Pjanić, Modrić, Milinković-Savić, Jović… beaucoup de noms en « ić » sont considérés aujourd’hui comme des joueurs de foot particulièrement talentueux. Et si les slaves sont d’excellents joueurs, c’est peut-être parce qu’ils possèdent des racines d’un ancien grand pays de football : la Yougoslavie, ancêtre des pays slaves que sont la Slovénie, le Kosovo, la Bosnie, la Macédoine, la Serbie, la Croatie et le Monténégro. Dans cet article, nous traiterons de l’histoire globale du football slave, de son commencement à la disparition de la Yougoslavie et sa sélection. qui est le premier d’une série consacrée au football slave.
Le football est introduit dans la région en mars 1896 par Hugo Buli, qui revenait d’Allemagne après ses études au cours desquelles il avait joué dans un club. En rentrant à Belgrade, il fait découvrir le football à ses amis de l’amicale sportive Soko (en français : faucon). Trois ans plus tard, en 1899, naît la « Première association serbe de jeux de ballons ». C’est en 1901 que naît le FK Bačka, en Serbie (alors rattachée à l’Autriche-Hongrie), premier club yougoslave.
Lorsque les lois du jeu – dont je parle ici – sont traduites, le sport se développe et les clubs se multiplient. Malheureusement, à partir de 1912, les guerres des balkans puis la Première Guerre Mondiale interrompent la croissance du football. Il faudra attendre 1919 pour que soit créée la Fédération de Yougoslavie de Football, permettant au pays d’avoir une équipe nationale. Quant au championnat national, c’est en 1923 qu’il est créé.
La sélection : des déceptions et une victoire
Les débuts des Plavi (en français : les Bleus) sont semblables à ceux de toutes les équipes de foot : d’énormes défaites 7-0 pour se mettre dans le bain. Ici, on s’intéressera aux succès de la Yougoslavie, qui arrivent plus tard. Il faut savoir que, si les succès et les grandes performances s’enchaînent, c’est en partie parce que les joueurs de la sélection se côtoient tous dans leur club. En effet, avant l’arrêt Bosman de 1995, les joueurs ne pouvaient aller dans des clubs étrangers avant leur 28 ans.
La première Coupe du Monde, qui a lieu en Uruguay, n’est jouée que par des serbes. Les croates refusent d’y aller, puisque le siège de la FIFA est bougé de Zagreb à Belgrade, en Serbie. La sélection bat le Brésil et la Bolivie en poules, mais perd contre l’Uruguay en demi-finale, à cause d’un arbitrage injuste en faveur des uruguayens selon plusieurs sources.
En rentrant au pays, les joueurs enchaînent, d’année en année, les bonnes performances à la Coupe des Balkans. Ils finissent cependant 2ème lors des trois éditions. Il faut attendre 1935, après une Coupe du Monde perdue dès les poules, pour que les Yougoslaves remportent deux sessions de suite de la Coupe des Balkans. L’équipe nationale est mise de côté jusqu’en 1946, à la fin de la guerre. 2 ans plus tard, les joueurs participent aux jeux olympiques et arrivent en finale. Ils s’inclinent malheureusement face à la Suède. En 1960, rebelote : les Yougoslaves perdent une finale, cette fois-ci à l’Euro. La même année, les Yougoslaves parviennent à nouveau en finale des Jeux Olympiques, contre le Danemark. Les « Brésiliens d’Europe » l’emportent 3-1, et gagnent ainsi leur premier trophée majeur. L’histoire est magique ?
« La Yougoslavie a six Républiques, cinq nations, quatre langues, trois religions, deux alphabets et un seul parti. » Tito.
Cette phrase, symbole de l’union de la Yougoslavie, est vite démentie. Et le football y perd beaucoup.
Le dernier souffle
30 années après leur premier titre, les Yougoslaves sont prêts à s’élancer à la conquête de la Coupe du Monde. Tout était écrit. La Yougoslavie devait faire le plus grand mondial de son histoire. 3 ans après le sacre des U20 à la Coupe du Monde, une génération dorée, menée par Zvonimir Boban, s’apprête à s’élancer dans la course au trophée ultime. Pourtant, rien ne se passe comme prévu. Le 13 mai 1990, lors d’un match entre Zagreb et l’Etoile Rouge de Belgrade, les tensions ethniques prennent le dessus et un conflit éclate. Boban frappe un policier et est exclu des terrains six mois, donc de la Coupe du Monde.
La Yougoslavie doit faire sans son jeune talent. C’est donc en quarts de finales que la sélection voit son aventure se terminer. Malgré l’arrêt d’Ivković sur Maradona lors de la séance de tirs aux buts, les yougoslaves n’arrivent pas à se défaire des argentins.
Mais deux ans plus tard, l’espoir renaît. L’Etoile Rouge de Belgrade est championne d’Europe, les espoirs de la sélection sont donc immenses. En effet, la Yougoslavie finit première de son groupe lors des éliminatoires devant le Danemark et se qualifie pour l’Euro sans encombre. Et pourtant… une nouvelle fois, le cadre du football est dépassé. La guerre civile éclate en novembre 1991 avec la proclamation de l’indépendance de la Slovénie et de la Croatie. Le conseil de sécurité des Nations Unies vote la résolution 757 le 30 mai 1992 : un embargo contre la Yougoslavie est instauré, et elle est exclue de toute compétition sportive. A la place, c’est le Danemark qui ira à l’Euro, pour finalement le remporter. Ironique.
Ensuite, chaque pays indépendant réclame la création de sa fédération de football auprès de la FIFA. En 1992, la Croatie et la Slovénie. Au même moment, la République fédérale de Yougoslavie est fondée par la Serbie et le Monténégro, et est reconnue comme héritière juridique et statistique de la Yougoslavie par la FIFA, l’UEFA et le CIO. En 1994, c’est au tour de la Macédoine, et en 1996, celui de la Bosnie-Herzégovine. Quant au Monténégro, sa sélection nationale est finalement reconnue en 2007, après la scission avec la Serbie, qui devient la seule héritière footballistique de la Yougoslavie.
Et si… ?
En imaginant que le cadre du sport n’ait jamais été dépassé et bouleversé par la politique, voilà ce qu’aurait pu donner une sélection yougoslave lors de la Coupe du Monde 2018. Les mots sont peu de choses pour décrire tout le talent potentiel présent dans cette sélection imaginaire. Contentons-nous donc de cette image…
La Serbie n’a pas démérité lors du mondial et la Croatie est allée jusqu’en finale. En en 2006, à l’occasion de la Coupe du Monde, Ivan Curković affirmait : « On parle peut-être de l’ex-Yougoslavie au niveau politique, mais il n’y a pas d’ex-football yougoslave, c’est indivisible. Vous connaissez beaucoup de pays qui peuvent aligner deux équipes, la Serbie-et-Monténégro et la Croatie, en phase finale de la Coupe du monde ?« . Malgré tous les conflits, les sélections slaves ne renient pas leur culture foot yougoslave, pour le plus grand plaisir de nos yeux.