Le football dispose d’une longue et riche histoire olympique. Avant l’avènement de la Coupe du Monde, en 1930, et autres compétitions continentales, le football international s’exprime dans le cadre des Jeux Olympiques, et ce depuis l’édition estivale parisienne de 1900. En compagnie de Richard Coudrais, auteur d’un ouvrage sur la question — Du foot et des Jeux, éditions Lucarne Opposée, 2024 —, explorons l’histoire du tournoi olympique.
Richard Coudrais est rédacteur pour différents titres et sites tels que Les Cahiers du foot, Chroniques bleues ou encore La Maison jaune qui traite de l’actualité du FC Nantes. Il est également l’auteur d’un autre ouvrage, avec la collaboration de Bruno Colombari : Espagne 82 : la Coupe d’un nouveau monde (Solar, 2022).
Propos recueillis par Lucas Alves Murillo
Le Corner : Quelle est la Genèse de votre ouvrage ?
Richard Coudrais : Je suis parti d’un constat : le football est la discipline la plus populaire du monde et les Jeux Olympiques sont le rendez-vous sportif par excellence. Or, le tournoi olympique de football, tout le monde s’en fout, ou presque. Il n’intéresse pas spécialement les foules car il est réservé aux joueurs espoirs [une limite fixée à 23 ans, et trois joueurs plus âgés par effectif, NDLR], même si quelques vedettes y font des apparitions ponctuelles. Auparavant, il était réservé aux amateurs. Il a été ouvert aux professionnels en 1984 puis réduits aux U23 en 1992.
Malgré tout, l’histoire du football olympique est très intéressante et mérite qu’on y consacre un ouvrage.
À partir de quel moment le football devient-il un sport olympique ?
Le football devient officiellement une discipline olympique lors de la quatrième édition des Jeux Olympiques, ceux de Londres en 1908. Avant cela, lors des trois premières éditions, des matchs informels sont organisés en marge des épreuves. Par exemple, en 1900, lors de Jeux de Paris, une équipe de France a été créée afin de disputer plusieurs matchs. C’est la première équipe de France et il est dommage que la FFF n’en tienne pas compte dans sa liste officielle [premier match officiel le 1er mai 1904, NDLR].
C’est donc en 1908 que le football devient officiellement une discipline olympique. A cette époque, le football sous sa forme internationale s’organise, avec notamment la création de la F.I.F.A. (Fédération Internationale de Football Association) en 1904. Cette dernière souhaitait déjà organiser ses propres compétitions. La première édition du tournoi olympique compte seulement cinq nations [Danemark, France, Grande-Bretagne, Pays-Bas et Suède, NDLR] et… six équipes. En effet, la France envoie deux équipes, lesquelles se plantent toutes les deux en beauté : la première perd 9-0 face au Danemark puis la seconde s’incline 17-1 face aux mêmes Danois.
En 1912, le tournoi est encore marqué par des forfaits, tant pour des raisons sportives que politiques. A quelques mois du premier conflit mondial, la géopolitique se mêle déjà du sport olympique. Le football au sein des Jeux a souvent été remis en cause, mais il n’a jamais disparu. Il n’a été absent qu’une seule fois, en 1932 à Los Angeles.
Au-delà des forfaits et autres problèmes organisationnels, est-ce un « succès » ?
À Londres, en 1908, le succès n’est pas probant. Alors que l’Angleterre est un pays qui remplit habituellement ses stades, les matchs du tournoi olympique se jouent devant une maigre assistance. On ne peut pas non plus parler d’échec, puisque le football est reconduit quatre ans plus tard à Stockholm et le nombre d’équipes participantes est multiplié par deux.
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Le football a longtemps été un peu à part. Le tournoi se disputait avant la cérémonie d’ouverture ou alors après la clôture des Jeux. Le tournoi olympique a connu son âge d’or dans les années 1920. Une volonté universaliste entraîne l’ouverture à d’autres nations, hors continent européen. L’Egypte débarque en 1920, alors qu’elle est toujours sous domination britannique, puis on voit arriver aux Jeux de Paris en, 1924, l’Uruguay et les États-Unis. Le tournoi devient un véritable championnat du monde avant l’heure. C’est ainsi qu’il est nommé dans la presse internationale. Le public répond présent et se prend de passion pour le football des autres continents, notamment celui de l’équipe d’Uruguay, qui remporte deux éditions (1924, 1928).
Comment évolue le football olympique après l’avènement de la Coupe du monde en 1930 ?
Cette Coupe du monde en 1930 provoque une rupture entre le C.I.O (Comité International Olympique) et la F.I.F.A. mais aussi des tensions entre fédérations européennes et sud-américaines. En 1932, lors des premiers Jeux après la première Coupe du monde, le football est absent. Toutefois, dès 1936 pour les Jeux de Berlin, les organisateurs décident de réintroduire un tournoi de football. La raison est principalement financière, car le ballon rond est ce qui rapporte le plus de recettes.
En ce qui concerne le statut des joueurs, c’est encore confus en 1936 avec un mélange de joueurs amateurs et professionnels. À partir de 1948 la notion d’amateurisme s’impose de manière plus ferme : aucun joueur sous contrat professionnel n’est accepté.
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Néanmoins, cela provoque une situation paradoxale, voire hypocrite, durant plusieurs décennies. Dans les pays du bloc de l’Est, le professionnalisme n’existe officiellement pas. Leurs équipes peuvent donc se rendre aux Jeux avec leurs meilleurs joueurs, ce qui est interdit aux nations occidentales. De 1952 à 1980, les podiums sont essentiellement occupés par les équipes de l’Est. En 1952, c’est la célèbre équipe hongroise des Kocsis et Puskás qui s’impose. Suivent l’URSS de Yachine, la Yougoslavie, une nouvelle génération hongroise (celle de Florian Albert), la Pologne de Deyna et Gadocha, la RDA, la Tchécoslovaquie…
Après cette domination des pays d’Europe de l’Est, advient la seule médaille d’or française, en 1984. Que retenir de cette victoire ?
Il faut avant tout préciser qu’une petite révolution s’est mise en place. Le C.I.O. accepte que des joueurs professionnels participent aux Jeux. La France crée donc une équipe spécifiquement olympique avec des joueurs de première division et la confie à Henri Michel. La seule règle à respecter est que le joueur n’ait participé à aucun match de Coupe du monde.
L’autre fait majeur est le boycott des pays de l’Est [Boycott des Jeux de Los Angeles qui fait suite au boycott des Jeux de Moscou quatre ans plus tôt, NDLR]. Seule la Yougoslavie participe. Elle sera la grande favorite du tournoi mais sera sortie en demi-finale par les Français au terme d’un match au scénario complètement fou. Le football français vit alors un été exceptionnel : après la victoire à l’Euro 1984, la sélection olympique s’impose contre le Brésil en finale.
Récemment, lors d’une émission de radio à laquelle je participais, William Ayache, l’un des médaillés français, nous avait confié qu’il trouvait que cette équipe olympique victorieuse avait été trop vite oubliée par les instances. La plupart des joueurs n’ont pas vraiment fait carrière par la suite en équipe de France A. Ils sont très peu à compter plus de dix sélections en A, hormis Ayache justement et José Touré [respectivement 20 et 16 sélections NDLR]. Il était difficile de prendre la place des Platini, Giresse, Tigana, Bossis qui venaient de remporter l’Euro 1984.
Par la suite, Henri Michel, devenu sélectionneur des A, a essayé d’intégrer quelques olympiens, mais cela n’a pas marché.
Aujourd’hui, quelle est la place du football au sein des Jeux Olympiques ?
La place du football masculin reste selon moi fragile. Un phénomène nouveau apparaît aujourd’hui avec les clubs qui rechignent à libérer leurs joueurs. Ils en ont le droit puisque les Jeux olympiques ne sont pas des « dates F.I.F.A. ». On aimerait que les instances se penchent sur ce problème qui risque d’affaiblir encore un peu plus le football olympique.
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En revanche, l’arrivé du football féminin en 1996 réaffirme la légitimité de ce sport aux Jeux. Contrairement aux hommes, il n’y a aucune restriction d’âge. Ce sont les meilleures joueuses qui sont présentes. La victoire olympique représente un véritable objectif et un titre de premier plan. C’est pour ça que, finalement, je reste très optimiste sur l’avenir du football aux Jeux.
Propos recueillis par Lucas Alves Murillo
Richard Coudrais est rédacteur pour différents titres et sites tels que Les Cahiers du foot, Chroniques bleues ou encore La Maison jaune. Nous le remercions chaleureusement pour ses réponses et sa disponibilité. Et pour commander son ouvrage, c’est par ici.
Crédits photos : Icon Sport