Cet article a été fait en collaboration avec un supporter de l’Etoile Rouge et un supporter du Partizan. Ils dirigent respectivement les comptes Twitter @FranceZvezda et @PartizanFrancee. Je les remercie de leur aide très précieuse. Bonne lecture.
« Eternel : adjectif ; Qui est de tous les temps ou qui doit durer toujours. » Il y en a d’innombrables, des choses éternelles : la beauté, la laideur, le désir, la joie, la peur, la vaisselle qui traîne, la flemme d’aller bosser… Et si, aujourd’hui, nous parlions d’éternité ? Direction Belgrade, ville dans laquelle se joue l’un des matchs les plus impressionnants du football : le derby éternel.
La touche historique
Les deux clubs ont été créés, très précisément, à sept mois d’écart ; le 4 mars 1945, l’Etoile Rouge voit le jour à partir du Parti Communiste yougoslave. Le 4 octobre suivant est créé le Partizan, et représente l’armée. L’existence parallèle des Crveno-beli (en français : rouge et blanc, ce qui désigne l’Etoile Rouge) et des Crno-beli (noir et blanc, le Partizan) devient vite une source de conflits, et une lutte de pouvoir entre le Ministère de l’Intérieur et celui de la Défense. Le tout premier derby a lieu au début de l’année 1947 et est remporté par l’Etoile Rouge. Cependant, c’est le Partizan qui s’impose à la fois en championnat et en coupe cette année. La rivalité est née.
Les supporters, clés du spectacle
Les supporters des clubs de Belgrade sont de grands fous du football. Rares sont les supporters à être aussi bruyants, aussi joyeux, aussi vivants. D’un côté, il y a les Grobari, supporters du Partizan. De l’autre, les Delije, supporters de l’Etoile Rouge.
Les Grobari
En 1970, les supporters du Partizan se font appeler Grobari par les Delije (Grobari : fossoyeurs). A l’inverse, les Grobari surnomment les supporters de l’Etoile Rouge cigani (en français : tziganes). Quant à leur apparition, elle se fait dans les années 1950. Les Grobari viennent essentiellement des banlieues et Belgrade, et sont connus pour leur style de supporting très anglais. Il en existe de nombreux groupes : les Young Boys,les Grobari 1970, les Shadows, les Juzni Front… il en existe également dans plusieurs villes : Grobari Paris, les Grobari Zurich… Les supporters sont affiliés à d’autres en Europe : ceux du CSKA Moscow et ceux du PAOK.
Les Grobari sont connus pour leurs débordements récurents. Ils font partie des supporters les plus violents du football : bagarres avant le match, bagarres pendant le match et bagarres après le match. Plusieurs matchs ont été arrêtés à cause de nombreux débordements. Certains les accusent même d’avoir causé la mort de Brice Taton, supporter de Toulouse. Les sources varient sur le sujet cependant.
Les Delije
Leur création arrive beaucoup plus tard que celle des Grobari. Il faut en effet attendre 1989 pour que plusieurs groupes de supporters du club se réunissent et forment les Delije. Tous ces groupes se réunissent dans la tribune nord, appelée Sever, du stade Rajko Mitic (plus communément appelé Marakana). On en comprend ainsi leur nom complet : Delije Sever 1989. Comme chez les Grobari, il existe également plusieurs sous-groupes : les Belgrade Boys, les Heroes… Il existe aussi des affiliations à d’autres supporters : ceux du Spartak Moscow et ceux de l’Olympiakos. Sans surprise, les Delije sont aussi connus pour leur grande violence et leur comportement parfois excessif quand il s’agit de football, encore plus quand il est question du Partizan.
L’importance du derby
Comme tous les derbys, ce match représente énormément pour les deux équipes. En perdre un est une humiliation, un cataclysme. Derrière ce derby, il y a le combat pour la légitimité de représenter Belgrade et pour être considéré comme le plus grand club de la ville.
En plus de cela, le derby de Belgrade est d’une importance énorme dans les différentes compétitions : celui qui le remporte est presque assuré de gagner. En Coupe de Serbie, sur les 25 dernières années, seules 5 éditions ont été remportées par d’autres clubs que le Partizan et l’Etoile Rouge. En championnat, c’est pire encore : une seule édition a été remportée par un autre club sur les 25 dernières années. Il faut remonter 20 ans en arrière avant de voir un autre club que ceux-là être champion de Serbie. Jusqu’ici, l’Etoile Rouge a remporté plus de titres que le Partizan : deux championnats de plus (29 contre 27), 9 coupes de plus (24 contre 15) et, surtout, la seule et unique Ligue des Champions de la ville en 1991.
Quelques derbys marquants, en photos
Le derby est source de conflit, nous l’avons déjà dit. Forcément, certains l’ont été plus que d’autres ou ont marqué une rupture importante dans l’histoire du derby éternel.
13ème derby, 1953
C’est le plus large écart de score entre les deux clubs : 7-1 pour le Partizan. C’est une humiliation pour l’Etoile Rouge, alors que les Grobari savourent encore aujourd’hui ce « record » qui ne risque pas d’être battu de sitôt.
81ème derby, 1987
Le score est cette fois-ci de 3-2 pour l’Etoile Rouge sur le terrain du Partizan. Ce derby est surtout synonyme de l’un des plus grands buts de la carrière de Stojkovic, qui sauve son club en humiliant le Partizan dans le Stadion Partizana.
145ème derby, 2013
Le derby est arrêté à cause des supporters du Partizan qui mettent (littéralement) le feu au Marakana. Les images parlent d’elles-mêmes…
148ème derby, 2015
Le score est de 0-0, et les deux équipes se quittent en ne prenant qu’un point. Seulement, dans les tribunes, des violences éclatent et les photos des dégâts désastreux font le tour du monde.
155ème derby, 2017
Lors de ce derby, un hommage est rendu par les supporters du Partizan à Demir Jukic, tué par balles par les supporters de l’Etoile Rouge quelques mois auparavant, le 9 août 2017. Un beau moment de communion dans une atmosphère pourtant tragique.
En bref, le derby de Belgrade est connu pour sa violence, sa ferveur et ses deux clubs mythiques en Serbie. Rares sont les rivalités aussi passionnantes et excitantes à suivre. L’excitation, l’angoisse, la peur, la joie, la violence. Voilà ce qui fait de ce match le derby éternel.