Après un apprentissage remarqué du côté de Mayence, Jürgen Klopp débarque en 2008 dans la Ruhr avec une petite notoriété nationale et beaucoup d’ambitions. Si ses débuts avec le Borussia Dortmund sont plutôt encourageants, c’est à partir de la saison 2010-2011 qu’il se révèle être un très bon entraîneur en remportant la Bundesliga devant l’immense Bayern Munich. La saison suivante est également auréolée d’un titre national, ainsi que d’une coupe d’Allemagne. Un joli palmarès pour le deuxième grand club du pays mais qui n’ira pas au-delà des émotions vécues au début de la dernière décennie. Une saison inoubliable pour le Mur jaune.
LIRE AUSSI – Jürgen Klopp, le long chemin vers la gloire
En sept saisons du côté du Westfalenstadion, Jürgen Klopp a battu de nombreux records tout en marquant les esprits. La saison 2011-2012 semble la plus marquante de son passage au BVB notamment grâce à une mainmise rarement vue dans le jeu. Une symphonie collective qui est, pour certains, plus appréciée que la machine à gagner qu’il a fabriquée à Liverpool. A l’aube du nouvel exercice, les experts sont formels : Dortmund remettra les pieds sur terre et le Bayern remontera sur le trône allemand. Le titre acquis l’année précédente est bien beau mais ne correspondrait qu’à une parenthèse enchantée au coeur de la domination bavaroise. Ces spécialistes sont d’ailleurs confortés dans leur idée après la défaite en Supercoupe d’Allemagne face à Schalke et à la phase de poule de Ligue des Champions très laborieuse.
On prend les mêmes et on recommence
L’année du premier championnat gagné sous le mandat Jürgen Klopp, aucun joueur ne sort véritablement du collectif ultra huilé. Le meilleur buteur du championnat joue au Bayern en la personne de Mario Gomez, le meilleur passeur à Kaiserlautern, Christian Tiffert. Cette saison-là, les statisticiens jaunes évoluent dans des sphères bien lointaines de ces deux joueurs puisque Lucas Barrios termine premier buteur du club avec seize réalisations, douze de moins que l’avant-centre allemand, tandis que Mario Götze, meilleur passeur du BVB, a servi onze caviars, six de moins que le joueur relativement anonyme du FCK. L’équipe type de Bundesliga compte pourtant cinq joueurs de Dortmund : Mats Hummels, Marcel Schmelzer, Nuri Sahin, Shinji Kagawa et Kevin Grosskreutz.
Les trois premiers appartiennent au secteur défensif de l’équipe. Symbole d’une résistance à toute épreuve. Le Borussia Dortmund n’encaisse, en 2010-2011, que 22 buts ! Pour placer le curseur, cela représente 17 de moins que Mayence, deuxième meilleure défense du championnat. L’armada offensive des Jaune et Noir est également impressionnante avec 67 buts marqués pour remporter haut la main le titre pour la première fois depuis 2002. Suite à cette saison historique, le plus dur allait être d’élever de nouveau le curseur pour enchaîner.
Pour cela, les dirigeants du BVB souhaitaient absolument garder la colonne vertébrale de l’équipe parmi lesquels Roman Weidenfeller, Mats Hummels, Shinji Kagawa, Mario Gotze. Malgré ses 33 matchs la saison dernière, Robert Lewandowki n’avait pas été le facteur X dans le titre avec « seulement » 8 buts. En 2011-2012, celui qui évolue désormais au FC Barcelone s’émancipe et participe cette fois-ci pleinement à l’excellente saison de son club. Il s’affirme et plante 22 fois en championnat, 30 toutes compétitions confondues. En plus des visages déjà connus par les supporters de Dortmund, deux nouvelles recrues de taille arrivent dans l’intersaison, Ivan Perisic et Ilkay Gündogan. Alors très méconnus, ces deux-là vont apporter un véritable plus dans la partie de terrain adverse.
Jürgen Klopp, visage symbolique
Un effectif de qualité certes, mais véritablement magnifié par le sens tactique de l’entraîneur. Dortmund devient peu à peu l’une des attractions européennes. Le jeu est vertical, constamment porté vers le but adverse tandis que l’adversaire n’arrive que rarement à se sortir de la pression. Face à un mur jaune aussi bruyant qu’impressionnant, les hommes de Jürgen Klopp sont boostés chaque week-end pour engranger les points décisifs. Le style affiché par le Borussia est l’un des plus reconnaissables d’Europe.
En quelques années, le technicien a réveillé un géant endormi et l’a replacé à sa place initiale en cumulant les titres et les records. Lorsqu’il arrive, en 2008, en provenance de Mayence, le grand public germanique s’interroge. Assez méconnu, il s’apparente davantage à un tacticien marginal aux cheveux gras. Sept ans plus tard, il rejoint Liverpool avec une étiquette bien plus méliorative le plaçant parmi les meilleurs entraîneurs du monde. S’il est toujours dans cette caste après ces années au plus haut-niveau avec les Reds, c’est en partie car il a su faire ses gammes au pays.
Bercé par le théoricien allemand, Ralf Rangnick, inventeur entre autres du Gegenpressing. Le mot un peu barbare à l’époque fait désormais partie du vocabulaire tactique usuel. En version française, nous pourrions le traduire par contre-pressing soit la volonté de récupérer le ballon juste après l’avoir perdu. Jürgen Klopp l’évoque justement : « Le meilleur moment pour récupérer le ballon, c’est juste après l’avoir perdu ». Cela permet de ne pas se trouver déséquilibré en phase de transition défensive. Grâce à un bloc organisé, les contre-attaques sont évitées et Dortmund pose le pied directement sur le ballon grâce à cette pression asphyxiante.
LIRE AUSSI – Ralf Rangnick, des idées et des actes
Une domination de tous les instants
L’intensité maximale sans ballon n’influe pas sur le rythme explosif des phases de possession des Jaune et Noir. Malgré tout, le titre de la saison 2010-2011 est difficile à digérer pour le Borussia Dortmund. Pour la reprise en juillet, le réveil est alarmant avec une défaite face au rival, le FC Schalke 04, en finale de Supercoupe d’Allemagne. La recrue Ivan Perisic commence d’ailleurs de la plus mauvaise des manières en loupant le tir au but décisif. Les semaines suivantes ne sont guère plus radieuses en championnat. Sur les six premières journées, les hommes de Jürgen Klopp essuient trois défaites contre Hoffenheim, le Hertha Berlin et Hanovre pour plafonner à une triste onzième place.
La déconvenue à Hanovre sert d’électrochoc au groupe puisqu’il ne perdra ensuite plus une seule rencontre de Bundesliga ! Tout le monde y passe mais personne n’arrive à trouver la solution pour stopper la machine borussen qui s’apparente davantage à un rouleau compresseur. Après en avoir collé quatre à Augsbourg, cinq à Cologne et Wolfsburg, le champion en titre s’apprête à vivre une première série de test en affrontant consécutivement le Bayern Munich, premier, Schalke, quatrième, et Gladbach, deuxième. Résultat : quatre buts marqués, un seul encaissé, pour deux victoires lors des deux premières rencontres et un nul dans le dernier.
Ce match face au Borussia Mönchengladbach permet au Bayern de récupérer la tête du classement. Un trône qu’ils vont conserver jusqu’à la vingtième journée. Alors que les Bavarois s’enlisent en concédant le nul contre Hambourg, Dortmund continue d’engranger les points avec de nouvelles fessées assenées aux différents adversaires. A partir de la victoire à Nuremberg, Sebastian Kehl et ses partenaires s’emparent de la première place de Bundesliga et ne la lâcheront plus de la saison.
Ainsi, ils terminent la saison avec 81 points qui constituent alors un record national. Ils mettent également le géant du Bayern Munich huit longueurs derrière. Les festivals sont moins nombreux en deuxième partie de saison – notez tout de même le 2-5 à Kaiserslautern et le 4-0 contre Fribourg lors des deux dernières journées – mais l’essentiel est ailleurs puisque le titre reste dans la Ruhr. Pour cela, le Borussia Dortmund termine en ayant marqué 80 fois et en n’ayant encaissé que 25 buts pour terminer meilleure attaque et deuxième défense du championnat. Symbole, d’une équipe plus que complète régnant à juste titre sur la scène nationale.
Dortmund-Bayern, confrontation à sens unique
En deux saisons, Jürgen Klopp et ses joueurs remportent deux fois la Bundesliga mais ajoutent également la Coupe d’Allemagne à leur palmarès. Durant l’exercice 2011-2012, les Jaune et Noir sortent derniers de leur groupe de Ligue des Champions, composé notamment de l’Olympique de Marseille et d’Arsenal, mais se montrent irréprochables à l’intérieur de leurs frontières. Après un parcours relativement maîtrisé face à des adversaires à leur portée, ils se retrouvent en finale face au Bayern Munich. Dauphin en championnat, le club entraîné par Jupp Heynckes à cœur de faire tomber le rival mais va vite déchanter.
La finale de la DFB Pokal 2012 résume parfaitement le mandat de Jürgen Klopp à la tête du Borussia Dortmund. Si nous ne devions retenir qu’une seule rencontre de la saison 2011-2012 du club ce serait donc la dernière. Les joueurs ont effectivement attendu le bouquet final pour émerveiller leur entraîneur. Le 12 mai, ce sont de multiples éclairs jaunes et noirs qui viennent de tous les côtés, s’abattent sur le Stade Olympique de Berlin et font exploser le Bayern Munich. Les Bavarois se retrouvent impuissant face aux assauts adverses et s’inclinent sur le score cinglant de cinq buts à deux. Lors de cette confrontation à sens unique, Robert Lewandowski inscrit un triplé en étant accompagné par Shinji Kagawa et Mats Hummels.
Aujourd’hui, regarder un match du Liverpool de Jürgen Klopp s’apparente à observer les mêmes préceptes que lors de ses années allemandes, à Mayence et Dortmund. Dire qu’il n’a pas évolué en s’adaptant aux spécificités du football anglais serait évidemment faux mais son modèle est connu et il possède une entière confiance en celui-ci pour ne pas changer de chemin. Avec ballon, le style est plutôt simple et s’accommode à l’identité germanique en mettant beaucoup de dynamisme grâce à de nombreuses transitions offensives. La possession de Dortmund était moins dominante que celle de Liverpool actuellement avec « seulement » 55 % de moyenne. Le front offensif profitait pleinement de cette recherche constante de la profondeur mais était surtout sublimé par le tempo imposé par le chef d’orchestre Ilkay Gündogan. Si le jeu au pied du gardien Roman Weidenfeller pouvait être un point faible, il était magnifiquement compensé par la qualité du jeu court ou long de son central Mats Hummels.
Le football heavy metal de Jürgen Klopp a impressionné l’Allemagne avant de conquérir l’Europe dans les années suivantes. Le Borussia Dortmund version 2011-2012 est l’une des équipes ayant le plus marqué les amateurs de football lors de la dernière décennie. Disciple revendiquée de Ralf Rangnick, il impose une intensité parfois étouffante et met en place une forme presque parfaite du Gegenpressing. Alors que le Barça de Pep Guardiola sévit à coups de phase de possession, le Borussia Dortmund ne pose pas le pied sur le ballon après la récupération rapide mais préfère planter une nouvelle banderille dans le dos de son adversaire.
Sources :
- Julien Momont, « La lente et passionnante maturation tactique de Jürgen Klopp », RMC Sport
- Vincent Duchesne, « Klopp et le Bayern, une longue et douloureuse histoire », Le Figaro
Crédit photos : Icon Sport