Après une saison décevante, les dirigeants de la Fiorentina frappent un grand coup et nomment Giovanni Trapattoni à la tête de la Viola. L’objectif est clair : passer un cap et s’installer parmi les grands d’Italie.
À l’arrivée de Trapattoni, à l’été 1998, la Fiorentina sort d’une triste saison, terminée à la neuvième place. Rageant pour les supporters au regard des joueurs brillants qui évoluent pour le club de Florence. Francesco Toldo, Rui Costa ou Gabriel Batistuta pour les plus connus. Le chemin du Trapp est tracé, il doit faire passer un cap à cet effectif.
Le monde cruel de la Serie A
Pour atteindre ses objectifs, le technicien Italien cible des profils expérimentés avec les recrutements de Guillermo Amor en provenance de Barcelone, Mario Torricelli de la Juventus ou de Jörg Heinrich de Dortmund. Des internationaux chargés d’apporter l’expérience et la solidité qui manquent encore à la Viola. Mais dans l’Italie des années 1990, vouloir bien faire ne suffit pas. La Serie A est un monde de riches. Le président de la Fiorentina lui-même, Vittorio Cecchi Gori, est un homme politique et producteur de films influent. Mais la concurrence est rude, si le Milan de Berlusconi n’est pas le plus marquant des dernières années, il peut toujours compter sur ses éléments les plus fidèles. La Juventus, vainqueur de la C1 en 1996 et finaliste l’année suivante, est toujours aussi bien armée. Forcément, l’Inter Milan fait également figure de potentiel vainqueur après la Coupe du monde exceptionnelle de Ronaldo.
Et finalement, on se demande même si la Fiorentina peut espérer jouer un rôle de trouble-fête. Les équipes qui montent ne sont pas en Toscane, mais plutôt à Parme ou à Rome. La saison précédente, les Parmesans n’ont fini qu’à deux longueurs de la première place et peuvent toujours s’appuyer sur les jeunes prometteurs que sont Buffon, Cannavaro ou Hernan Crespo. Il faut encore ajouter Lilian Thuram et la recrue Juan Sebastian Veron, entre autres. Enfin, la Lazio explose les compteurs et recrute à tour de bras. Plus de 100 millions d’euros dépensés sur le mercato, une somme record à l’époque. Sur la liste des arrivants on retrouve Marcelo Salas, Christian Vieri, Sergio Conceiçao, Dejan Stankovic ou Sinisa Mihajlovic. Bref, un championnat hyper compétitif ou le droit à l’erreur n’existe pas. Surtout que rappelons-le, à l’époque seule 18 équipes participent au championnat et quatre sont reléguées chaque année.
Le début du rêve
Dans un environnement aussi hostile, le succès des hommes de Trapattoni n’a rien d’une évidence. L’ancien entraîneur du Bayern va donc faire ce qu’il maîtrise le mieux : assurer la stabilité et la solidité défensive de son équipe. C’est ce qu’il essaie de développer en mettant en place : “Un 4-3-3 ou 3-4-1-2 très équilibré, même si on jouait souvent avec Rui Costa au milieu de terrain, en plus de trois attaquants. On le sait, la priorité de Trapattoni, c’est de ne pas encaisser de buts”, analyse Moreno Torricelli. Pourtant, les joueurs ne sont pas dupes et : “L’objectif était de faire mieux que la saison précédente et une qualification en Coupe de l’UEFA, mais jamais on ne pensait pouvoir se mêler à la course au titre”, poursuit le défenseur en provenance de la Juve.
Malgré tout, dans leur iconique tenue violette, flanquée d’un sponsor Nintendo, les joueurs de Trapattoni surprennent. Les débuts sont bons, voire très bons. L’équipe a mûri, la Fiorentina remporte ses quatre premiers matchs et n’encaisse que deux buts. Le 26 septembre 1998, Batistuta mitraille et claque son triplé à San Siro. Forcément, à Florence le parfum des grandes saisons commence à se faire sentir. Rarement dans la course au titre, la Fiorentina semble pouvoir se mêler à la lutte.
Rapidement, on se rappelle de cette poisse, si tenace, qui colle au maillot violet. Dès la cinquième journée, la Fiorentina se fait punir par la Roma qui inscrit deux buts dans les tous derniers instants de la rencontre. Malgré quelques accrocs, la Viola s’installe dans les premières places du classement durant le premier tiers de la saison. Surtout, Batistuta, dans son style caractéristique, marche sur l’eau et plante buts sur buts. À la mi-saison, L’Argentin a marqué 17 fois en autant de matchs. La Fiorentina est leader de Serie A et fait carton plein à domicile. Cette fois c’est sûr, pour les Florentins, le rêve existe.
Avec le Brésilien Edmundo alias O animal et le Belge Luis Oliveira en plus de Batigol, et l’apport de Rui Costa, la Fiorentina peut compter sur une attaque prolifique. Assez pour y croire, d’autant qu’après la trêve la Viola poursuit sur sa lancée.
Bati le maudit
Tout paraît trop simple pour la Fiorentina, surtout quand on n’a pas l’habitude de faire la course en tête. La tâche se corse rapidement. Alors que la Fiorentina tient un match nul à Artemio Franchi contre l’AC Milan (le pire résultat de la saison à domicile pour l’instant), Batistuta se blesse tout seul en toute fin de match. Étirement du ligament interne du genou. À la vingtième journée, la Fiorentina perd son joueur phare et meilleur buteur pour le moment décisif du championnat. Le rêve florentin se disperse et les supporters, désabusés, comprennent que sans Batistuta la quête du titre est illusoire.
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Pourtant, la blessure n’est pas si grave et le buteur argentin ne rate que quatre rencontres. Mais c’est un autre événement qui pourrit l’ambiance du vestiaire de la Fio. Le buteur brésilien, Edmundo fait ses valises, après la blessure de Batigol, en direction de Rio et de son carnaval. Une faute professionnelle ? Pas du tout, une clause de son contrat stipule effectivement qu’il peut se rendre au Carnaval de Rio. Mais, légalité ne rime pas avec irresponsabilité. Supporters et coéquipiers n’apprécient pas vraiment la petite virée d’Edmundo au tournant de la saison.
Surtout qu’Edmundo n’est pas vraiment le gendre idéal, c’est peu dire. En 1995, il provoque un accident de voiture et cause la mort de trois personnes. Bref, le genre de joueur capable de faire exploser un vestiaire. Et l ‘équipe explose, contre Venezia. Recoba, auteur d’un triplé, martyrise la défense de la Viola. Depuis la blessure de Batistuta, la Fiorentina n’a gagné qu’une seule fois en cinq matchs et a dû céder sa place de leader.
La fin d’un rêve
À la 25ème journée, tout n’est pas encore perdu, le championnat reste ouvert grâce notamment à l’absence de l’Inter et de la Juve dans les premières places. La Lazio, et son effectif pléthorique, se détache légèrement avec cinq points d’avance sur Parme, la Fiorentina et l’AC Milan, tous les trois à égalité. Alors que la Lazio baisse le rythme, le Milan refait une partie de son retard tandis que les hommes de Trapattoni restent au contact, à cinq points du leader. Jusqu’à la 29ème journée, la Fiorentina peut toujours y croire et s’offrir une finale contre la Lazio pour l’avant dernière journée du championnat.
Un classement en trompe-l’œil, la Fiorentina n’y est plus et craque totalement dans le sprint final. Un climat de résignation s’installe dans les rangs de Giovanni Trapattoni. “On a pêché au niveau de la mentalité. Je pouvais comparer avec ce que j’avais vécu à la Juve où l’humilité des joueurs était la base des succès. À la Fiorentina, les éléments-clés en manquaient, il aurait fallu faire plus de sacrifices personnels pour le bien de l’équipe”, estime Moreno Torricelli. Une absence de révolte qui précipite la chute de la machine qu’était la Fiorentina en première partie de saison. Après une défaite 3-0 à Bologne, la messe est dite et la Fiorentina décroche totalement, le titre se joue désormais entre la Lazio et l’AC Milan. Dans une sorte de baroud d’honneur, Batistuta et la Fiorentina tiennent en échec la Lazio et offrent le titre aux Rossoneri.
La Fiorentina échoue à la troisième place, à treize points de la Lazio et à quatorze du Milan. Le rêve s’est brisé mais l’espoir subsiste pour les saisons suivantes, tant que Batistuta est présent. La saison suivante, malgré des coups d’éclats européens, Trapattoni ne parvient pas à faire mieux et quitte la Toscane après deux années au goût amer.
Sources :
- Valentin Pauluzzi, “Torricelli : « On se parlait en patois milanais avec Trapattoni »”, Sofoot.com
- Eric Marinelli, “Comment s’est finie la Fiorentina 1999”, Sofoot.com
- Eric Marinelli, “Quand la Fiorentina a entubé le scudetto de la Lazio”, Sofoot.com
- Paolo Camedda, “Il Milan di Zaccheroni e lo Scudetto 1998/1999 vinto in rimonta su Lazio e Fiorentina”, Goal.com
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