Aujourd’hui encore, l’affiche Paris Saint-Germain – Saint-Étienne reste un match important dans le paysage footballistique français. Il y a bien évidemment les palmarès des deux clubs qui font partie des plus importants du football hexagonal. Mais surtout ce duel évoque pour les plus nostalgiques cette finale de Coupe de France 1982 qui reste comme l’une des plus belles de l’histoire. Retour sur ce match d’anthologie.
La capitale ambitieuse contre le mythique Saint-Étienne
En 1982, la géopolitique du football français n’est pas du tout la même que de nos jours. L’AS Saint-Étienne domine la France entière et est le club le plus populaire du pays. Champion de France en titre et finaliste de la Coupe de France contre le SC Bastia en 1981, les Verts sont l’institution footballistique majeure de l’hexagone. Les différents parcours en Coupe d’Europe ont bien aidé les Stéphanois à gagner en popularité mais aussi les multiples titres nationaux que cela soient des championnats de France ou des Coupes de France. L’AS Saint-Étienne compte beaucoup de clubs de supporters dans toute la France.
Suite à son épopée européenne de 1976, l’AS Saint-Étienne est considérée comme le porte drapeau du football français, à la fois en ce qui concerne le football de club mais aussi de sélection. L’équipe de France ne veut pourtant pas dire grand-chose encore à quelques mois de Séville. Les Verts ont pu faire rêver des millions de Français à travers leur poste de télévision. Mais cela a été également une preuve que la France pouvait gagner sur un terrain alors que son football était moribond durant les années 1970. Cette popularité est si imposante et grande que les Verts se sont même permis de défiler sur les Champs-Élysées après la finale perdue de Coupe des clubs champions en 1976 contre le Bayern Munich.
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En face, le Paris Saint-Germain est encore un tout jeune club en 1982. Fondé douze années plus tôt, en 1970, par le « Gang des chemises roses », le club de la capitale est juste à cette époque un club ambitieux recherchant une certaine notoriété, des supporters dans le Bassin parisien mais surtout à devenir le club de Paris. Le club est monté en Première Division en 1974 suite à un barrage mythique contre l’US Valenciennes-Anzin. Il est alors entraîné par un certain Just Fontaine, autre idole du football français. Ce détail n’est pas à négliger quand on retrace l’histoire du Paris Saint-Germain. À défaut d’avoir une grande histoire sportive, à l’instar de l’AS Saint-Étienne, le PSG a décidé de bâtir un club à l’image de Paris, « Ville Lumière ».
Le « Gang des chemises roses », composé notamment de Jean-Paul Belmondo, Francis Borelli ou encore de Daniel Hechter, ambitionnent de faire du PSG un grand club de football, attirant sur le plan sportif mais aussi en dehors. Tout cela dans l’objectif d’atteindre une certaine notoriété face à des clubs de plus grands standings comme le FC Nantes, l’AS Monaco, l’Olympique de Marseille et bien sûr l’AS Saint-Étienne. Ainsi, bien étonnant que cela puisse paraitre, le Parc des Princes est loin de faire le plein lors des premières années en D1 du Paris Saint-Germain.
Nous sommes alors bien loin de la situation actuelle. Si l’ASSE reste un des clubs les plus populaires du pays en 2023, sportivement il est en milieu de tableau du championnat de Ligue 2. Le PSG est quant à lui aujourd’hui le club le plus titré de France, une véritable multinationale grâce à son équipe composée de stars et au financement de QSI. Cette affiche de la finale de Coupe de France 1982 est alors intéressante sur plusieurs points de vue. Dans un premier temps, elle oppose donc deux visions du football. Le PSG club de la capitale « bling bling » dirigé par le très classe Francis Borelli, contre Saint-Étienne qui représente la province et qui est dirigé par Roger Rocher. Ce dernier est une figure du patronat traditionnel en 1982. Il faut aussi dire que Saint-Étienne est un club davantage populaire à cette époque, en raison de la présence de nombreux joueurs de l’équipe de France dans ses rangs : Michel Platini, Jean-François Larrios, Patrick Battiston, Jean Castaneda ou encore Christian Lopez.
À l’image de la ville de Paris, le PSG de Borelli est surtout composé de joueurs de différentes nationalités et spectaculaires. Nous pouvons citer par exemple Mustapha Dahleb ou Surjak. Même si certains internationaux français et titis parisiens viennent compléter l’effectif : Dominique Rocheteau, Luis Fernandez ou encore Dominique Baratelli. Ainsi, le 15 mai 1982, lorsque la tribune du Parc des Princes se remplit, les supporters stéphanois garnissent la moitié voire plus, selon les dires de Christian Lopez, des tribunes. Un comble pour une finale qui se joue dans l’antre du Paris Saint-Germain. Mais quelque chose qui n’est pas étonnant après avoir retracé l’entièreté du contexte footballistique français en 1982.
Une finale de Coupe de France en apothéose
La finale de la Coupe de France 1982 entre le Paris Saint-Germain et l’AS Saint-Étienne est aussi considérée comme une sorte d’apothéose dans la compétition pour plusieurs raisons. À la fois en raison du sportif et du match spectaculaire, possible grâce au nombre important de grands joueurs sur la pelouse. Mais il y a aussi le contexte extra-sportif de la rencontre, à savoir le dernier match de Michel Platini en France et avec les Verts, avant de rejoindre la Juventus et de devenir une légende du football transalpin. Le numéro dix des Bleus et de l’ASSE avait d’ailleurs été approché par Francis Borelli pour rejoindre le club de la capitale dès l’été 1982. Ce dernier avait alors écrit une lettre au meilleur joueur français pour l’inciter à rejoindre le PSG. Une opportunité qui s’était présentée en raison du « malaise Platini » à Saint-Étienne, sur fond d’histoire extra-conjugale avec son coéquipier Jean-François Larrios. Un Michel Platini qui semble déjà parti vers de nouveaux horizons dans sa tête avant la finale :
« Oui, je vide ce placard que j’ai dans le vestiaire depuis trois saisons. Oui cela me fait un peu de peine. Oui, nous n’avons jamais pu battre l’équipe du PSG au Parc des Princes depuis que je suis à Saint-Étienne ».
En plus de tout cela, pour la première de l’histoire de la compétition, la finale de la Coupe de France est diffusée en prime time sur TF1 avec les commentaires d’un certain Michel Denisot, qui deviendra président du PSG quelques années plus tard. Elle se joue en plus sur une rencontre en raison de la proximité avec le coup d’envoi du mondial 1982 en Espagne. Sur le terrain, la finale tient toutes ses promesses. Le PSG ouvre le score en première mi-temps par l’intermédiaire de Toko. Michel Platini égalise en seconde période. C’est également lui qui donne l’avantage aux Verts en prolongations en inscrivant un second but. Un match particulier pour le joueur formé à Nancy car c’est à la fois son dernier match en France mais aussi parce qu’il évolue dans une position d’avant-centre. C’est à la 120e minute de jeu que la rencontre prend un tournant spectaculaire. Le Parisien Surjak centre pour Dominique Rocheteau qui réalise une splendide reprise de volée et égalise pour le PSG.
Les supporters du club de la capitale envahissent la pelouse du Parc sous les yeux du maire de Paris, Jacques Chirac et du président de la République, François Mitterrand. Il faudra près d’une demi-heure pour que tous les spectateurs descendus sur le terrain puissent regagner leur siège. Ivre de joie, Francis Borelli embrasse même la pelouse et déclare après la rencontre :
« Le but de Rocheteau c’est le moment le plus intense de ma vie. Je n’y croyais plus. C’était cuit, pour plaisanter, je disais aux gens à côté de moi : on ne peut pas égaliser ! Et puis Rocheteau a marqué…. C’était la délivrance ! L’explosion de joie ! Impensable…. Alors j’ai embrassé la pelouse, cette terre bénie du Parc, pour remercier le ciel… comme les Musulmans que je voyais en Tunisie, qui embrassaient la terre pour remercier leur Dieu ».
La finale se joue donc aux tirs au but. Les deux gardiens internationaux, Baratelli et Castaneda se font face. De chaque côté, les cinq premiers tireurs réussissent leur penalty. C’est la mort subite qui arrive et Baratelli remporte le choc psychologique contre Christian Lopez. L’enfant du club, Jean-Marc Pilorget, inscrit le penalty vainqueur qui permet au Paris Saint-Germain de remporter le premier titre de son histoire.
Un tournant historique pour les deux clubs
Avec cette Coupe de France 1982, le Paris Saint-Germain remporte le premier trophée de sa jeune histoire. Le club de la capitale gagnera par la suite de nombreux trophées dont la Coupe des Coupes en 1996 faisant de lui le second club français champion d’Europe avec l’Olympique de Marseille. Les années Canal +, l’arrivée de QSI et la « métropolisation » du football français vont faire du PSG un des clubs les plus importants de l’histoire du football français. La dynamique est complètement inversée pour Saint-Étienne. Si les Verts sont en 1982 le plus grand club français. Depuis la date du 15 mai de cette même année, ils ne remporteront plus qu’une Coupe de la Ligue en 2013. Quelques temps après la finale de la Coupe de France, le président historique Roger Rocher sera obligé de quitter le club en raison de l’affaire des caisses noires du club. Avec ce scandale, les Stéphanois ne connaitront plus jamais le très haut niveau national et européen. Pis encore, l’AS Saint-Étienne connaitra la descente en 1984 avant d’en connaitre deux autres au début des années 2000 et une plus récemment à l’issue de la saison 2021-2022.
Les différentes trajectoires des deux clubs traduisent également l’évolution du football vers la financiarisation durant les années 1980. C’est d’ailleurs à la fin de cette décennie qu’apparaissent les premiers grands chefs d’industrie ou grandes entreprises qui vont investir dans le football. Canal + avec le PSG, Bernard Tapie avec l’Olympique de Marseille ou encore Jean-Michel Aulas du côté de l’Olympique Lyonnais. Si l’on veut entrer dans une approche philologique, le PSG – Saint-Étienne de 1982 annonce le raz de marée des clubs de grandes métropoles sur le football de province dans les décennies qui vont suivre. Un phénomène qui sera surtout vérifié vingt ans plus tard mais qui était annonciateur dans le paysage du football français.
La victoire en Coupe de France du PSG en 1982 amènera les premiers succès du club sur la scène nationale et les premières épopées européennes. En 1983 viendra une nouvelle Coupe de France remportée cette fois-ci contre le FC Nantes. Le Paris Saint-Germain, entrainé par Gérard Houllier avec comme capitaine Luis Fernandez, va même remporter son premier titre de champion en 1986. Deux trajectoires complètement opposées et différentes qui sont aussi bien soulignées par la légende parisienne Mustapha Dahleb plusieurs années après : « Oui nous pouvons dire que ce match a été un tournant dans l’histoire du PSG ».
Le jubilé français de Michel Platini, le scénario de la rencontre, le tournant historique pour les deux clubs, le PSG – Saint-Étienne 1982 est bien considéré comme une sorte d’apothéose footballistique dans la plus belle des compétitions françaises. Elle marque un tournant sportif, économique mais aussi en terme de popularité puisque les tendances vont par la suite s’inverser. Le Paris Saint-Germain deviendra un des plus grands clubs de l’Hexagone tandis que l’AS Saint-Étienne aura du mal à renouer avec son glorieux passé.
Sources
- Faure Matthieu, PSG/Sainté 1982 : toute première fois, SoFoot, avril 2015
- Fleurot Grégoire, La finale PSG-Saint Etienne 1982, quand les destins de deux clubs se croisent, L’Équipe, avril 2015
- Lippert Stéphane, La finale entre le PSG et Saint-Etienne racontée par l’ancien capitaine des Verts, Christian Lopez, FranceInfo, juillet 2020
Photos : IconSport