant devenu le credo du club bianconero.
Enfin, tout changea lorsque le club signa Omar Sivori et John Charles, deux joueurs à l’origine du changement crucial de Boniperti sur le terrain, révolutionnant sa manière de jouer. Après avoir été un buteur toute sa carrière, il prit alors un rôle plus libre, celui de numéro 10, lui permettant d’exploiter au maximum ses qualités – et celles de ses coéquipiers. Cette nouvelle formation donna lieu au trio magique, il magico trio, l’une des attaques les plus dévastatrices de l’histoire du calcio (204 buts en Serie A). Sivori, Charles et Boniperti emmenèrent la Juventus a sa première étoile, symbolisant l’accumulation de dix Scudetti.
Perdant peu à peu sa vitesse au fil des années, Boniperti commença à avoir un rôle plus profond, faisant office de métronome chargé d’assurer la communication entre l’attaque et le milieu. Cela lui permit d’exceller dans le rôle de passeur décisif, se servant également de ses dribbles pour finir dans une situation de 2 contre 1, menant fatalement à un but bianconero. Avec Charles et Sivori, il remporte trois Scudetti et une Coppa Italia en 1959. La saison suivante voit le club remporter le doublé championnat-coupe, tandis que Boniperti se dirigeait vers sa dernière saison. Après 15 ans, 442 matchs et 179 buts, ‘Boni’ raccroche les crampons lors d’un match controversé contre l’Inter, remporté 9-1.
Une vie dédiée aux couleurs bianconere : un modèle de Stile Juve
Si Boniperti était un excellent joueur, il était également un meneur naturel et un homme de goût : le véritable reflet du Stile Juve dont le club de Turin se vante tant. C’est une expression des valeurs de la Juventus selon le club : respect, travail, humilité et discrétion. Aimé de tous, il a su imposer le respect partout où il allait.
« Je ne sentais plus mes jambes. Boniperti m’a pris dans ses bras pour m’apaiser et m’a parlé comme un père. Je le respecte beaucoup. » Sandro Mazzola, racontant le 9-1 humiliant de la Juventus contre l’Inter.
Son style, sa stature, sa capacité de jouer avec le ballon en gardant la tête haute faisaient de lui un joueur particulièrement élégant. Calme et discret, il n’en restait pas moins meurtrier devant le but.
Après sa carrière de joueur, le joyau de la Juve en devint le président, en 1971, et resta vingt ans en place, faisant de lui le président avec le plus longue longévité du club. 9 Scuddetti, 3 Coupes d’Italie, 2 Coupes UEFA, 2 Coupes Intercontinentales et une Ligue des Champions furent ajoutées au palmarès du club sous sa présidence.
En tant que président, Boniperti signa plusieurs joueurs de renoms, prenant part personnellement aux signatures. Son plus grand fait d’armes : l’échange Anastasi – Boninsega avec l’Inter. Anastasi, 28 ans, fut forcé d’aller à l’Inter, contre son gré. Il avait déclaré, des années plus tard : « A cette époque, ce n’était pas comme aujourd’hui. Si tu étais vendu, tu devais y aller. C’était une obligation. Tu n’avais pas ton mot à dire. » Boninsega était, lui, très lié à l’Inter : il avait remporté trois titres avec les nerazzuri. Cependant, à cause de son âge, l’Inter accepta l’offre et moqua, plus tard, l’erreur de Boniperti. Finalement, la carrière d’Anastasi à l’Inter fut un fiasco total. De l’autre côté, Boninsega marqua 35 buts avec la Juventus, en trois ans.
Boniperti était sévère, intelligent… et sensible. Dans une interview à So Foot, Sergio Brio, ancien joueur de la Juventus sous Boniperti, a déclaré qu’il était la seule personne à avoir cru en lui : « Quand je me suis cassé le genou, tout le monde pensait que c’était terminé pour moi, à 23 ans. Il a étendu mon contrat et m’a attendu. Je peux vous dire qu’à cette époque, c’était très rare. »
Boniperti reste aujourd’hui très lié au club, occupant encore une place importante au sein de l’institution. Il a notamment participé à l’inauguration du Juventus Stadium en 2011, aux côtés d’Alessandro Del Piero.
Giampero Boniperti est, de fait, bien plus qu’une légende de la Juventus. Il incarne ce club. Depuis son passage sous ces couleurs, tout a définitivement changé pour les bianconeri. Son héritage de victoires ne cessera jamais de brûler, guidant la Juventus dans sa quête de victoires.
Crédit photos : Iconsport