Prohibé du fait des violences qu’il engendrait dans l’Angleterre du Moyen-Age, le jeu de balle – ancêtre du football moderne – s’est peu à peu codifié pour répondre à la popularité universelle qu’il observait. Toutefois, l’histoire de l’arbitrage n’est pas simple et s’écrit au fil des injustices et polémiques rencontrées sur le terrain. Coup de sifflet sur la réglementation appliquée au sport le plus vénéré au monde.
Si à sa genèse, le jeu de balle reposait sur un exemplaire « fair-play » de la part des deux équipes – une faute ne pouvait être intentionnelle -, il fut rapidement jugé nécessaire d’établir une série de règles afin d’encadrer une discipline qui s’étiolait sous la mauvaise fois de ses joueurs. C’est en 1848 que sont posées, par un groupe d’étudiants britannique de l’Université de Cambridge, les premières pierres du sacro-saint règlement. Les « Cambridge Rules » stipulent pour la première fois qu’il est interdit de courir en portant la balle dans ses mains, autorisent les passes de balle vers l’avant et définissent les conditions d’octroi des coups francs et des touches. S’en suivent les règles de « Sheffield » entre 1857 et 1877 avec notamment l’entrée en jeu des concepts de corners, l’interdiction du « fair catch » et la description du poste de gardien de but.
Sur ces bases sans équivoque sont rédigées et éditées en 1863 les 17 lois du football (manuscrit conservé aujourd’hui au Musée du Football de Manchester). Enrichies par la création de l’IFAB – instance pionnière qui détermine les règles du jeu du football créée sur la base des fédérations anglaises, nord-irlandaises, écossaises et galloises – en 1882 (« International Football Association Board ») puis de la FIFA en 1904 (Fédération Internationale du Football Association), ces 17 lois entendent rendre compte des règles de normalisation qui ne cessent de croître afin de faire du ballon rond un sport praticable à l’échelle mondiale. Il serait colossal d’établir la liste exhaustive de toutes les modifications réglementaires appliquées au football depuis sa création, ainsi nous retiendrons les plus notables.
En 1890 par exemple, l’arbitre passe des tribunes au centre du terrain et devient de fait un sportif à part entière capable de suivre l’évolution du jeu sur toute sa durée. Omnipotent, il incarne l’autorité et devient le seul responsable décisionnaire du match de son début à sa fin. Son rôle est cependant difficile car très intense et partant du constat que l’erreur puisse être humaine, deux autres arbitres sont désormais appelés à l’assister : le trio arbitral tel que nous le connaissons aujourd’hui est né. C’est au même moment qu’est mis en pratique le « penalty kick » pour punir les fautes commises à proximité des cages de but. En 1912, il est déclaré que le gardien de but peut se servir de ses mains uniquement dans sa surface. En 1925, La condition de la règle du hors-jeu est réduite de trois à deux joueurs adverses. En 1965 est créée la règle des buts marqués à l’extérieur en cas d’égalité entre deux matchs à élimination directe. En 1970, l’introduction des cartons jaunes et rouges suivant la gravité de la faute du joueur concerné et la séance de tirs au but en cas d’égalité après les prolongations sont votés. En 1993 est introduit le but en or (qui sera supprimé en 2004) servant à départager deux équipes lors des prolongations ; la première équipe à marquer est instantanément déclarée victorieuse. En 1995, la généralisation du 3ème remplacement rentre en vigueur. En 1998 est introduit le temps additionnel…
Si l’évolution de la réglementation peut faire tourner la tête, l’introduction de la VAR en 2016, marque le début de la controverse en matière d’arbitrage. En effet, le football est un sport humain, rapide et l’erreur, intentionnelle ou non, est une variable qu’il convient de mesurer. En effet, on se souvient de la main litigieuse de Thierry Henry face à l’Irlande en 2009 lors des qualifications à la Coupe du Monde ; non visible par l’arbitre, le but a été validé et la victoire jugée injuste par l’équipe adverse. De même, en 2013 par exemple, le but fantôme lors du match Hoffenheim – Bayer Leverkusen, n’a pu être vu par l’arbitre validant alors l’action du joueur Stefan Kiessling et offrant la victoire à l’équipe rhénane.
La vision de l’homme en noir n’étant pas infaillible et les discordes en matière d’arbitrage ne cessant, la VAR (« Video Assistant Referee ») fut votée en 2016 et mise en oeuvre dans plusieurs ligues – en Italie, en Allemagne, au Portugal et même en Australie – pour faire ses preuves avant d’être instaurée pour la première fois en Coupe du Monde l’année dernière en Russie (la pression de l’arbitre argentin Nestor Pinata accordant un pénalty à l’équipe de Didier Deschamps, après vérification vidéo de la main de Persic, traversait l’écran tant elle était palpable). Toutefois, l’utilisation de la VAR respecte des règles très strictes, la consultation de l’écran vidéo ne peut se faire que dans quatre situations précises : pour vérifier la validité d’un carton rouge, pour accorder un pénalty, pour valider un but et enfin pour valider l’identité d’un joueur sanctionné. En Serie A, des recherches statistiques ont été conduites par l’association d’arbitrage italienne pour évaluer les retombées de l’assistance vidéo. Il en résulte que sur 218 matchs disputés, la VAR fut utilisée 1078 fois, c’est-à-dire environ cinq fois par matchs. Dans 5% des cas, la VAR a permis de rectifier une erreur, ce qui représente alors plus de 50 erreurs d’arbitrage évitées. Se savant désormais filmés, le comportement des joueurs sur le terrain a inévitablement été modifié. En comparaison avec les années précédentes, les fautes auraient diminuées de 8%, les cartons jaunes de 19% et les rouges de 23%. Les résultats sont donc sans appel.
Or, si la VAR amène à un jeu plus propre, juste et rigoureux, ses principaux opposants y voient un obstacle à la beauté naturelle du football. En effet, la spontanéité initiale et l’intensité émotionnelle typiques au football sont obstruées. Il en est de même pour la fluidité du match puisque le VAR ajoute des interruptions de jeu, stérilisant alors le dynamisme tant apprécié dudit sport…
Enfin, si la VAR entend éradiquer la conduite anti-sportive de certains joueurs, le chemin reste encore long. En effet, la clémence à l’égard des arbitres est un point délicat. Récemment, la polémique sur les propos déplacés du joueur brésilien Neymar à l’égard de l’arbitre slovène Damir Skomina lors du match a domicile du PSG contre Manchester United n’est pas passée inaperçue. Furieux du pénalty sifflé contre Kimpembe (une main – voulue ou non – sur une frappe du Mancunien Diogo Dalot), le joueur parisien pourtant forfait lors de la rencontre a déballé toute son ire sur les réseaux sociaux, écrivant des injures qu’il aurait fallut taire. Après enquête, l’instance disciplinaire a sanctionné Neymar en le privant de trois matchs.
Cette polémique a réouvert les dossiers sur le corps arbitral qui est pourtant sélectionné à la loupe afin d’éviter tout comportement de favoritisme ou débordement de ce genre. Les arbitres – ces hommes au plus près du match – d’après la loi 5 du football dirigent de façon neutre la rencontre. Ils sont passés au peigne fin et doivent remplir plusieurs critères pour être sélectionnés (avoir au minimum 25 ans, ne pas avoir de fonctions officielles au sein de leur fédération, passer toute une série d’examens pour évaluer leurs aptitudes physiques…). Néanmoins, la pratique de l’arbitrage reste, aujourd’hui encore, un point sensible, et l’Italien Pierluigi Collina, certainement l’un des arbitres les plus célèbres au monde le rappelle : « le football n’est pas un jeu parfait, je ne comprends pas que les gens veuillent que l’arbitre le soit ».
L’arbitrage est sans doute un des points les plus controversés du football aujourd’hui. Les débats qu’il fait naître sont nombreux et toujours discutés. De plus en plus respectueuse, la pratique pourtant téméraire et libre initialement voulue semble s’effacer peu à peu. Nous tournerons-nous, à l’ère du digital, vers plus de règles mais moins de beauté ?
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