Quand les problèmes financiers conduisent des clubs qui ont marqué le football vers la faillite, on ne peut y rester totalement indifférent. Les exemples sont nombreux. Certains clubs disparaissent à tout jamais, d’autres résistent comme ils peuvent. Miné par de gros soucis financiers en 2015, le club de Parme a sous doute vécu l’un des moments les plus sombres de son histoire. Alors en Serie A, le club est directement envoyé en quatrième division. S’ensuit un long chemin vers la rédemption, et la réalisation alors unique d’obtenir trois promotions successives jusqu’à sa remontée en première division en 2018. Comment ne pas être touché par le destin tragique d’une équipe qui a su laisser une trace indélébile en Europe ? Car Parme, c’est avant tout la ville qui a vu éclore Crespo, Buffon, Cannavaro ou encore Veron. Toi, spectateur avisé de football, tu connais d’abord Parme pour cette génération glorieuse plutôt que pour son jambon, son fromage ou encore sa Chartreuse. Retour à un temps qui n’est plus.
Les années 90 représentent l’âge d’or du club de Parme. Avant sa saison de folie, réalisée en 1999, l’équipe de Parme accomplit une ascension fulgurante à partir de sa promotion en Serie A en 1989. Cette réussite, le club parmesan la doit à Parmalat, une entreprise italienne spécialisée dans le domaine des produits laitiers, qui investit progressivement dans le club, à partir de la fin des années 80. Le géant laitier bâtit une équipe compétitive. Au total, quatre prestigieux trophées sont remportés en l’espace de quelques années. Une Coupe d’Italie en 1992, une Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe (anciennement C2) et une Supercoupe d’Europe en 1993, puis une Coupe de l’UEFA en 1995. Parme termine également deux fois sur le podium de la Serie A. Pas mal pour une équipe qui, encore quelques années en arrière, sillonnait les divisions B, C et D d’Italie. Une période incroyablement faste pour les Gialloblù, qui empilent les trophées et les recrues prestigieuses de Faustino Asprilla, Roberto Sensini, Gianfranco Zola, et Dino Baggio qui confirment la volonté du club et de la direction de triompher. Parme endosse, désormais, le costume de favori lors des compétitions européennes mineures. En Italie, durant ces années, l’équipe gialloblù fait néanmoins figure de second couteau derrière la Juventus et le Milan. Les signatures du ballon d’or Stoichkov en 1995 et d’un futur entraineur de renom, Carlo Ancelotti, un an plus tard, permettent à Parme de s’affirmer et de goûter à la Ligue des Champions. Cependant, les Crociati peinent dans cette compétition. Puis, l’équipe change, après avoir vu passer les fuoriclasse Gianfranco Zola et Hristo Stoichkov. Lors de la saison 1998-1999, Parme dispose de l’effectif le plus compétitif de son histoire : le jeune prometteur Gianluigi Buffon dans les buts, un trident central Sensini-Thuram-Cannavaro qui affirme au monde sa qualité défensive, un solide milieu Baggio-Boghossian-Veron, ainsi qu’une prodigieuse paire d’as Crespo-Chiesa en attaque. Avec l’arrivée d’Alberto Malesani sur le banc, l’équipe est prête à jouer les premiers rôles.
Une formidable épopée
La France s’est à peine remise de son premier titre de champion du monde que la saison doit déjà recommencer. Parme, qui a terminé à la sixième du championnat, est contrainte de jouer la Coupe de l’UEFA. Néanmoins, la compétition est relevée cette année avec la présence, entre autres, de l’Etoile Rouge de Belgrade, de Liverpool, de Valence, de l’Atlético de Madrid, de Bordeaux et de Marseille. Pour les Gialloblù, la campagne commence avec une confrontation compliquée face à Fenerbahçe, en trente-deuxièmes de finale (on le rappelle, les phases de groupe n’existent pas encore). Malgré une défaite 1-0 en Turquie, les Crociati s’imposent sur le score de 3-1 au Stade Ennio Tardini. La suite de la compétition n’est pas de tout repos pour les Parmesans, surtout lorsqu’il s’agit de jouer à l’extérieur. Ces derniers ont le mal du pays et peinent à s’imposer quand ils ne jouent pas à domicile. Ils éliminent le Wisła Cracovie sur le score cumulé de 3-2, malgré le nul à Cracovie au match aller en seizièmes de finale. En huitièmes, ce sont les Glasgow Rangers qui subissent la loi parmesane sur le score de 4-2, malgré, une nouvelle fois, un match nul à l’aller en Ecosse. L’essentiel est là, Parme se qualifie.
En quarts de finale, les Italiens tirent un gros morceau. La bande à Thuram retrouve Bordeaux, futur champion de France. C’est un vrai défi qui attend Parme et c’est l’occasion de montrer ce qu’elle vaut. Pour ne pas changer, les Parmesans perdent le match aller à Bordeaux, 2-1. Le match retour est, à la surprise de tous, une humiliation infligée aux Français. Les Gialloblù corrigent les Bordelais sur le score tennistique de 6-0. Un doublé de Crespo puis un autre d’Enrico Chiesa envoient Parme en demi-finale. L’ouragan parmesan ne s’arrête pas en si bon chemin. L’Atlético de Madrid, impuissant, s’incline face à l’armada italienne. Une fois n’est pas coutume, Parme vainc sa malédiction en gagnant le match aller à Madrid. Grâce à un incroyable empilement de talents, les Crociati sont désormais en finale. Parme brille, elle éblouit l’Europe. Pour son ultime étape, un autre cador l’attend : l’Olympique de Marseille.
Les rêves marseillais brisés
Sûre d’elle après avoir acquis sa qualification contre Bologne en demi-finale, Marseille va vite déchanter. Les Phocéens sont privés de quatre de leurs titulaires après la double confrontation face à Bologne, plus tôt, en demi-finale : Christophe Dugarry est suspendu après la bagarre survenue en fin de rencontre, alors que Peter Luccin, Williams Gallas et Fabrizio Ravanelli sont suspendus suite à une accumulation de cartons jaunes.
Le coup d’envoi est donné à Moscou, devant 62 000 spectateurs. L’affiche est alléchante, mais rapidement, la supériorité parmesane se fait ressentir. Dès la 26ème minute, sur une balle de Néstor Sensini, Crespo ouvre le score d’un magnifique lob, suite à l’erreur de Laurent Blanc qui n’appuie pas assez sa tête pour son gardien. Il n’en faut pas tant pour l’Argentin qui en profite pour inscrire son but de renard. La suite de la partie est un calvaire pour les Marseillais. Dans le froid glacial moscovite, les Italiens ne se contentent pas de tenir le résultat et continuent d’attaquer. Dix minutes plus tard, le centre de Diego Fuser trouve Vanoli qui inscrit, d’une tête puissante au niveau du point de pénalty, le but du 2-0. Porato, impuissant, est battu. En début de seconde mi-temps, Parme continue de pousser et fait valoir sa supériorité physique. Seulement quelques minutes après la reprise, à la 55ème minute, les Gialloblù closent définitivement la rencontre. Crespo, qui laisse très intelligemment passer le centre de Veron entre ses jambes, piège la défense marseillaise. Le ballon tombe dans les pieds de Chiesa, qui sans le contrôler, fusille Porato d’une reprise de volée en pleine lucarne. Grâce à ce but, Chiesa termine meilleur buteur de l’édition avec huit réalisations. Les hommes de Rolland Courbis ne s’en remettront pas et le trio offensif marseillais Gourvennec-Pirès-Maurice restera inoffensif et muet toute la rencontre. Parme bat sèchement l’OM 3-0, ce qui constitue son deuxième sacre dans la compétition après 1995, ainsi que son quatrième titre européen avec ses victoires en Coupe des coupes et en Supercoupe d’Europe, toutes deux en 1993. Les Italiens largement au-dessus, semblaient inarrêtables, comme en témoigne Marcel Dib, alors directeur sportif de l’OM à l’époque : « Au complet, ça aurait pu être différent pour nous, mais il faut voir l’équipe qu’il y avait en face. Crespo, Thuram, Boghossian, Chiesa, c’était peut-être la meilleure équipe de Parme de tous les temps. Il n’y a pas eu discussion ».
A l’issue de la saison, les Gialloblù finissent à la 4ème place du championnat, synonyme de qualification pour la Ligue des Champions. La victoire en Europe ne satisfait pas les hommes de Malesani qui remportent, en plus de cela, la Coupe d’Italie aux dépens de la Fiorentina et la Supercoupe d’Italie contre l’AC Milan. En l’espace de quelques semaines, Parme a raflé trois titres consécutifs. Si Parme, épouvantail de l’époque en Italie et en Europe a constitué l’essentiel de son palmarès au début des années 90, 1999 demeure l’année la plus prolifique de son histoire. Outre ses succès, c’est aussi l’effectif de l’équipe qui enchantait les fans. Un effectif latin – composé d’Italiens, d’Argentins et de Français – qui regorgeait de talents. Parme, c’était la classe de Crespo, l’endurance de Verón, la solidité défensive franco-italienne de Thuram et de Cannavaro et le charisme de Buffon.