La mythologie grecque est sûrement l’un des récits qui a le plus marqué nos civilisations ainsi que l’histoire en général. Pourtant, dans ces écrits plus que complets, aucun ne mentionne, parmi les Dieux de l’Olympe, le nom d’Otto Rehhagel. Le « Roi Otto » aurait mérité son petit siège aux côtés de Zeus et d’Héra, tant l’émotion qu’il a apportée au peuple grec en 2004 était énorme. Retour sur un des plus grands exploits sportifs de tous les temps, et peut-être le plus grand de l’histoire du football grec.
Le 12 juin 2004, la sélection grecque goûte à nouveau au plaisir de rentrer dans une compétition internationale. Absents depuis 10 ans après de nombreux échecs en qualification, la Grèce a raté les quatre dernières coupes internationales. Otto Rehhagel, ancien coach du Bayern Munich avec qui il a remporté la Coupe de l’UEFA en 1996, arrivé en 2001 aux commandes de la sélection, avait pour ambition de qualifier à nouveau la Grèce pour une compétition estivale. Après y être parvenu, l’objectif était d’y faire bonne figure, et comme toute équipe n’ayant aucune star, d’essayer de bousculer celles qui en regorgent. En ce premier jour de compétition, la Grèce affronte le pays hôte de la compétition : le Portugal. Dans les rangs des Lusitaniens, on peut distinguer quelques noms comme ceux de Figo, Deco, Pauleta et même Cristiano Ronaldo, seulement âgé de 19 ans à l’époque.
Des débuts surprenants
Premier match et déjà une première surprise puisque les Grecs s’imposent 2-1 face à un Portugal tendu devant son public, s’offrant ainsi leur première victoire en phase finale d’une compétition internationale. C’est d’abord grâce à une erreur de Paulo Ferreira, auteur d’une mauvaise relance, que Giorgios Karagounis parvient à marquer le premier but du match. Alors que les Portugais ont du mal à trouver une solution face à une défense grecque parfaitement en place, Cristiano Ronaldo commet une faute dans sa propre surface. Le penalty est parfaitement transformé par Angelos Basinas ; le Portugal est dos au mur. La sélection de Luiz Felipe Scolari ne parviendra jamais à vraiment imposer son rythme, malgré la réduction du score de Ronaldo en toute fin de match. La Grèce remporte ce premier match, et c’est alors qu’une phrase d’Arsène Wenger, à l’époque coach d’Arsenal, commence à prendre tout son sens : « Je connais bien Rehhagel. C’est un vieux renard. Il est capable de créer la surprise avec la Grèce. »
Cette première rencontre a permis à l’Espagne, prochain adversaire de la Grèce, de se rendre compte d’une chose : n’ayant aucune star, ni aucun grand talent dans l’équipe, les Grecs misent énormément sur leur solidité défensive, et sur le peu d’occasions qu’ils ont offensivement. Ayant préparé le match de façon à faire déjouer cette tactique, Iñaki Sáez avait tout prévu pour bouger cette sélection. Malgré le manque d’espace, les Espagnols réussissent à dominer pratiquement toute la rencontre, marquant le premier but grâce à Fernando Morientes. Malgré cette avance et cette domination, Rehhagel continue de mettre son jeu de contre-attaque en place. Une tactique payante, puisque cela va permettre à Angelos Charisteas de tromper Iker Casillas et à la Grèce de remporter le point du nul. Le dernier match de la phase de groupes est perdu par Rehhagel et ses hommes face à la Russie, mais la différence de buts permet aux Grecs de passer en quart de finale, aux dépens de l’Espagne.
Une tactique parfaitement respectée
« La discipline, la rigueur, le sens tactique, tout cela est essentiel pour faire des résultats ». Voici les mots de Rehhagel à l’époque. Une réalité appliquée sur le terrain par le technicien allemand. En quart de finale, la Grèce s’en va affronter le tenant du titre, la France. Avec comme attaquants Thierry Henry, auteur de 30 buts en Premier League la saison passée, et David Trezeguet, il semblait beaucoup plus difficile pour les Grecs de contenir son adversaire. Rehhagel s’adapte, sort un 3-5-2 pour mieux contenir les deux monstres de devant. Kapsis, Dellas et Seitaridis ont la lourde tâche de tenir la défense à 3 face à cette équipe de France. Zagorakis et Fyssas, les deux pistons, ont quant à eux le devoir de fermer au maximum les espaces sur les côtés. Le match est parfaitement géré défensivement et il ne manque plus qu’un simple but pour arracher cette qualification. Zagorakis, énorme dans ce match, délivre finalement un centre pour Charisteas qui plombe Barthez de la tête. La Grèce est en demi-finale. Rehhagel déclarera après le match : « Les joueurs ont gardé le contrôle et ont parfaitement appliqué tout ce qui avait été demandé. »
La République Tchèque de Pavel Nedved est le prochain adversaire des Grecs. Rehhagel réitère sa tactique de marquage dur sur l’homme, en espérant voir Charisteas ou Vryzas marquer le but de la victoire. Dans ce match, le gardien grec, Nikopolidis, est d’une importance capitale face aux nombreuses frappes de Jankulovski. Nedved, sorti à la 40ème minute suite à une blessure au genou n’inquiéte pas plus que ça le portier du Panathinaikos. Dans un match plutôt muet des deux côtés, la prolongation sonne enfin. Le match est extrêmement tendu, les deux équipes se rendent coup pour coup. Finalement, la Grèce marque encore un but de la tête par Dellas à la 105ème minute, synonyme de victoire à cette époque où le but en argent existait encore. Otto Rehhagel gagne de nouveau sa partie d’échec et amène tous ses hommes en finale de l’Euro 2004.
Parmi les Dieux de l’Olympe
En finale, la Grèce retrouve un vieil ami : le Portugal qu’elle a battu lors du premier match. Une seconde répétition mais avec un enjeu et un contexte différents. Les Portugais, beaucoup moins tendus qu’au premier match, ont fait le plein de confiance avant cette finale, d’autant plus qu’ils connaissent la tactique grecque. Mais Otto Rehhagel a plus d’un tour dans son sac et la confiance de son groupe envers lui ainsi que ses capacités à les faire se surpasser en fait partie. « Nous avons battu la France, les Tchèques et nous avons éliminé l’Espagne, pourquoi ne pourrait-on pas continuer et gagner l’Euro » déclarait Panagiotis Fyssas avant la finale. Repassant à 4 défenseurs, Rehhagel compte bien continuer à bétonner tout en offrant plus d’options offensives à son équipe face au Portugal. Comme une histoire qui se répète, encore et encore, les Grecs marquent sur corner avec un coup de casque de Charisteas. Comme prévu, Rehhagel change son dispositif pour le mettre en ultra défensif en attendant que le temps défile peu à peu. Les minutes passent et la Grèce l’emporte finalement sur cet unique but.
En phase finale, la sélection hellénique n’aura marqué que 3 petits buts mais n’en aura surtout encaissé aucun. Rehhagel n’avait pas beaucoup de possibilités avec un effectif très peu garni contrairement à ses adversaires, mais il a réussi à tirer le meilleur de chacun de ses joueurs pour arracher cette victoire historique. Gagner un Euro sans gros joueur, avec de si petites marges ne fait peut-être pas rêver les amateurs de football, mais elle a fait sauter de joie pour la première fois toute une nation. Cela vaut bien un petit vol sans retour vers le Mont Olympe pour celui qui sera surnommé « Le Roi Otto ».
Sources :
- Cahiers du football
- So Foot : Grèce, Hellène et ses garçons
- UEFA