C’est l’histoire d’un match. Un match de Coupe du Monde. Un match pas comme les autres. Mais quel match de Coupe du Monde est banal ? Très peu. Pourtant, celui-ci est particulier. Il a participé à construire la légende de la compétition mais aussi, la légende d’un joueur connu de tous : Diego Armando Maradona. Nous sommes le 22 juin 1986, l’Argentine affronte l’Angleterre en quarts de finale de la Coupe du Monde.
Il n’existe pas de rivalités aussi puissantes que celles que l’on peut constater entre deux clubs comme Paris et Marseille, Barcelone et le Real ou encore Boca Juniors et River Plate. Mais il existe des rivalités entre nations. Pour la France, c’est avec l’Italie. Même si depuis 2016, pour certains, c’est avec le Portugal. Depuis peu, avec la Belgique. Et si nous avions perdu en finale de la Coupe du Monde 2018, nous aurions eu un nouveau rival : la Croatie. Bref, vous avez compris l’idée. Depuis 1966, un soir de quart de finale de Coupe du monde à Wembley, une rivalité est née entre l’Angleterre et l’Argentine. Dans un match très haché, plein de vilaines fautes, le capitaine argentin, Antonio Ruttin, a été exclu et l’Argentine a été éliminée après une défaite sur le score de 1-0. Le capitaine n’y est pas allé de main morte après le match : il n’a pas hésité à accuser l’arbitre de partialité envers un pays européen et de se soumettre à la royauté britannique. Des mots forts auxquels le sélectionneur anglais, Alf Ramsey, a répondu en qualifiant les joueurs argentins « d’animaux », terme perçu comme raciste en Argentine. La rivalité est née.
Ici les joueurs argentins en pleine protestation envers l’arbitre
La Guerre des Malouines
Si la rivalité naquit sur un terrain de football, elle s’est accrue en dehors. Nous sommes en 1982, et les petites îles Falkland sont sur le point de devenir un théâtre de guerre ; la Guerre des Malouines. Cette année-là, la Grande-Bretagne administre le petit archipel de l’atlantique sud. Sauf que ce territoire est déclaré comme «territoire contesté» par les Nations unies. Pour la dictature argentine, c’est l’occasion de placer des forces et d’installer une souveraineté. Le 2 avril 1982, l’armée argentine débarque sur les îles. S’en suit un conflit armé, le dernier en date entre une nation sud-américaine et un pays européen. Au total, plus de 900 personnes trouvent la mort dont 650 Argentins et 255 Britanniques. La Grande-Bretagne sort gagnante de ce conflit bien qu’aujourd’hui le territoire ne soit pas attribué à l’un ou l’autre. En Argentine, découle de cet épisode la fin de la dictature et l’instauration d’une démocratie. Côté anglais, il conduit à la réélection de Margaret Thatcher en 1983. Mais en 1986, lorsque l’Argentine de Maradona est opposée à l’Angleterre de Lineker, le conflit est encore dans certaines têtes.
Le match du siècle
« Si l’on s’accorde à dire que l’histoire du cinéma possède un avant et un après « Autant en emporte le vent », l’histoire de la Coupe du monde possède un avant et un après Angleterre-Argentine 1986, avec Diego Maradona comme protagoniste», commentait
Marcela Mora y Araujo pour CNN dans un article écrit le 11 juin 2018. C’est exactement ça. Ce match, de par ce qui s’y passe, est l’exemple même de ce que procure le football comme émotions que seuls ses fans comprennent. Avant la rencontre, le décor est posé : supporters anglais et argentins en viennent aux mains dans les rues de Mexico et certains terminent à l’hôpital. Des drapeaux anglais furent dérobés, que l’on retrouvera dans les stades argentins, notamment ressortis par des supporters de Boca Juniors. Mais passons au jeu. A la mi-temps, le score est nul et vierge, 0-0. L’Argentine a la possession et domine largement même si la plus grosse occasion est anglaise, avec un raté de Peter Beardlsey. Mais c’est peu après le retour des vestiaires que la légende naît.
La main de dieu
Nous jouons la 51e minute, Maradona reçoit le ballon à 40 mètres du but adverse. Sur un pas, il élimine un premier défenseur. Etant lancé, il en prend deux autres de vitesse et se présente à l’entrée de la surface. Avec deux défenseurs sur son chemin, il tente un une-deux avec son attaquant. Mais ce dernier ne parvient pas à maîtriser le ballon qui est détourné en l’air par un défenseur anglais vers son gardien de but. Mais le numéro 10 argentin, qui avait tout suivi, saute plus haut que le portier et propulse le ballon au fond des filets. L’Argentine mène 1-0. Alors que les Argentins célèbrent, toute l’équipe anglaise se presse sur l’arbitre réclamant une main du petit génie argentin. Au ralenti, c’est clair ; c’est la main gauche de Maradona qui pousse le ballon au fond des filets. Injustice pour les uns, miracle pour les autres : c’est le football. Un but que la VAR aurait très certainement refusé aujourd’hui (on vous laisse méditer là-dessus). Un tel but marque l’histoire d’un match, d’une Coupe du monde et du football. Le genre de but qu’on ne voit pas tous les jours. C’est « La main de dieu ». Et pourtant. 5 minutes plus tard, Maradona décide de marquer une nouvelle fois le match de son empreinte.
Le plus beau but de l’histoire de la Coupe du monde
Sur une perte de balle d’Hoddle, Maradona reçoit le ballon dans son camp. Entouré par deux Anglais, il effectue un superbe râteau pour les éliminer et se mettre dans le sens du but adverse. 11 secondes, c’est ce qu’il a fallu à Diego Armando Maradona pour éliminer pas moins de 5 défenseurs anglais ainsi que leur gardien (Hoddle, Reid, Sansom, Butcher, Fenwick et Shilton) avant, une nouvelle fois, de trouver le chemin des filets. L’Argentine mène 2-0. «Si l’on pouvait douter de la validité du premier but, il n’y a rien à dire à propos de ce moment de génie», assurait le commentateur anglais juste après le but. 5 minutes après la main de dieu, un autre but de Maradona entre dans la légende. De par son génie, de par son contexte, et aussi de par la folie du commentateur uruguayen, Victor Hugo Morales, dont les mots resteront gravés à jamais dans l’histoire de ce match.
« Je veux pleurer, oh saint Dieu, vive le football ! Quel but ! Diegoal ! Maradona ! Je pleure, excusez-moi ! Maradona, dans une course mémorable, dans le meilleur match de tous les temps ! Petite comète, de quelle planète êtes-vous venu, laissant tant d’Anglais pleurant devant l’Argentine ? Argentine 2, Angleterre 0 ! »
La réduction de l’écart en fin de match par le meilleur buteur de la compétition, Gary Lineker, n’y changera rien. L’Argentine s’impose et plus rien ne se mettra en travers de son chemin. 8 ans après leur dernier sacre, l’Albiceleste est à nouveau championne du monde grâce, notamment, aux deux buts venus d’ailleurs inscrits sur ce match.
Quand nous parlons de plus beau but de l’histoire de la Coupe du monde, ce n’est pas subjectif. Le slalom exceptionnel de Maradona dans le camp anglais a été élu plus beau but de l’histoire de la Coupe du monde par un sondage réalisé sur le site web de la FIFA lors de la Coupe du monde 2002. Avec 18 000 votes, il dépasse le but d’un certain Michael Owen…contre l’Argentine en 8e de finale. Un match remporté aux tirs au but par les blancs et bleus.
Si au final, les Anglais se sont imposés 6 fois en 14 rencontres, pour 6 nuls et seulement deux défaites face à l’Argentine, la gloire, la mémoire et surtout l’histoire, pèsent en faveur de l’Albiceleste, grâce à un match, le match du siècle, qui renferme tant de maux et d’histoire. « Pour nous, il n’était pas question de gagner un match, il s’agissait d’éliminer les Anglais. On voulait rendre honneur à la mémoire des morts », commentait d’ailleurs le protagoniste de cette rencontre, Diego Armando Maradona.