Entre la finale 1992 de la Coupe des Coupes et la demi-finale 2017 de la Ligue des Champions – marquée par les exploits du jeune Kylian Mbappé – l’AS Monaco connut sa plus belle épopée européenne en 2004 avec un parcours menant l’équipe de la principauté jusqu’en finale de C1. L’ASM devenait ainsi le quatrième club français à atteindre ce stade dans la plus prestigieuse des compétitions de clubs, après avoir été le premier à le faire en Coupe de Coupes.
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Commençons d’emblée par une précision importante : l’ASM n’a pas disparu entre sa finale en 1992 et sa finale en 2004. Rarement absent du podium depuis la fin des années 1980 et son titre de 1988, à nouveau champion de France en 1997 et 2000, l’ASM est par conséquent souvent présent sur la scène européenne. Et il s’y illustre ! En effet, Monaco atteint les demi-finales de la Coupe de l’UEFA en 1997, année de son titre de champion et, mieux encore, les demi-finales de la Ligue des Champions en 1994 et en 1998. Ainsi, avec sa demi-finale de 1990 et sa finale de 1992 en Coupe des Coupes, le club de la principauté a atteint à cinq reprises les demi-finales d’une compétition européenne au cours des années 1990, participant ainsi pleinement de la « décennie dorée » des clubs français au niveau européen.
En 2003, après deux saisons passées assez loin du podium, Monaco – entraîné depuis 2001 par Didier Deschamps, jeune retraité – retrouve des couleurs. Grâce notamment à un Shabani Nonda meilleur buteur du championnat (26 buts), Monaco embête sérieusement l’Olympique Lyonnais en ne terminant qu’à un point du désormais double champion de France qui, seulement cinq ans plus tard, allait rattraper Monaco au nombre total de titres. Grâce à cette performance et à une Coupe de la Ligue remportée aux dépends de Sochaux, d’une part un Didier Deschamps, contesté depuis son arrivée, fait désormais l’unanimité et d’autre part, l’ASM retrouve l’Europe.
Avant de commencer à narrer la folle aventure européenne des Monégasques, il faut revenir sur un fait de jeu intervenu lors de la quatrième journée du championnat de France. Monaco se rend alors au Parc des Princes pour affronter le PSG de Vahid Halilhodžić. Si l’ASM remporte le match, leur meilleur buteur, Shabani Nonda est grièvement blessé à la suite d’un tacle de José-Karl Pierre-Fanfan. L’absence de huit mois de l’attaquant congolais oblige les dirigeants monégasques à effectuer un transfert dans l’urgence. Au final, c’est Fernando Morientes, en manque de temps de jeu au Real Madrid, qui est prêté à l’ASM pour la saison. Il reçoit le numéro 10.
Le 17 septembre 2003, pour son premier match de poule, l’ASM se déplace à Eindhoven. L’équipe alignée à Eindhoven est la même, à une exception près, que celle alignée à une petite centaine de kilomètres plus à l’est, à Gelsenkirchen, huit mois plus tard. L’expérimenté Flavio Roma dans les buts, Julien Rodriguez alors accompagné de Sébastien Squillaci en charnière, et sur les ailes les jeunes Patrice Evra et Gaël Givet. Huit mois plus tard, l’Argentin Ibarra se sera imposé à droite et Givet prendra la place de Squillaci en charnière. Au milieu et en attaque, Didier Deschamps avait déjà trouvé son équipe type : deux lignes de trois, la première composée de Cissé, Bernardi et Zikos et la seconde de du trio Rothen, Morientes et Giuly, capitaine de cette équipe qu’il a intégré six ans plus tôt. Et déjà, le premier buteur de la compétition pour Monaco, premier buteur du match également, se nomme Fernando « Nando » Morientes, buteur de la tête. Cissé doublera la mise après la mi-temps avant que le PSV ne réduise l’écart. Monaco prend la tête de son groupe puisque ses deux autres adversaires, l’AEK et le Deportivo font match nul à Athènes.
Pour le premier match européen de la saison à Louis II, Monaco inflige une sévère défaite 4 à 0 à l’AEK Athènes avec des buts de trois joueurs décisifs lors de cette campagne : un but du capitaine Giuly, numéro 8, un but de Dado Pršo, le numéro 9, qui va s’avérer être un redoutable joker à faire entrer en deuxième mi-temps, et enfin un doublé de la tête de Nando Morientes, le numéro 10, qui en est déjà à trois buts en C1 alors qu’on est encore au mois de septembre. En battant le PSV à La Corogne, le Deportivo prend la deuxième place du groupe et apparaît comme l’adversaire principal de Monaco.
En octobre, l’ASM connaît sa première désillusion. Défaits 1-0 à La Corogne, les joueurs de Deschamps perdent la première place du groupe C. Le Deportivo, troisième du championnat d’Espagne derrière le Real Madrid et la Real Sociedad, confirme les craintes qu’on pouvait placer en lui. Dans l’autre rencontre, le PSV relève la tête et inscrit ses premiers points.
Un Monaco-Deportivo de légende
Le 4 novembre, le stade Louis II ne s’attendait pas à accueillir une telle rencontre de football. Certes l’affiche était alléchante entre les deux premiers du groupe C, de plus Monaco avait une revanche à prendre sur le Deportivo de Diego Tristán, unique buteur au match aller. Mais personne ne pouvait s’attendre à un tel spectacle. En l’absence de son buteur prodige, Morientes, Deschamps aligne un 4-4-2 avec Giuly et l’habituel joker, Pršo, en pointe. Sur les ailes, on trouve d’un côté Plašil, joueur très utilisé dans la rotation, et de l’autre Rothen, qui occupe là, sur l’aile gauche, un poste qu’il connaît bien. Le gaucher met rapidement le feu aux poudres en ouvrant le score dès la deuxième minute. Il est imité par son capitaine neuf minutes plus tard. C’est un début de match en fanfare pour l’ASM qui mène donc rapidement 2-0. Le match aller est déjà loin.
Puis entre en scène Dado Pršo. L’international croate, ajoute deux nouveaux buts à la 26ème et à la 30ème minutes. Un doublé de la tête, comme s’il voulait rendre hommage à Morientes en tribune. Mais surtout, Pršo célèbre ce soir-là son vingt-neuvième anniversaire de la plus belle des manières. 4-0 en une demi-heure, c’était inespéré pour Monaco qui va logiquement récupérer sa première place. Mais les Espagnols trouvent le courage de se reprendre et reviennent à deux longueurs de l’ASM grâce à deux buts de Tristán et Scaloni. Mais dans le temps additionnel, l’inévitable Pršo inscrit son troisième but, magnifiquement servi par son capitaine Giuly.
5 à 2 en seulement 45 minutes de jeu ! Les 22 acteurs ont démarré ce match à cent à l’heure et n’ont pas ralenti la cadence jusqu’à la mi-temps. Mais le plus impressionnant est que la deuxième mi-temps redémarre sur le même rythme fou ! 47ème minute : Plašil y va de son petit but. 49ème minute : Pršo s’offre un invraisemblable quadruplé pour son anniversaire ! Le prince Rainier, en tribune, écharpe de l’ASM autour du cou, apprécie le spectacle. En seulement quatre minutes, les Monégasques calment tout infime espoir de retour au score qu’auraient pu nourrir les Espagnols. A la 52ème minute, Tristán s’offre néanmoins un magnifique but après avoir éliminé deux défenseurs sur un double contact. 7-3. A la 67ème c’est Edouard Cissé qui y va de son but, d’une frappe du gauche. C’était bel est bien le 11ème et dernier but de la soirée, une folle soirée européenne et un match record puisque jamais une équipe n’avait inscrit huit buts dans un match de Champions League. Monaco reprend donc la tête du groupe avant de recevoir le PSV qui a remporté son deuxième match face à l’AEK Athènes.
De retour sur les terrains lors du match face au PSV, Morientes inscrit un nouveau but, de la tête bien sûr, en première mi-temps. Le PSV, réduit à dix au retour des vestiaires parvient pourtant à revenir au score à la 84ème alors que Monaco aussi est réduit à dix. L’ASM finira même le match à neuf après l’expulsion de son capitaine en toute fin de match. Mais l’essentiel est ailleurs car, en effet, la qualification est assurée avec ce match nul. Aucun club français ne s’était qualifié pour la phase à élimination directe depuis le Monaco demi-finaliste de 1998. Néanmoins, l’édition 2003-04 marque la disparition de la deuxième phase de poule qui limitait les chances de se qualifier pour les phases à élimination directe et favorisait les grosses écuries. Pour leur dernier match de poule, les hommes de Deschamps concéderont le nul 0-0 à Athènes alors que l’AEK était d’ores et déjà éliminé. Les Monégasques terminent la phase de poule en première position avec trois victoires, deux nuls et une défaite, mais surtout avec 15 buts, soit la meilleure attaque à égalité avec les Galactiques du Real.
La phase à élimination directe
En huitièmes, l’AS Monaco tombe sur le Lokomotiv Moscou qui s’est extirpé d’un groupe difficile où figuraient Arsenal, l’Inter et le Dynamo Kiev. Menés 2-0 dans la capitale russe, c’est grâce à une nouvelle tête de Nando que les Monégasques réduisent le score. Au retour, c’est l’autre buteur vedette, Pršo, qui inscrit le seul but du match, synonyme de qualification pour les quarts de finale. A noter que du côté de La Corogne on a éliminé la Juventus, finaliste de la dernière édition ! Egalement qualifié, le champion de France en titre, l’OL, qui a éliminé la Real Sociedad. Des Lyonnais, avec qui bataille à nouveau Monaco en championnat, puisque l’ASM fait la course en tête depuis la septième journée.
C’est en quart de finale que les choses se gâtent pour les Rouges et Blancs. En effet, le tirage au sort les emmène du côté de Santiago Bernabéu, antre du Real Madrid, favori de la compétition avec ses Zidane, Figo, Raúl et autres Ronaldo. Le 23 mars 2004, avec les mêmes joueurs que lors du premier match à Eindhoven mais avec la même organisation tactique (4-4-2, Giuly tournant autour de Morientes) que pour la réception de la Corogne, Monaco s’en va défier le Real Madrid et ses neuf Ligues des Champions.
En première mi-temps Monaco tient. L’équipe fait même plus que tenir puisque Squillaci, à la suite d’une action confuse dans la surface madrilène, ouvre le score peu avant la mi-temps. 0-1, c’est miraculeux. Le miracle ne dure pas longtemps car au retour des vestiaires Helguera permet au Real de revenir au score avant que les stars ne se mettent en route. En 10 minutes, Zidane, Figo puis Ronaldo permettent à la Maison Blanche de mener 4 à 1, une avance confortable. Mais un autre attaquant madrilène va inscrire un but de la tête, son sixième de la compétition. Cependant Morientes a beau appartenir au Real, ce soir-là il jouait pour l’AS Monaco à qui il permet, par ce but en fin de match, d’y croire encore un petit peu.
AS Monaco – Real Madrid : et la belle campagne européenne devint épopée
Alors qu’au match aller, les Monégasques avaient réussi l’exploit d’ouvrir la marque, ce sont cette fois les joueurs du Real qui inscrivent le premier but, grâce à Raúl. Monaco est alors mené de trois buts sur l’ensemble des deux matchs. Il leur faut marquer trois buts et espérer que le Real ne marque plus. Comme pour donner l’exemple à ses hommes, Ludo Giuly, inscrit un premier but, reprenant de volé un ballon remis de la tête par Morientes. Le capitaine permet, par ce but inscrit dans le temps additionnel, aux supporters monégasques de conserver un espoir de qualification. Au retour des vestiaires c’est Morientes qui entretient le rêve en permettant à Monaco de revenir à un petit but sur l’ensemble des deux matchs. Il inscrit son septième but dans la compétition, dont il est le meilleur buteur. De la tête bien sûr. Enfin, passée l’heure de jeu, le héros de tout un peuple, Giuly, dévie une frappe d’Ibarra, trompant ainsi Casillas. Après le ralenti on constate que c’est en fait un geste comparable à une Madjer que fait Giuly qui exulte après son but. Les Monégasques l’ont fait, ils sont repassés devant. Le score en reste là, 3-1, Monaco a éliminé le Real. Le score cumulé est de 5-5 mais les deux buts inscrits au Bernabéu font la différence.
Des demi-finalistes surprenants
Monaco n’est pas le seul club à réaliser un exploit lors de ces quarts de finale. En effet, leurs adversaires du premier tour, le Deportivo La Corogne, a sorti le tenant du titre, l’AC Milan par un renversant 4 à 0 au retour après s’être incliné 4 à 1 à San Siro. Là aussi, comme dans le cas de Monaco, le petit but supplémentaire inscrit à l’extérieur a fait la différence. Autre résultat qui peu surprendre, dans une moindre mesure : la qualification de Chelsea. Le club, racheté à l’été 2003 par l’oligarque Roman Abramovich réussit son premier « coup » européen en éliminant un Arsenal invincible en championnat. De plus c’est à Highbury que les Blues ont été cherché la qualif’, en s’imposant 2-1 après avoir concédé le nul 1-1 à Stamford Bridge. Dernier qualifié, le FC Porto qui a éliminé l’OL 4-2 sur l’ensemble des deux matchs.
C’est sur Chelsea que tombe Monaco. Le club londonien, qui compte à son palmarès un championnat, trois Cups et une C2, dispute sa première demi-finale de Ligue des Champions. A côté Monaco fait figure d’habitué puisque le club dispute sa troisième demie en dix ans. Néanmoins depuis l’été dernier et le rachat, le club s’est renforcé avec plus de 100 millions de livres sterling consacrés au recrutement.
Contrairement au tour précédant, le match aller se déroule à Louis II, tandis que Chelsea a l’avantage de recevoir au retour. Ce match aller se passe plutôt bien puisque Pršo ouvre le score à la 17ème, inscrivant ainsi son septième but. Cinq minutes plus tard Crespo lui répond, permettant à Chelsea de recoller. Il faut attendre la fin du match pour voir Monaco prendre de l’avance, par Morientes et… Nonda ! Le Congolais, de retour à la compétition après sa longue blessure permet à Monaco d’appréhender son match retour avec deux buts d’avance. Seul bémol, le grec Zikos est exclu pour la seconde fois de la compétition et loupera donc le déplacement à Londres.
Ce match retour commence de la pire des manières pour les joueurs de Deschamps puisque les Blues refont leur retard quelques minutes : par Grønkjær à la 22ème puis Lampard à la 44ème. Il faut donc impérativement passer à l’offensive pour les Monégasques puisque si le score en reste là c’est Chelsea qui passe en raison du but de Crespo inscrit à Louis II. Ibarra, le latéral argentin, a la bonne idée d’inscrire un but juste avant le retour aux vestiaires et permet à l’ASM de repasser devant. Enfin, à l’heure de jeu, le fantastique Morientes inscrit son neuvième but de la compétition et amène Monaco en finale de la Ligue des Champions.
Dans l’autre demi-finale Porto vient à bout de l’impressionnant Deportivo La Corogne. Et Porto, champion d’Europe en titre (le club portugais a remporté la Coupe de l’UEFA l’année précédente) ne va pas manquer l’occasion de réaliser cet historique doublé. Privés de leur capitaine sorti sur blessure en première mi-temps, les Monégasques sont incapables de rivaliser avec leurs adversaires qui s’imposent en finale sur le score lourd de 3 à 0 et remportent la deuxième Ligue des Champions de leur histoire, après celle de 1987.
Monaco 2004, c’est la dernière finale de Ligue des Champions pour un club français, et c’était il y a 15 ans. La même année, un autre club français était en finale d’une autre coupe d’Europe dont il a disputé deux autres finales ces vingt dernières années, mais cela sera le sujet de notre ultime article dans cette série, avant, espérons-le, de nouvelles épopées à venir.
Crédit photos : Icon Sport