West Ham United FC est connu à travers le globe pour ses rixes de hooligans rythmant la deuxième moitié du XXème siècle. En plus des codes vestimentaires et physiques propres à tous ces jeunes hommes enragés, une chanson a bravé les bagarres pour devenir un hymne non-officiel mais emblématique du club : I’m Forever Blowing Bubbles.
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A Londres, les équipes se suivent mais ne se ressemblent pas. A l’aube de la saison 2022-2023 de Premier League, sept institutions basées dans la capitale anglaise seront au départ du championnat national. Autant que lors de l’exercice précédent puisque Fulham remplace Watford. Dans les catégories professionnelles inférieures, on retrouve également Millwall, Queens Park Rangers (en Championship), Wimbledon, Charlton (en League One), Leyton et Sutton (en League Two). Quatorze clubs professionnels dans une ville qui vibre à travers le ballon rond mais pas sous les mêmes couleurs.
West Ham, club méconnu mais populaire
Comparer West Ham United à Chelsea, Arsenal et Tottenham n’aurait pas de sens tant la différence de budget avec les cadors londoniens est abyssale. Toutefois, il serait malhonnête de mettre les Hammers dans le même panier que Crystal Palace ou Brentford, clubs bien moins marqués historiquement. A l’ombre des gratte-ciel de Canary Wharf, les quartiers sont bien moins reluisants. West Ham et ses bulles en portent les stigmates.
Créé en 1895 sous l’appellation de Thames Ironworks FC, cette institution se veut populaire du fait de la grande part d’ouvriers dans la population de l’est du grand Londres. Le nom actuel est d’ailleurs un dérivé du quartier de Newham. Sur le maillot bordeaux aux manches bleu ciel, a toujours été représenté le logo orné de deux marteaux croisés, symbole de l’histoire industrielle de la zone géographique. Il était également possible d’apercevoir les trois tours du Boleyn Castle situé non loin de la Tamise jusqu’au changement de blason en 2016.
Passant derrière les mastodontes nationaux, West Ham a longtemps rongé son frein pour attendre son heure de gloire. Si le club est relativement méconnu en France, c’est notamment à cause de son faible palmarès. Mis de côté par les « riches » à l’origine de la création de la Premier League en 1992, The Irons ne pouvaient se vanter que de trois FA Cups, d’un Community Shield et d’avoir été l’un des principaux fournisseurs de l’équipe nationale anglaise ayant remporté la Coupe du Monde 1966. Malgré d’anciennes gloires comme Bobby Moore, Billy Bonds ou Steve Potts, ce sont souvent par des éléments extérieurs au football que West Ham United a dû se faire un nom.
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Deux légendes pour des centaines de bulles
Pour faire parler d’eux, les supporters de WHU ont opté pour la violence à partir des sixties mais ont d’abord préféré une façon bien plus harmonieuse : le chant. Avant chaque rencontre de David Moyes et de ses joueurs, l’hymne non-officiel du club retentit dans les tribunes du stade olympique de Londres. I’m Forever Blowing Bubbles rythme ces avant-matchs depuis désormais près de cent ans.
Les versions varient sur la provenance et la naissance de ce chant. L’historien John Helliar note justement que « ses origines restent, pour la plupart, enveloppées de mystères et de conjectures ». Deux légendes ont été racontées aux jeunes supporters avant d’aller se coucher mais celles-ci semblent finalement se rejoindre. Le son a d’abord été popularisé en 1918 grâce à la comédie musicale The passing show alors qu’il était interprété par Helen Carrington. La première légende voudrait simplement que les fans aient entonné cet air au sein des tribunes de Boleyn Ground.
La seconde en dit un peu plus sur l’histoire populaire du club. Alors que des équipes de quartiers voisins s’affrontaient à l’Upton Park chaque dimanche, Billy J. Murray, un jeune joueur de Park School, s’est fait remarquer pour sa ressemblance avec l’enfant peint sur le tableau « Bubbles » de John Millais en 1886. Sans remettre en cause la connaissance artistique de la centaine d’amateurs venant au stade, c’est davantage la cote de popularité d’une publicité de l’époque qui fait sens. La marque de savon Pears met en effet en scène l’enfant peint quelques années auparavant avec un slogan qui ne s’invente pas : « PearsSoap, le savon qui fait des bulles ». Le surnom de « Bubbles » aurait rapidement été affublé à Billy J. Murray et le directeur de son école, Cornelius Beal, aurait écrit des rimes sur l’air de la chanson tirée de la comédie musicale.
Si ces deux légendes sont finalement étroitement liées, les interrogations subsistent quant à la propriété désormais exclusive des supporters de West Ham. La croyance collective voudrait que I’m Forever Blowing Bubbles soit chantée pour la première fois en 1923 lors de la finale de la FA Cup contre Bolton Wanderers. John Helliar reste sceptique quant à cette affirmation annonçant que cela pourrait même être encore plus ancien. Lors d’un déplacement au Pays de Galles en 1921 pour affronter Swansea, les fans londonien se seraient inspirés de l’air entonné par leurs hôtes. Une chose reste sûre, depuis, ils sont les seuls à faire honneur à cette chanson en reprenant en chœur chaque week-end, au même titre que les chants moins connus comme Up the Hammers ou Come on you Irons.
Un soutien controversé
West Ham United n’a cependant pas toujours été en parfaite adéquation avec ses supporters. Basé dans l’est de Londres, les habitués d’Upton Park ont évidemment souffert des conditions de vie quotidienne de la zone géographique. Venant quasi-exclusivement de milieux ouvriers et prolétaires, ces derniers n’avaient d’autres loisirs que le ballon rond et, par essence, l’enceinte pouvait rapidement devenir la scène d’exutoire de la violence emmagasinée tout au long d’une semaine éreintante.
Les dockers sont devenus, pour certains, hooligans et le lien a été difficile à conserver avec le club. Des années 1960 à la fin du siècle, les bagarres se multipliaient avant, pendant et après les matchs des Hammers face à des bandes rivales. Celles-ci supportaient des équipes ennemies à l’image de Millwall dont le stade est situé à trois kilomètres au sud de la Tamise. Cette rivalité a été la plus exacerbée et a fait connaître West Ham à l’internationale en même temps que son hymne.
Plus récemment, les supporters ont de nouveau fait la une des journaux en faisant face aux décisions des dirigeants. Le changement de stade survenu en 2016 a d’abord été très mal vécu par un grand nombre d’amoureux des Irons. Alors qu’on leur avait promis un changement d’ère, ils ont vu leur club flirter avec la zone rouge lors de la saison 2017/18, finalement terminée à une triste treizième place. Lors de cet exercice, un envahissement de terrain a été remarqué contre Burnley après la première intrusion de Paul Colborne. Le sexagénaire s’est emparé d’un poteau de corner pour le planter au centre du terrain en signe de protestation et afin de rappeler que les supporters sont la mémoire du club.
L’événement a tout de même remis en lumière le hooliganisme que l’on pensait révolu puisque les dirigeants auraient été de nouveau en lien avec les anciens patrons de l’Inter City Firm, principal groupe ayant fait trembler l’Angleterre dans le passé. Andrew Smallow et Micky Morgan se sont désormais rangés mais les fondateurs de l’ICF font désormais partie du groupe Real West Ham Fans et ont été particulièrement actifs dans le soutien apporté aux propriétaires du club. Ils ont notamment fait annuler une marche de contestation à coups de menaces de représailles et d’insultes telles que… « gauchistes ». La mauvaise passe sportive a également fait ressortir des relents fascistes dans la capitale britannique. “Brady, Sullivan et Gold, vous avez fait plus de dégâts dans l’est de Londres qu’Adolf Hitler. Dehors”, a par exemple été marqué sur une banderole en direction de Karren Brady, vice-présidente, David Sullivan et David Gold co-présidents.
Du stade à la salle de cinéma et inversement
Malgré les bastons de la deuxième moitié du siècle et les quelques trophées nationaux, West Ham n’a que rarement été en haut de l’affiche. Pour le grand public, le principal fait d’arme du club s’est finalement fait connaître sur les écrans de cinéma. En effet, c’est grâce à la trilogie Green Street Hooligans que West Ham a intéressé au-delà de la Grande Bretagne. C’est notamment le premier volet, sorti en 2005, qui a connu un véritable succès grâce au premier rôle donné à Elijah Wood connu pour son interprétation de Frodon Sacquet dans Le Seigneur des Anneaux.
Il joue le rôle de Matt, jeune étudiant d’Harvard qui va connaître les dures lois du hooliganisme avec Pete, leader de la GSE, un groupe extrêmement virulent. A travers les scènes dans les pubs, au sein des travées d’Upton Park et en montrant les rixes face aux supporters de Millwall, le film révèle les réalités d’une violence inouïe dans l’est londonien au cours des nineties.
Il a surtout permis de populariser le chant I’m Forever Blowing Bubbles. Appris par Pete à son disciple, l’air suit la dramaturgie du scénario et est entonné à plusieurs reprises. Si le club n’a pas pu revendiquer cette œuvre en raison de la problématique d’être de nouveau lié aux hooligans, ils ont tout de même pu constater avec joie le gain de popularité enregistré depuis 2005. Si vous vous rendez prochainement au stade olympique de Londres, préparez votre voix et vos mains pour reprendre à poumons ouverts cet hymne ponctué par le traditionnel « United ! United ! ». Pensez également à vous munir de votre machine à bulles pour être parfaitement dans le thème.
Les paroles du chant
I’m forever blowing bubbles,
Pretty bubbles in the air,
They fly so high,
They reach the sky,
And like my dreams they fade and die!
Fortunes always hiding,
I’ve looked every where,
I’m forever blowing bubbles,
Pretty bubbles in the air !
United !
United !
Sources :
- Jérémy Laugier, « West Ham-OL : Comment le film « Hooligans » a transformé ce club méconnu de Londres en « marque internationale » », 20 Minutes
- Bruno Constant, « West Ham, colère et pacte avec le diable », Eurosport
- « The story of Bubbles », whufc.com
Crédits photos : Icon Sport