30 juillet 1930 à Montevideo, en Uruguay. L’arbitre belge M. Langenus siffle la fin de la finale de la première Coupe du Monde de l’histoire. Sur ses terres et dans une ambiance indescriptible, l’Uruguay vient de battre l’Argentine 4 buts à 2. La Céleste remporte ainsi le tout premier titre de champion du monde de l’histoire. Cependant, avant de devenir l’un des évènements sportifs les plus populaires de la planète, l’organisation de cette première édition est le fruit d’un combat de plusieurs années. Son déroulement, le reflet d’une époque révolue dans laquelle le football, encore à ses balbutiements, ressemble peu à ce qu’il est aujourd’hui.
LIRE AUSSI : Le premier âge d’or de la Céleste
Aux origines de la création de l’épreuve reine du football mondial
Organisée tous les quatre ans par la FIFA, la Coupe du Monde de football va de soi pour tous les amoureux du ballon rond. Et pourtant ! Au début du XXe siècle, la création de cette compétition n’est en rien acquise ni évidente. En effet, les Jeux Olympiques sont alors, pour beaucoup d’observateurs et de dirigeants de l’époque, la compétition phare qui permet de déterminer quelle est la meilleure équipe du monde. En 1924 à Paris puis en 1928 à Amsterdam, l’Uruguay, surnommée la Céleste du fait de son maillot bleu couleur ciel, a par deux fois remporté le trophée.
Mais le principe des Jeux Olympiques voulait que seuls les amateurs pouvaient participer. Or, à la fin des années 1920, plusieurs grandes nations du football européen ont déjà basculé dans le professionnalisme. C’est le cas de l’Angleterre évidemment mais aussi de l’Autriche dès 1924 ou de l’Espagne en 1926. La FIFA, créée en 1904, désire donc s’émanciper de ce cadre restreint établi pour les Jeux Olympiques afin de créer sa propre compétition, qui serait ouverte à tout membre affilié à la FIFA, amateurs et professionnels confondus.
En réalité, cette idée d’épreuve internationale est très tôt dans l’esprit de ses dirigeants. Le premier congrès de la FIFA, rassemblé à Paris en 1904, fixe ses statuts dont l’article 9 stipule que « un championnat international sera créé et seule la FIFA aura le droit de l’organiser ». Elle lance ainsi un premier projet concret dès 1905. Il meurt finalement dans l’œuf par manque de pays volontaires pour participer. Ce n’est qu’après la Première Guerre mondiale que l’idée de l’organisation de cette grande compétition refait surface. Bien aidée par un allié de poids, acquis à sa cause : le Français Jules Rimet, Président de la FIFA depuis 1921. Les Jeux Olympiques de Paris en 1924 et ses épreuves de football rassemblent de nombreuses nations mondiales et sont un grand succès populaire. Cela renforce sa conviction que la mise au point d’une épreuve internationale est possible.
Toutefois, il doit batailler et négocier avec les autres membres dirigeants de la FIFA afin de faire accepter ce grand projet international. Ce n’est qu’en 1926 qu’une commission d’étude est autorisée à être créée pour s’enquérir de la faisabilité et de la réussite d’un tel championnat. Puis, en 1928, l’idée « d’organiser en 1930 une compétition ouverte aux équipes de toutes les fédérations affiliées » à la FIFA est adoptée. Pour cela, Jules Rimet a pu compter sur le soutien de son compatriote Henri Delaunay. Ce dernier fondera en 1960 le Championnat d’Europe des Nations. Il faut toutefois attendre encore 1929, lors d’un congrès à Barcelone, pour entériner l’organisation de cette épreuve en 1930, nommée Coupe du Monde. Il est même déjà prévu à ce moment que la compétition ait lieu tous les quatre ans.
Alors, pourquoi l’Uruguay comme première terre d’accueil ? Ils sont en réalité cinq autres candidats à la base, tous européens : la Hongrie, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas et la Suède. Mais l’organisateur se doit d’assurer les frais de tous les participants sur place. À cette époque où le football est une activité bien moins lucrative qu’aujourd’hui, cette charge financière est donc loin d’être anodine. De plus, en tant que double championne olympique en titre, l’Uruguay fait figure d’évidence. D’autant plus qu’en 1930, le pays fête le centenaire de son indépendance. Autant de raisons qui font que, finalement, chacune des candidatures européennes se retire, laissant à l’Uruguay l’honneur et le privilège d’accueillir cette première Coupe du Monde de l’histoire.
La première Coupe du Monde de l’histoire : une aventure française et internationale
On l’a dit, la création de cette compétition est à mettre au crédit de dirigeants français, en tête desquels Jules Rimet. La France a donc un lien particulier avec la Coupe du Monde. Et pourtant, sa participation en 1930 ne va absolument pas de soi ! En effet, pour se rendre en Uruguay, il faut réaliser une longue et coûteuse traversée de l’Océan Atlantique. Cet obstacle décourage ainsi plusieurs potentiels participants européens. En effet, depuis le Krach boursier de Wall Street en 1929, la crise économique frappe l’Europe.
De plus, le professionnalisme ne sera instauré en France qu’en 1932. Tous les joueurs français étant amateurs, ils doivent donc obtenir un congé de deux mois de la part de leur employeur pour pouvoir participer ! Certains ne pourront d’ailleurs pas partir faute d’avoir été libérés. Au milieu de tous ces doutes et difficultés, il faut finalement l’intervention de Jules Rimet pour que l’équipe de France se lance bel et bien dans l’aventure du Mondial.
Celui-ci regroupe treize équipes qui ont répondu présent. Parmi elles, il n’y a aucune formation africaine, asiatique et encore moins d’Océanie. On retrouve neuf équipes américaines et seulement quatre équipes européennes. Mais pas l’Angleterre qui, du haut de son statut « d’inventeur du football » dénigre cette nouvelle épreuve à laquelle elle refuse de participer. Aux côtés de la France partent également la Belgique, la Roumanie et la Yougoslavie.
L’aventure commence le 21 juin 1930 pour la délégation française qui rejoint Villefranche-Sur-Mer après de longues heures de train en provenance de Paris. Elle monte alors à bord du superbe paquebot le Conte-Verde, direction l’Amérique du Sud. Mais les Bleus n’y sont pas seuls. En plus des 2 000 passagers classiques, l’équipe de Roumanie a déjà embarqué la veille depuis Gênes. Une nouvelle escale le lendemain à Barcelone pour accueillir l’équipe belge, puis en route pour quinze jours de traversée à destination de l’Uruguay.
Étrange préparation où des formations opposées et concurrentes partagent le même moyen de transport ! La Yougoslavie, elle, a déjà embarqué depuis Marseille à bord du Florida. En Amérique, les États-Unis et le Mexique partagent également le même navire pour rejoindre l’Uruguay. Le Conte-Verde, après onze jours de traversée, fera même escale à Rio de Janeiro. L’équipe du Brésil y grimpe alors pour voguer vers la première Coupe du Monde de l’histoire.
En tout cas, nous sommes loin des stages de préparation que connaissent aujourd’hui les sélections nationales avant de telles compétitions. À cette époque, personne ne peut évidemment savoir à quel point la Coupe du Monde allait devenir importante. Cette épreuve n’intéresse d’ailleurs pas beaucoup les journalistes. En France, le journal L’Auto, ancêtre de l’Équipe, ne consacrera qu’une petite cinquantaine de lignes pour rendre compte de la finale entre l’Uruguay et l’Argentine. Mais ce manque de reconnaissance ne gêne en rien les sportifs-aventuriers européens. « Pour nous, se rappelait le joueur français Lucien Laurent, ce tournoi est plus l’occasion d’un grand voyage qu’un événement sportif. »
Un grand voyage dans un paquebot de 170 mètres de long pour 22 de large qui emmène vers l’Amérique de vraies personnalités de l’époque. En premier lieu, le président de la FIFA, Jules Rimet. Ce dernier garde précieusement avec lui la fameuse coupe en or conçue pour l’occasion, financée par la FIFA et créée par l’orfèvre français Abel Lafleur. Coupe que l’on nommera finalement, un peu plus tard, Coupe Jules-Rimet. Avec lui, une cantatrice d’opéra, Marthe Nespoulos, et un célèbre chanteur russe. C’est une véritable épopée que vivent alors les équipes françaises, belges et roumaines. D’ailleurs, l’ensemble des joueurs roumains ont été choisis non pas par leur sélectionneur, mais par leur tout récent roi, Carol II, passionné de football ! Anecdote amusante pour une époque à des années-lumière du football-business.
À bord, les équipes se préparent comme elles le peuvent, se croisant lors de réguliers footings sur le pont qu’elles se sont partagé en « zones d’occupation » pour leurs entraînements. Elles profitent également de la piscine ainsi que d’une salle de culture physique, sans parler des distractions « qui ne manquent pas à bord » d’après Jules Rimet.
En effet, c’est en réalité un beau voyage que réalisent les Français et les autres, dans une ambiance bon enfant. Ils ont la chance de découvrir d’autres paysages et cultures à Barcelone, Rio ou en Uruguay. En plus, à bord, ils s’amusent beaucoup en s’adonnant à de nombreux jeux. Le soir, ils ont le choix entre le bal, le cinéma ou la comédie. Une grande aventure qui, en fait, ne fait que commencer lorsque le Conte-Verde accoste le 5 juillet 1930 à Montevideo, capitale de l’Uruguay. 10 000 supporters sud-américains enthousiastes accueillent alors leurs invités. La première Coupe du Monde de l’histoire peut commencer.
L’équipe de France à jamais dans les annales de la première Coupe du Monde de l’histoire
Pour cette grande première planétaire et afin de commémorer le centenaire de son indépendance, l’Uruguay a entrepris la construction du monumental Stade du Centenario, d’une capacité de 108 000 spectateurs. Mais, lorsque la compétition débute, le 13 juillet 1930, il n’est pas encore terminé ! Voilà pourquoi le match d’ouverture se déroule dans le petit stade de Pocitos et ses 4 000 places. Il oppose l’équipe de France au Mexique.
Les Bleus ont donc l’honneur d’être, avec les Mexicains, les premiers joueurs de l’histoire à disputer un match de la Coupe du Monde. Il s’agit d’une sélection qui ne figure pas parmi les favoris pour la victoire finale mais qui possède quand même des joueurs talentueux. Parmi eux, le gardien Alex Thépot d’abord, l’arrière Étienne Mattler ou encore le demi Edmond Delfour. Son capitaine est Alexandre Villaplane qui deviendra SS pendant l’Occupation. Il sera fusillé à la Libération en 1944.
Mais de tous ces joueurs français, c’est le nom de Lucien Laurent dont on se souvient le plus aujourd’hui. Et ce, pour une bonne raison ! À la 19e minute, sur un centre de Liberati, c’est lui qui reprend victorieusement de volée et ouvre le score pour la France ! À jamais, Lucien Laurent est donc le premier buteur de l’histoire de la Coupe du Monde. Un moment à part dont il ne prendra conscience que des années plus tard.
« Après mon but, le premier du tournoi mais aussi mon premier pour l’équipe de France, on s’est mutuellement félicité mais sans se sauter dessus comme cela se fait dans le football aujourd’hui », Lucien Laurent.
Pourtant, le match a on ne peut plus mal démarré pour les Bleus. Dès la cinquième minute de jeu, Thépot, le gardien, se blesse. Ce qui ne serait aujourd’hui qu’un fait de jeu est en 1930 une véritable catastrophe car, à l’époque, les remplacements ne sont pas autorisés. C’est donc le défenseur Augustin Chantrel qui prend place dans les buts pour tout le reste de la partie. « Il fit un match fantastique et nous sidéra tous ! » déclarera ensuite Etienne Mattler. Malgré ce coup du sort, à 10 contre 11, la France passe 4 buts au Mexique et l’emporte finalement 4 buts à 1, grâce à une autre réalisation de Langiller et un doublé de Maschinot. Les Français peuvent être satisfaits en retournant se mettre au chaud dans les vestiaires à la fin de ce premier match historique. Et oui, en juillet, c’est l’hiver dans l’hémisphère sud…
La compétition s’organise avec une phase de poule dont le premier sera directement qualifié pour les demi-finales. Pour son deuxième match, les Bleus font face à l’un des favoris, vice-champion olympique en titre : l’Argentine. Malgré l’enfer qui leur est promis, les Français résistent longtemps aux virtuoses argentins. Jusqu’à la 81e minute et le but victorieux de Monti. Une prestation héroïque des Bleus surtout que, encore une fois, la malchance les a frappés. En effet, Lucien Laurent et Maschinot, blessés dès le début du match, ne jouent que sur une jambe. Pire, tandis qu’il reste six minutes à jouer, l’arbitre siffle la fin du match avant de se rendre compte de son erreur dans la confusion générale ! Alors que les Argentins et leur capitaine en tête partent dans une colère noire, l’équipe de France pousse comme jamais pour égaliser. Delfour envoie un boulet de canon sur la barre, mais rien n’y fait. L’Argentine l’emporte 1-0.
Pour leur dernier match, leur troisième en sept jours après deux semaines de traversée, les Bleus sont fatigués. Cela explique sans doute leur deuxième défaite sur le même score face au Chili (1-0). L’équipe de France est éliminée. Elle peut malgré tout être fière d’avoir dignement représenté les couleurs tricolores pour cette première Coupe du Monde de l’histoire. Les aventuriers embarquent de nouveau avant même la fin de la compétition. Ils rentrent en France après un nouveau crochet par le Brésil. Lucien Laurent totalisera 10 sélections en équipe de France entre 1930 et 1935. Il gardera toujours un souvenir ému de ce grand voyage. Il décède en 2005 à 97 ans.
L’Uruguay pour l’éternité
Finalement, le Stade du Centenario (ou Stade du Centenaire) est inauguré le 18 juillet 1930, en pleine compétition. L’Uruguay fête alors justement le centenaire de la création de sa Constitution qui a marqué son entrée dans le concert des nations indépendantes. En ce jour de fête nationale, sa sélection débute la compétition face au Pérou. Double championne olympique en titre, la Céleste est une équipe complète, talentueuse, mais quelque peu vieillissante. Elle ne bat d’ailleurs son adversaire que sur la plus petite des marges, 1-0. Le but victorieux est signé de son avant Hector Castro.
Castro, l’une des stars de l’équipe, est surnommé El Manco par les supporters, ce qui signifie « Le manchot ». En effet, il avait eu le malheur, à l’âge de 13 ans, de perdre un bras en maniant une tronçonneuse. C’est donc ce joueur manchot et pourtant pétri d’un talent fou qui met la Céleste sur de bons rails pour son entrée dans « sa » Coupe du Monde.
LIRE AUSSI : Hector Castro, le manchot divin
Les autres grandes stars de l’équipe d’Uruguay sont les quatre seuls joueurs à avoir gagné les deux titres olympiques de 1924 et 1928 et la Coupe du Monde 1930. On retrouve d’abord le capitaine et arrière, José Nastazzi. Ensuite, l’ailier Hector Scarone et l’avant José Pedro Cea, deuxième meilleur buteur du mondial 1930 avec 5 réalisations. Ce dernier ouvre son compteur lors du deuxième match contre la Roumanie. L’Uruguay l’écrase sans la moindre pitié (4-0), ce qui la qualifie pour les demi-finales.
La dernière grande étoile de cette merveilleuse équipe n’est ni plus ni moins que son leader technique incontesté : José Leandro Andrade. Ce dernier est en fait le premier joueur de couleur de l’histoire de la Céleste. Plus même. Milieu gauche de génie, surnommé « La perle noire » ou « La merveille noire », Andrade est la première star noire du football. Et à raison. Élu dixième meilleur joueur de l’histoire de la Coupe du Monde en 1994 par France Football, il a une classe folle et une élégance rare balle au pied. Dribbleur formidable, c’est aussi un passeur redoutable. Doué d’une technique parfaite, il rayonne sur le terrain. Il mourra malheureusement dans la misère et l’oubli le plus total à 56 ans.
En tout cas, l’Uruguay est en demi-finale. Parmi les autres équipes qualifiées, on retrouve l’Argentine qui, en poule, s’est défait du Mexique 6 buts à 3. Présente également dans le dernier carré, l’équipe de Yougoslavie. Celle-ci a créé la surprise en venant à bout du Brésil 2-1 avant d’atomiser la Bolivie 4-0. Enfin, par deux victoires convaincantes 3-0 face à la Belgique puis au Paraguay, c’est la surprenante sélection des États-Unis qui complète le tableau des demi-finales.
Celles-ci se transforment en véritables démonstrations. De la part de l’Argentine d’abord qui explose les États-Unis 6 buts à 1 avec un doublé de son avant Guillermo Stabile. Celui-ci finira meilleur scoreur du mondial (8 buts). Ensuite, le lendemain, c’est au tour de l’Uruguay d’affronter la Yougoslavie. 93 000 spectateurs sont acquis à sa cause. Pourtant, ce sont les Européens qui ouvrent le score dès la 4e minute ! Pas assez pour enrayer cette formidable mécanique uruguayenne qui se lance dans une déferlante offensive impressionnante. La Céleste l’emporte finalement également 6 à 1, un triplé de Cea à la clé.
La finale de cette première Coupe du Monde de l’histoire, Uruguay-Argentine, déchaîne les passions en Amérique du Sud. C’était déjà l’affiche de la finale des JO 1928. Tout le peuple argentin rêve de revanche. La rivalité entre les deux équipes est donc énorme, surtout que l’Argentine et l’Uruguay sont voisins. Pour rallier Montevideo, il suffit d’ailleurs aux Argentins de traverser le Rio de la Plata, embouchure de l’immense fleuve Paraná… Sur des embarcations de toutes sortes, 30 000 d’entre eux s’y lancent pour assister à la finale. Certains d’entre eux, perdus en plein brouillard, n’arriveront à Montevideo qu’après le match !
« Nous étions obligés de vaincre », Pedro Cea.
Le 30 juillet 1930, pour la finale, le Centenario a été limité à 90 000 spectateurs de peur des débordements. Et c’est la Céleste qui prend le meilleur départ. Dès la 12e minute, l’ailier droit Pablo Dorado, qui porte le béret (et oui, c’est autorisé à l’époque), ouvre le score. Mais les talentueux Argentins ne se laissent pas impressionner. Ils prennent aussitôt la direction des opérations avant de complètement renverser le cours du match. D’abord par une belle frappe de l’ailier droit Peucelle (20e). Puis, avec la huitième réalisation de son goleador Stabile, dont la possible position de hors-jeu au début de l’action enflamme toute l’équipe uruguayenne. Pourtant, c’est bien l’Argentine qui mène 2-1 à la pause. La Céleste, elle, peine à déployer son jeu habituel.
Ce n’est qu’à la 57e minute que la foule, dans les gradins, respire à nouveau. C’est le moment choisi par l’inévitable Cea pour égaliser à bout portant (2-2). Et le combat change d’âme. Au milieu, le génial José Leandro Andrade reprend les choses en main. Les Uruguayens accélèrent et se ruent à l’attaque face à des Argentins sonnés. Il ne faut alors que onze minutes supplémentaires pour que l’ailier gauche Iriarte ne donne l’avantage à son équipe d’un tir puissant de trente mètres en pleine lucarne. À la 89e minute, la domination uruguayenne se concrétise une ultime fois. Après deux centres successifs, c’est l’habile Castro qui devance son défenseur pour placer une tête hors de portée du gardien argentin. 4-2.
L’Argentine pleure : « Je n’ai jamais pu digérer cette finale. Nous menions 2-1 et nous étions clairement meilleurs qu’eux. J’ai toujours du mal à croire que nous avons perdu ce match » a témoigné plus tard l’Argentin Varallo. Mais c’est bien l’Uruguay, chez elle, devant un peuple aux anges, qui remporte cette première Coupe du Monde de l’histoire.
LIRE AUSSI : José Leandro Andrade, du mythe à l’oubli
Le capitaine Nasazzi peut alors recevoir, des mains de Jules Rimet, la récompense suprême. Le fameux trophée de 30 cm de hauteur et 4 kg d’or qui fera rêver des générations de footballeurs. D’abord incertaine et nécessitant de braver de multiples obstacles, cette première Coupe du Monde est finalement un beau succès populaire (513 000 spectateurs cumulés au total). Symbole d’une époque où le football ressemble peu à ce qu’il est devenu aujourd’hui, personne n’imagine alors que la compétition deviendra un tel phénomène planétaire. Première championne du monde de l’histoire avec une génération exceptionnelle de talents, l’Uruguay récidivera en 1950 au Brésil. Quant à la malheureuse Argentine, elle devra attendre d’accueillir à son tour la Coupe du Monde sur ses terres pour l’emporter enfin, en 1978.
Sources :
– Olivier Margot (sous la direction de), L’Equipe, la Coupe du Monde 1930-1970 (Livre I), édité par l’Equipe, 1997.
– Eugène Saccomano, Mémo Foot – Coupe du monde 1998, Edition°1, 1998.
– Gérard Ejnès et Pierre-Marie Descamps, 100 rois pour un siècle, Editions Solar, 1999.
– « Coupe du Monde de la FIFA, Uruguay 1930™ », FIFA.com.
– Yves Chenal, « 30 juillet 1930, l’Uruguay remporte la première Coupe du Monde », herodote.net.
– Eric Michel, « Équipe de France : les pionniers du Mondial 1930 », LeParisien.
– « La croisière des Bleus s’amuse », LeParisien.
),– « Les voyages forment la jeunesse… », FIFA.com.
– Gaspard Manet, « Il y a 90 ans, Lucien Laurent marquait le premier but de la Coupe du monde», SoFoot.
– Pierre Bezbakh, « 1930 : Jules Rimet crée la Coupe du monde de foot », LeMonde.
– Stéphanie Claude, « Dordogne : Villaplane, la star du football devenue SS », SudOuest.fr.
Crédits photos : Icon Sport