Si le total famélique de deux Coupes d’Europe remportées par des clubs français est souvent mis en avant pour dénoncer – et certainement à juste titre – la faiblesse du football de club français, il est plus rare d’évoquer le total des finales européennes auxquelles ont pris part nos clubs nationaux. Pourtant, il y en a eu quatorze.
Sept clubs français se sont hissés au plus haut niveau européen, dans trois compétitions différentes : la C1 (Coupe d’Europe des Clubs Champions, devenue Ligue des Champions), la C2 (Coupe des Coupes, disparue) et la C3 (Coupe de l’UEFA, devenue Ligue Europa).
Si certains soutiennent que seule la victoire est belle et que les nombreuses finales perdues ne méritent pas d’être retenues, on peut également avancer que le statut de finaliste n’est pas négligeable. Il peut refléter une certaine place d’un club dans la hiérarchie continentale, il peut aussi être le résultat d’une fabuleuse épopée. Ceux qui soutiennent que le chemin est plus important que la destination, seront certainement d’accord pour considérer à leur juste valeur les différents parcours européens des clubs français au cours des sept dernières décennies. Se replonger dans ces parcours, c’est également un beau prétexte pour se replonger à des époques différentes, se remémorer des clubs qui ont depuis lors changer de standing. On pense bien sûr au Stade de Reims, premier club français finaliste d’une Coupe d’Europe, deux fois défait en finale de la C1 par le Real Madrid. On peut également penser au SC Bastia, autrefois finaliste européen, récemment rétrogradé au niveau amateur et dont les histoires seront comptées. La France a hissé des clubs en finale de Coupe d’Europe dans les années 1950, 70, 80, 90, 2000 et 2010. Au cours de la décennie 1990, quatre clubs français ont joué sept finales dans trois coupes différentes et en ont remporté deux, faisant de cette décennie, la plus faste pour le football français de clubs.
Ce sont des journalistes français, travaillant pour le journal L’Equipe, qui sont à l’origine de la première Coupe des clubs champions européens, ancêtre de l’actuelle Ligue des Champions, réformée au début des années 1990. Logiquement, la finale doit avoir lieu à Paris, au Parc des Princes. Seize équipes sont invitées pour cette première édition, représentant chacun un pays. Tous ne sont cependant pas champion national en titre comme ce sera le cas plus tard. Les deux finalistes de la compétition le sont néanmoins. Le Real Madrid a remporté en 1955 son quatrième titre de champion d’Espagne. Le Stade de Reims, son troisième titre de champion de France.
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Fondé en 1931, le club champenois est alors entraîné depuis cinq ans par un ancien joueur d’une trentaine d’années, Albert Batteux. Ce personnage importantissime et promis à une fructueuse carrière, accompagne les plus belles années du Stade de Reims. Champion pour la première fois en 1949, alors que Batteux est encore joueur, le club prend une toute autre envergure à partir de sa promotion. En 1955, Reims est le premier club à devenir triple champion de France ; s’ajoute également une Coupe de France en 1950. De plus, Reims est déjà présent sur la scène européenne dès avant la création de la C1, puisque le club prend part avec succès à l’éphémère Coupe Latine (regroupant des clubs français, italiens, espagnols et portugais). Reims remporte sa première finale européenne à Lisbonne face au Milan AC en 1953. Deux ans plus tard, le club s’incline en finale, au Parc des Princes, contre le Real Madrid…
À noter que trois autres clubs français ont joué des finales de Coupe Latine, Bordeaux, Nice et Lille, compétition qui exista de 1949 à 1957.
En 1956, la première finale de la Coupe des clubs champions européens met donc aux prises les finalistes de la dernière édition de la Coupe Latine. Les affiches des huitièmes de finale ne sont pas tirées au sort mais décidées par les organisateurs, afin que deux clubs prestigieux ne se rencontrent trop tôt. Sur la route des Rémois, l’AGF Arhus, un club danois, le MTK Budapest et en demies, les Écossais d’Hibernian. Pas de score fleuve, mais les finalistes de la dernière Coupe Latine se hissent tranquillement en finale, portés notamment par Léon Glovacki, auteur de six buts. Celui-ci partage l’attaque avec le fantastique Raymond Kopa et le prolifique René Bliard, auteur de 30 buts en championnat la saison précédente.
Le scénario de cette première finale est bien connu et ô combien regrettable. En effet, au bout de 10 minutes les locaux mènent 2 à 0. Puis, à la quatorzième minute, Alfredo Di Stefano réduit le score avant que son compatriote Rial ne permette aux Madrilènes de revenir. Malgré ce coup dur, les Champenois repartent à l’assaut et Michel Hidalgo marque le troisième but. Marquitos, puis à nouveau Rial enterrent les espoirs des Français. 4-3 score final. Reims est passé très proche de remporter cette toute nouvelle compétition dont on ne pouvait deviner la place qu’elle prendrait par la suite. À l’issu de la saison, Raymond Kopa, le prodige du club, s’envole pour Madrid.
Néanmoins, ce n’est pas un coup d’arrêt pour Reims qui continue de dominer la scène nationale. Concentré sur la coupe d’Europe en 1956, le club avait finit loin en championnat. Dès la saison suivante il retrouve le podium. Puis, en 1958, le premier doublé de l’histoire du club permet aux finalistes 1956 de retrouver la Coupe d’Europe. Entre temps, un nouveau prodige a émergé sous les ordres d’Albert Batteux : un certain Just Fontaine. En 1956-1957, il inscrit 34 buts en championnat, c’est le nouveau leader de l’attaque champenoise.
Les Rémois doivent passer par un tour préliminaire où ils se défont facilement des Nord-Irlandais d’Ards. Ils écrasent ensuite Helsinki avant de se frotter aux Belges du Standard. Défaits au match aller, il faut un grand match retour pour renverser la situation. Même situation en demies où les Young Boys subissent la loi des Rémois au stade Auguste Delaune au retour. Les joueurs d’Albert Batteux s’apprêtent alors à jouer leur quatrième finale de coupe d’Europe en sept ans (en comptant la Coupe Latine), ce qui prouve bien le statut élevé acquis sous les ordres du coach aux neuf titres de champion de France.
Comme en 1955 et 1956, les Rouge et Blanc retrouvent les Blancs du Real, triple tenants du titre. Avec Kopa associé à Di Stefano, les Français ne peuvent cette fois-ci rien face au club Castillan. Mateos dès la 2ème minute puis Di Stefano sont les deux buteurs du match devant la foule nombreuse du Neckarstadion de Stuttgart. Même s’il est resté muet durant cette finale, le phénomène Just Fontaine termine meilleur buteur avec 10 réalisations au cours de cette campagne.
À nouveau champion en 1960 et 1962, le Stade ne retrouve plus les sommets européens échouant au premier tour puis en quart de finale. Le club a néanmoins marqué de son emprunte l’histoire des débuts de la C1 en tant qu’équipe majeure des années 1950. Passé proche du tout premier sacre en 1956, le suspens fut moindre trois ans plus tard. Le Real s’affirme, remportant les cinq premières éditions ainsi que deux Coupes Latines.
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