Le championnat de France est plein de surprises. Il fait vibrer aussi bien les grands que les petits. La preuve en mai 2016, avec le maintien héroïque du Toulouse Football Club grâce à Pascal Dupraz. Retour sur l’un des exploits sportifs français les plus marquants du XXIe siècle.
À la fin de l’hiver 2016, le Toulouse Football Club est au bord de l’implosion. Les supporters commencent à s’agacer du niveau de jeu proposé par leur équipe. Le départ de Dominique Arribagé, enfant du cœur et entraineur en place est souhaité. Le 27 février, les Violets reçoivent le Stade Rennais au Stadium. Le match est accroché. Les deux clubs se rendent coup pour coup. Mais une nouvelle fois, dans les derniers instants, les Toulousains craquent. Après une récupération haute, le jeune prodige Ousmane Dembélé trompe Alban Lafont d’une frappe enveloppée du gauche. Score final 2-1.
Cette fois-ci, c’est la défaite de trop. Après la vingt-huitième journée, les Pitchouns pointent désormais à la dix-neuvième place du classement, à dix points du Stade de Reims, premier non relégable. En conférence de presse, Olivier Sadran, président du club annonce la démission de Dominique Arribagé. « C’est une démission décidée en pleine concertation, il n’y a pas de plan B pour l’instant », ajoute-t-il.
Trois jours plus tard, c’est finalement Pascal Dupraz qui est nommé à la tête de l’équipe pour tenter l’impossible : maintenir le Téfécé. Habitué à jouer les pompiers de service, le coach français a les épaules pour relever ce défi. Quelques années auparavant, il avait déjà réussi à maintenir Évian Thonon Gaillard au bout du suspense. Et cela grâce à une victoire trois à zéro lors de la dernière journée obtenue face à son grand rival, Hervé Renard.
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Les débuts de Pascal Dupraz retardés
Dès les premiers entraînements, les intentions de Pascal Dupraz sont claires. Il souhaite redonner confiance à son équipe. Le Haut-Savoyard n’hésite pas à donner de la voix pour cela. Son objectif : former un groupe soudé et convaincu par l’idée que le maintien est réalisable.
Mais, rapidement, les Violets déchantent. À la veille de disputer son premier match avec le Téféce, Pascal Dupraz fait un malaise lors de l’entraînement collectif. L’entraîneur est alors transporté à l’hôpital. C’est de là-bas, à la télévision, qu’il suivra sa nouvelle équipe se déplacer au Vélodrome. Son adjoint, Mickaël Debève le remplace alors. Avant le match, le convalescent tient tout de même à s’adresser à son groupe. Et contre toute attente, ce malheureux évènement va finalement se transformer en élément déclencheur de la saison toulousaine. Un groupe uni se créé ce jour-là.
Face à l’Olympique de Marseille, les Toulousains ne se battent pas seulement pour les trois points, mais également pour leur coach. Et cela se voit directement sur le terrain. En effet, les joueurs n’ont plus les mêmes expressions que les semaines précédentes. Ils semblent avoir retrouver le moral. Peu avant l’heure de jeu, Wissam Ben Yedder parvient même à ouvrir le score. Et même si Marseille égalise vingt minutes plus tard, le Téfécé rapporte un bon point du Vélodrome. De quoi laisser présager un avenir meilleur…
Pascal Dupraz de retour, le Téfécé aussi
Après le bon point du nul obtenu au Vélodrome, Toulouse accueille les Girondins de Bordeaux. Pascal Dupraz est de retour pour l’occasion. L’ambiance est à la fête au Stadium. Pour sa véritable première sur le banc, l’entraîneur français voit son équipe s’imposer quatre à zéro. La plus large victoire de la saison toulousaine, qui vient ainsi récompenser deux semaines de travail acharnées. Les Pitchouns sont de retour dans la course au maintien. D’autant plus que les concurrents directs peinent à avancer de leurs côtés.
Malgré une domination des Violets, le Toulouse Football Club chute ensuite à Lille, candidat à l’Europe. Les hommes de Pascal Dupraz réagissent immédiatement derrière en remportant leur confrontation contre le Stade Malherbe de Caen. À domicile, grâce à un nouveau doublé de Wissam Ben Yedder, les Violets gagnent une nouvelle fois sur le score de quatre à zéro. Cette fois-ci face à Bastia. Les Toulousains ne sont plus très loin de sortir de la zone rouge, mais s’en suit alors une série de trois matchs sans victoires. Un nul à Lorient, une défaite cruelle trois à deux contre l’Olympique Lyonnais et un zéro à zéro à Geoffroy Guichard, le Téfécé piétine. Heureusement, le Stade de Reims et le Gazélec Ajaccio font de même, si ce n’est pire.
Une fin de championnat à suspense
À deux journées de la fin du championnat, Toulouse se retrouve ainsi à trois points du premier non-relégable. Une chose inespérée il y a quelques mois par les supporters du club de la Ville Rose lors de la démission de Dominique Arribagé. D’autant plus que le calendrier joue en leur faveur. Pour le compte de la trente-septième journée, les Toulousains affrontent Troyes, bon dernier du championnat, alors que les Rémois se déplaceront au Vélodrome et que le Gazélec Ajaccio accueillera le Paris Saint Germain.
Devant près de trente mille spectateurs, le Téfécé peine à exprimer son football. Les Toulousains se frustrent. Heureusement pour eux, à la cinquante-troisième minute, la lumière vient d’Oscar Trejo. Bien servi en retrait par Adrien Regattin, le meneur de jeu argentin élimine le défenseur troyen d’un crochet court, puis déclenche une frappe décroisée. Matthieu Dreyer est battu. Le score est porté à un – zéro et ne bougera plus jusqu’à la fin du match.
Sans surprise, le Stade de Reims et le Gazélec Ajaccio s’inclinent quant à eux. Il ne reste plus qu’une seule journée à jouer et pour la première fois depuis la dixième journée, Toulouse n’est plus relégable. Les hommes de Pascal Dupraz comptent ainsi trente-sept points, soit autant que le Stade de Reims, et un de plus que le Gazélec Ajaccio. Une seule de ses trois équipes ne sera pas sauvée. La dernière journée s’annonce tendue.
Pascal Dupraz, un discours émouvant
La semaine s’annonce décisive. Les joueurs l’ont bien compris et apparaissent concentrés. Les supporters sont également présents pour soutenir leur équipe. À quelques heures du match, Pascal Dupraz motive ses joueurs à travers une causerie, désormais iconique :
« Pour réussir ce soir (…), il faut vraiment que vous soyez animés d’autres choses que vos qualités humaines. Un supplément d’âme. Encore une fois je vais me foutre à poil devant vous. Je vais vous dire ce que peu de coachs vous disent mais je m’en fous. (…) Je vous aime, vous comprenez ? Je vous aime. Je vous aime parce que vous êtes des dignes représentants d’un sport, d’une corporation. Ce que vous faîtes, ce que vous accomplissez, c’est juste gigantesque. Vous méritez de vous maintenir. Vous méritez de vous maintenir. Ça fait deux mois et demi que je vous dis que vous allez vous maintenir. Le problème c’est pas tant de savoir si je vais passer pour un con, c’est de savoir si vous avez la capacité intellectuelle, physique, technique de le faire. C’est maintenant qu’il faut le faire, c’est pas demain, c’était pas hier, c’est maintenant. Y’a plus qu’à manger, le couvert est dressé. (…) Et ce qu’il y a de bien, je m’en suis rendu compte, c’est que je suis pas le seul à vous aimer. Avec pudeur, ils (les membres du staff) n’osent pas vous le dire, ils vous aiment. Les supporters ils vous l’ont montré, qui aime bien châtie bien. Ils vous ont un peu châtié mais depuis quelques temps ils vous montrent qu’ils vous aiment. Allez d’accord c’est pas le plus important, maintenant le plus important c’est ce qu’on va voir ensemble. Parce que là pour sûr, ce que l’on voit c’est incontestable, ce qu’on va voir c’est des gens qui vous aiment. Ce qu’on va voir c’est des gens qui attendent ce soir de vous retrouver, ou demain matin parce que certains d’entre eux sont trop jeunes et seront au lit quand vous rentrerez ce soir. Ils attendent de vous serrer dans les bras. On regarde les images avec pudeur, avec conviction, et si l’un d’entre vous sort de cette salle après avoir vu ces images et dit qu’il n’est pas convaincu qu’on va les torcher pour rester en Ligue 1, que personne d’entre vous va allumer son téléphone à la mi-temps parce qu’on a pas fait un aveux de faiblesse. On a besoin que de nous pour se maintenir. Ouvrez les yeux, ouvrez les oreilles, c’est juste beau, c’est juste votre vie ! »
S’en suit alors une série de vidéos d’encouragements réalisées par les proches des joueurs. Très touchés, certains ont les larmes aux yeux. Désormais c’est certain, le Téfécé ne passera pas à côté de son match ce soir.
Des rencontres à forts enjeux
Pour la dernière journée, le Téfécé se déplace à Angers. Les Violets sont alignés en 4-2-3-1. Devant Alban Lafont, la charnière Tisserand – Diop est alignée. Yago occupe le côté droit de la défense, tandis que Moubandjo est préféré à gauche. Somalia et Kana-Biyik forment la paire au milieu de terrain. Un peu plus haut sur le terrain, Étienne Didot est choisi au profit d’Oscar Trejo. Devant, Pascal Dupraz fait confiance à ses hommes en forme, Adrien Regattin, le capitaine Martin Braithwaite et Wissam Ben Yedder.
Sur son banc, coach Dupraz semble déterminé. Sur ses épaules, il porte son pull fétiche, « le dernier vêtement que (son) père a acheté avec (lui) ».
Le Stade de Reims reçoit quant à lui l’Olympique Lyonnais qui a assuré sa deuxième place la semaine précédente grâce à sa belle victoire 6-1 contre l’AS Monaco. Les joueurs du Gazélec, eux, se déplacent à Lorient pour tenter de se sauver.
La course au maintien est lancée
Si les Toulousains sont persuadés que leur équipe va se sauver, tout ne démarre pas comme prévu. Dès la douzième minute, les Violets concèdent l’ouverture du score. Un but très dommageable, d’autant plus que deux minutes après, le score évolue en Champagne-Ardenne. Aissa Mandi ouvre le score face à l’Olympique Lyonnais et permet ainsi au Stade de Reims de sortir de la zone rouge au détriment du Téfécé. De son côté, le Gazélec est aussi en difficulté et ne profite pas de la brèche laissée entrouverte par le Toulouse Football Club. Les Corses se retrouvent même menés par Lorient à la vingt-septième minute suite à un but de Benjamin Moukandjo.
Les Violets ne le savent pas, mais ils sont alors virtuellement relégués. Malgré le but encaissé, ils retournent directement à l’attaque. Ils tombent alors face à un gardien angevin en grande forme. Miraculeusement, les joueurs de Dupraz obtiennent un penalty à la trente-et-unième minute. C’est le capitaine Braithwaite qui prend ses responsabilités. Une très lourde charge, il pourrait relancer Toulouse dans sa quête vers le maintien. Le coup de sifflet est donné, l’attaquant danois s’élance mais loupe complétement le cadre. Les joueurs Toulousains sont abattus, et le score reste à 1-0 jusqu’à la mi-temps.
Le Stade de Reims double la mise à la trente-quatrième minute et rentre à la pause avec deux longueurs d’avance. Ce sont désormais eux les favoris pour le maintien.
Un nouveau discours poignant de Pascal Dupraz
À la mi-temps, les Toulousains sont déçus, la tête baissée. Le capitaine prend ses responsabilités et s’excuse auprès de ses coéquipiers pour son penalty manqué. Mais rien n’y fait, les joueurs de Pascal Dupraz n’y croient plus. Il faut alors attendre un nouveau discours poignant du coach français pour remotiver ses troupes.
« On va sauver la mise de notre capitaine parce qu’il a eu le courage de dire que c’est de sa faute, c’est pas de ta faute. Grâce à toi, on va se maintenir parce que ça va tous nous galvaniser jusqu’à la fin. Qui parie avec moi qu’on se retrouve dans quarante-sept minutes ici et on fait une liesse, qui veut bien parier ? Y’a un mec qui doute ? C’est la première fois que vous êtes menés au score d’une mi-temps d’un match professionnel ? Vous êtes jamais revenu au score ? »
Désormais déterminés, les joueurs du Téfécé sont prêts à reprendre le chemin de leur destinée, en obtenant la victoire et le maintien.
Un espoir de courte durée
Galvanisés, les Occitans retournent à l’attaque dès le début de la seconde mi-temps. Mais impossible, Alexandre Letellier est infranchissable. Jusqu’à la cinquante-neuvième minute, où après un mauvais alignement de la défense angevine, Wissam Ben Yedder est lancé en profondeur. Seul, il a tout le temps pour ajuster le gardien d’un plat du pied au sol. L’attaquant français ne se manque pas. Cela fait désormais un but partout et la course au maintien se voit ainsi relancée. Mais une fois de plus, la joie des Toulousains est de courte durée. Même pas cinq minutes après l’égalisation, sur un de ses premiers ballons, Saïd Benrahma, le jeune ailier angevin rentre sur son pied gauche et envoie une frappe puissante. Alban Lafont est battu, le Téfécé se retrouve à nouveau mené et doit refaire encore une fois son retard.
Pendant ce temps, à Auguste-Delaune, le festival Champenois continue. Grâce à des réalisations de Turan et Kyei, puis une réduction du score de Maxwell Cornet, le Stade de Reims mène désormais quatre à un, face à des Lyonnais qui semblent déjà en vacances. Le Gazélec Ajaccio est quant à lui toujours tenu en échec un à zéro au stade du Moustoir.
Une intuition de Pascal Dupraz et de la folie
Face au nouveau but angevin, Pascal Dupraz réagit. Il a comme une intuition. Il appelle son adjoint pour le lui faire savoir. « Je sais pas pourquoi, je réfléchis a Bodiger, avec son pied gauche. Je sais pas pourquoi mais j’ai ça dans la tête », lui dit-il.
On joue la soixante-sixième minute, et le milieu français s’apprête alors à rentrer. Son coach lui adresse ses derniers mots : « Yann, c’est pas pour du jeu, c’est avec ta patte gauche, tu dois m’amener, ok ! Pas perdre le ballon, à la place de Didot, faut courir, faut récupérer des ballons et après… C’est avec ta patte gauche, je sais pas pourquoi, j’ai l’impression que c’est toi qui peux ce soir. »
Le changement paye rapidement ses fruits puisqu’un peu plus de dix minutes plus tard, à la soixante-dix-huitième minute, le Téfécé revient une seconde fois au score. Sur un centre des Violets, Martin Braithwaite parvient à pousser le ballon au fond des filets avec de la réussite. Le capitaine se rachète et tous les Toulousains retrouvent espoir. L’attaquant s’empresse de récupérer le ballon dans les buts pour repartir à l’attaque. Le maintien est de nouveau à portée de mains.
Deux minutes après l’égalisation toulousaine, les joueurs de Pascal Dupraz obtiennent un coup franc excentré, sur la ligne de la surface de réparation. C’est Yann Bodiger qui s’en charge. Alors que tout le monde s’attend à un centre rentrant, le milieu Toulousain envoie une superbe frappe enroulée qui se dirige vers la lucarne. Surpris, le gardien angevin est battu. Aussi fou que cela puisse paraître, l’intuition de Pascal Dupraz était juste, la solution vient de Bodiger ce soir.
Les Toulousains se précipitent directement vers leur coéquipier pour le féliciter. Grâce à celui-ci, ils sont de nouveau maintenus dans l’élite. Certains joueurs du banc de touche rentrent même sur le terrain. Pascal Dupraz exulte lui aussi, avant de rapidement retourner à la raison en tentant de calmer ses joueurs. Expérimenté, il le sait, ce match n’est pas encore terminé.
Une délivrance finale
Pendant dix minutes, les Pitchouns contrôlent le ballon jusqu’au coup de sifflet final. Ce dernier marque ainsi la fin de la quête du maintien. En dix journées, Pascal Dupraz aura lui, réussi sa mission en renversant la tendance. Le Toulouse Football Club reste en Ligue 1. C’est la folie dans le stade où joueurs, staff et supporters s’empressent de fêter la victoire tous ensemble. Dans les rues de la ville rose, les supporters n’ayant pas pu faire le déplacement célèbrent et chantent eux aussi, à la gloire de leur nouveau héros – Pascal Dupraz.
De l’autre côté, malgré sa belle victoire contre l’Olympique Lyonnais, le Stade de Reims est relégué. Le club champenois termine dix-huitième du championnat, à un point du Téfécé, premier non relégable. Le Gazelec Ajaccio et Troyes l’accompagnent également en Ligue 2.
Des péripéties, un fort suspense et un final renversant, le maintien du Toulouse Football Club a tout d’un bon thriller. Si Pascal Dupraz ne remporte pas d’Oscar après ce match, il a au moins le mérite de rentrer dans l’Histoire avec le Téfécé en signant l’un des plus beaux exploits du sport français.
Sources :
- Yann Bouchery,« Dominique Arribagé jette l’éponge après une nouvelle défaite de Toulouse », RTL, février 2016.
- CANAL+ Sport, «Toulouse : les coulisses de l’exploit (2016) », YouTube.
- Clément, « Toulouse FC : Retour sur le maintien historique en 2015/2016 », Foot sur 7, mai 2020.
- MrXaxa41, « Toulouse, le MAINTIEN historique en direct ! (Multiplex) », YouTube.
- Ouest France, « Ligue 1. Le pull en laine, nouvel atout pour obtenir le maintien », avril 2016.
- VALCOM, « ANGERS 2-3 TFC – Au Fil du Maintien », YouTube.
Crédits photos : Icon Sport