La Première League, autrefois appelé Football League, est le championnat le plus populaire. Depuis sa création en 1888, un grand nombre de joueurs iconiques sont passés par là : Georges Best, Éric Cantona ou Paul Gascogne pour ne citer qu’eux. Mais connaissez-vous William Foulke, un gardien un peu moins célèbre mais bien plus absurde ! Retour sur la carrière de celui que l’Angleterre avait surnommé “Fatty“ Foulke.
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Eclosion d’une légende
Au XIXème siècle, le football se développe en Angleterre. Des compétitions officielles se fondent. Les premiers clubs se professionnalisent. Pourtant, en 1894, c’est le club du petit village de Blackwell Pit qui fait parler de lui. En Derbyshire Cup, le club amateur tient en échec la grande équipe d’Ilkeston Town. Dans les cages du Blackwell Miners Welfare FC, un jeune homme d’un mètre quatre-vingt-treize se démarque. Il n’a que vingt ans et s’appelle William Foulke.
Grâce à ce match, le jeune gardien attise les convoitises, notamment dans le nord de l’Angleterre où tous les gros clubs rêvent d’avoir William dans leur effectif. C’est finalement le Sheffield FC, premier club professionnel de l’histoire, qui obtient le dernier mot. En 1894, le club anglais débourse vingt livres pour enrôler le géant à Blackwell. Un véritable investissement pour les Blades qui voient en lui l’avenir du poste de gardien de but.
En septembre 1894, le gardien anglais fait ses grands débuts en première division contre West Bromwich Albion. Malgré son jeune âge, il s’impose facilement dans l’équipe où il devient indéboulonnable. Rapidement, il s’affirme même comme étant le meilleur joueur à son poste du championnat anglais. Ses bonnes performances mènent son club au succès. En 1898, il permet au Sheffield FC de décrocher son premier titre national en remportant le championnat. L’année suivante, il participe également au parcours victorieux des Blades en FA Cup.
D’année en année, la côte de popularité de William Foulke ne cesse d’augmenter. La preuve, en 1897, il participe à un match international avec l’Angleterre. Impérial, le gardien permet aux Three Lions de l’emporter contre le rival gallois. Ce match sera finalement la seule sélection de William Foulke, les matchs internationaux étant rare à la fin du XIXème siècle.
La naissance de William « Fatty » Foulke
Si les exploits sportifs de William Foulke ont véritablement marqué l’histoire du Sheffield FC, ce qu’on retient surtout aujourd’hui du gardien anglais, ce sont davantage ses égards de conduite et son amour pour la bouteille.
Lorsque que William Foulke débarque du côté de Sheffield en 1894, il n’est alors qu’un jeune de vingt au physique saillant. Mais, rapidement, son hygiène de vie se détériore du côté de la cité industriel. A son arrivée au club, le jeune gardien découvre les joies du football… et de l’after. Après chaque rencontre disputée, William prend l’habitude de se rendre au pub pour picoler avec fans et journalistes. La côte de popularité du gardien grimpe alors en flèche à cette époque. Léger problème, son poids sur la balance en fit de même… Deux ans après son arrivée à Sheffield, en 1896, William Foulke dépasse la barre symbolique des cent kilos. Les supporters trouvèrent alors un surnom à leur nouveau chouchou : « Fatty » Foulke (fatty signifiant gras en anglais). La première légende du football était née.
En février 1897, lors d’une confrontation contre le rival du Sheffield Wednesday, le poids de “Fatty“ Foulke fit même céder les cages. En voulant arrêter une frappe de l’attaquant adverse, le colosse anglais heurte un des poteaux horizontaux, faisant céder la barre transversale en son centre. Le match ne put reprendre après l’incident, le club anglais n’ayant pas de poteau assez long pour remplacer la barre brisée. Après ce malencontreux évènement, la Fédération Anglaise de Football décide alors de mettre en place une nouvelle règle. Désormais, chaque club a l’obligation de disposer de buts de rechange.
William Foulke, le nouveau « Goal Volant »
Il n’est décidément pas un gardien comme les autres. Si William Foulke n’a pas fait de sa spécialité de marquer des buts comme l’ont fait Rogério Ceni (132 buts) et José Luis Chilavert (67 buts) “Fatty“ fait tout de même partie de la liste très fermée des gardiens à avoir réussi à inscrire un doublé lors d’un match professionnel. Flashback sur cet évènement surnaturel.
Nous sommes le 23 octobre 1899, le Sheffield FC est opposé à une équipe de Sud-Africains en tournée en Angleterre. Au stade Bramall Lane, l’équipe anglaise surdomine ses adversaires et rentre à la pause avec quatre buts d’avance. Dans les cages, William Foulke s’ennuie. Les attaques adverses étant inexistante.
En seconde mi-temps, il décide alors de quitter sa cage pour rejoindre ses coéquipiers sur le front de l’attaque. Malgré son important surpoids, le colosse anglais semble à l’aise balle au pied. Lors de son premier ballon, Foulke élimine deux joueurs. Puis décoche une puissante frappe des 30 mètres qui trompe le gardien sud-africain. Malgré son but, le natif de Dawley n’est pas rassasié. Comme un gardien de handball jouant le surnombre, il décide de rester aux avants postes. Les Sud-Africains en profitent alors pour trouver le chemin des filets à deux reprises dans des cages laissées à l’abandon. Malgré ces deux buts encaissés, William décide de persister dans sa stratégie. Un choix payant, puisqu’en fin de match, le gardien inscrit un second but, clôturant le match sur un score de 7-2.
Finale et scandale
Finale de la FA Cup, 1902, Sheffield United affronte Southampton pour la Coupe. Chez les Rouges et Noirs, William Foulke est évidemment titulaire. Après une insipide première mi-temps, les Blades se réveillent petit à petit dans ce match. Peu de temps avant l’heure de jeu, l’autre star, Alf Common permet à Sheffield d’ouvrir le score. Il se dirige donc tout droit vers le titre, quand soudain, les Saints égalisent à deux minutes de la fin du match. Si ce but établi la parité, il déclenche également l’exaspération des fans et des joueurs de Sheffield. Dans les vestiaires, William Foulke ne décolère pas. Selon lui, le but inscrit par Southampton était hors-jeu. Nu, il se met alors à courir après l’arbitre de la rencontre, Mr. T. Kirkham, qui est contraint de se réfugier dans un placard. L’Anglais décide alors de tenter d’arracher la porte de celui-ci, avant d’être stoppé juste à temps par un groupe d’officiels de la Fédération anglaise.
Lors du replay (second match visant à départager les deux équipes ndlr), “Fatty“ Foulke réalise un super match. Sheffield s’impose sur le score de deux buts à un et remporte ainsi un nouveau trophée. L’Anglais tient donc sa revanche. Après le match, comme à son habitude, il décide de se rendre au pub pour fêter la victoire. Malheureusement, cette fois-ci, William boit un peu trop et part au clash avec tous ses coéquipiers et ses dirigeants. L’atmosphère étant trop tendue, il est contraint de quitter Sheffield. Après 10 ans de carrière passée dans le club et près de trois cents matchs disputés, William “Fatty“ Foulke s’en va. En héros malgré lui.
William Foulke, le premier “ball boys“
Après son passage renversant à Sheffield, en 1905, William Foulke s’engage au Chelsea FC. Le nouveau club de la capitale londonienne dépense près de cinquante livres pour s’attacher les services du colosse anglais. Une somme considérable pour l’époque.
Quand il rejoint son nouveau club, William “Fatty“ Foulke pèse désormais cent cinquante-deux kilos. Mais cela n’effraie pas les dirigeants des Blues qui souhaitent justement s’appuyer sur le gabarit de l’Anglais pour effrayer leurs adversaires. Toute une propagande est faite autour de William, qui est d’ailleurs nommé capitaine dès son arrivée. Sur chaque photo de match, le goal est placé au centre, entouré de petits joueurs. De plus, le club prend l’habitude de poster deux petits garçons de part et d’autre des cages du portier anglais pour déstabiliser les attaquants adverses. Quand les ballons partent au loin, ce sont alors les garçons qui partent les récupérer. Et c’est ainsi comme cela que sont nés les ball boys (ramasseurs de balles en français), qu’on voit désormais partout lors des matchs.
Sur le terrain, William n’est pas un tendre. Il n’hésite pas à jouer de son physique pour intimider ses adversaires. Fréquemment, il balance même certains d’eux dans ses filets, lorsque la situation dégénère. Au Chelsea FC, William Foulke est une véritable star. Et ça, l’Anglais le sait. Peu à peu, il devient capricieux, se permettant même quelques écarts. Lorsqu’il juge que sa défense n’est pas assez concentrée, il quitte la pelouse sans dire un mot.
La muraille de Stamford Bridge
Malgré son important surpoids, William Foulke continue d’être performant avec Chelsea. Il contribue d’ailleurs à l’excellente première saison des Pensioners. Véritable muraille, “Fatty“ stoppe dix penalties dans la saison, profitant de son imposant gabarit et de la règle permettant au goal de s’avancer de cinq mètres avant que l’adversaire ne touche le ballon.
En mars 1906, contre Burslem Port Vale, il réalise une véritable prouesse. Dans le même match, il arrête deux pénaltys, provoquant la frustration de l’attaquant adverse : “Il n’y a aucun endroit où viser !“. Suite à ce match, la Fédération anglaise décide, une nouvelle fois à cause du portier anglais, de modifier ses règles. Désormais les gardiens doivent attendre l’exécution du pénalty depuis leur ligne de but et n’ont plus le droit de s’avancer tant que l’adversaire n’a pas frappé le ballon.
Malgré ses exploits avec les Blues, William Foulke ne se plait pas dans la capitale et quitte Stamford Bridge un an seulement après son arrivée. Il reste toutefois à jamais gravé dans l’histoire de Chelsea.
William Foulke et l’histoire du Clean Sheet
Après un passage éclair chez les Blues de Chelsea, en 1906, le gardien file à Bradford City où il y dispute sa dernière saison professionnelle. Dans son nouveau club, William Foulke fait de nouveau rapidement parler de lui. Le 2 février 1907, alors que Bradford affronte Accrington Stanley, l’arbitre constate que le maillot de Foulke est de la même couleur que celui des joueurs adverses. Accrington n’ayant pas de maillot de réserve, l’arbitre demande alors à Foulke de changer de tenue. Seulement, aucun maillot n’est adapté à la carrure du colosse anglais. Un employé du stade trouve alors une solution : un drap. Foulke prit alors le tissu blanc, s’enveloppant dedans à la manière d’une toge dans la Rome antique. Lors de ce match, Bradford gagna 1-0, et le goal ne fut point mis en danger.
Le lendemain, l’évènement fit la première page de la presse. Un des journalistes de l’époque nota alors que William Foulke avait fini le match avec un clean sheet (drap propre). Et c’est ainsi qu’est née l’expression clean sheet, très souvent utilisé dans le monde du football, signifiant qu’une équipe n’a pas encaissé un seul but au cours d’un match.
Fin de parcours
En 1907, William Foulke décide de mettre fin à sa carrière. Il se consacre alors pleinement à sa deuxième passion… l’alcool. L’ancien portier des Blues rentre alors à Sheffield où il prend la direction d’un bar. La légende raconte qu’il buvait plus que les clients.
Malheureusement, ce qui devait arriver arriva. En 1916, l’excentrique gardien de but meurt d’une cirrhose à l’âge de quarante-deux ans. Laissant derrière lui, exploits sportifs et anecdotes croustillantes. Après la mort de la star, le nom de William Foulke continue tout de même d’alimenter les discussions dans les pubs anglais. Et comme toute légende du football, “Fatty“ eu même le droit à sa chanson. Sur une mélodie de la chanson populaire Knees up Mother Brown, les supporters anglais rendent hommage au colosse anglais et son poids astronomique. Si les paroles de la chanson ne sont pas élogieuses, elles auraient sans doute fait rire William Foulke, tellement le personnage était absurde.
“Who ate all the pies ? Who ate all the pies ? You fat bastard ! You fat bastard ! You ate all the pies !” (“Qui a bouffé toutes les tartes ? Qui a bouffé toutes les tartes ? C’est toi gros bâtard ! C’est toi gros bâtard ! Tu as bouffé toutes les tartes !”).
Une chanson qui résonne encore aujourd’hui dans certains clubs du Nord de l’Angleterre.
Sheffield, Chelsea, Bradford, partout où il est passé, William Foulke a marqué l’histoire de ses clubs. Entre exploits sportifs, gabarit rare et écarts de conduite, le portier anglais est une véritable légende du football anglais. A tel point qu’il a même donné naissance à de nouvelles règles et de nouvelles expressions, encore utilisées à ce jour.
Sources :
- Luciano Wernicke, « Pourquoi le foot se joue à 11 contre 11 ? »
- Gabriel Cnudde, « William Foulke, le gros’llkeeper », So Foot
- Richard Coudrais, « Fatty Foulke, des buts et des tartes », Cahiers du football
- Will Sharp, « William Foulke and the legend of the giant goalkepper