A l’aube d’une nouvelle réforme de l’UEFA sur les compétitions européennes et la création d’une troisième coupe pour l’exercice 2021, les amateurs du ballon rond gardent à l’esprit une compétition souvent bien appréciée des clubs français : la Coupe Intertoto. Match de la dernière chance d’entrevoir une qualification européenne pour certains, tournée amicale dans les stades les plus reculés du continent pour d’autres, cette coupe n’a laissé personne indifférent. Une question se pose, pourquoi l’UEFA ne devrait-elle pas réinstaurer cette compétition ?
Une compétition pour les parieurs
L’origine de la Coupe Intertoto remonte à travers les sociétés de paris sportifs. Quand les championnats sont finis, les bookmakers n’ont plus rien à proposer et leur activité chute très fortement. La création de cette compétition estivale, en 1967, permettait donc tout simplement de proposer des grilles de paris sportifs en été. C’est d’ailleurs de là qu’elle puise son nom et son logo. “Toto” est le surnom donné aux paris dans plusieurs pays, et son logo ressemble fortement à une grille de lotofoot. L’UEFA ne voyait pas d’un très bon œil cette compétition mais elle n’intervenait pas dans son bon déroulé. Le format était simple : des poules regroupant plusieurs clubs continentaux et c’est à peu près tout. Aucun vainqueur n’était déclaré à l’issue du tournoi. Il n’y avait pas de phases finales entre les équipes par manque de temps afin de ne pas empiéter sur les autres compétitions.
En 1995, l’UEFA revient aux affaires, prenant en charge l’organisation de cette compétition. Et elle va tout chambouler. Les vainqueurs des poules s’affronteront désormais en demi-finale puis en finale pour déterminer les vainqueurs. En 1998, exit les phases de poules, les matchs seront désormais tous éliminatoires. Il faut triompher de cinq tours pour remporter le trophée. Mais plus qu’un trophée, c’est une qualification pour les phases préliminaires de la Coupe UEFA, ancêtre de l’Europa Ligue, qui se joue. La Coupe Intertoto permettait donc à des équipes ayant fini 6e, 7e ou 8e de Ligue 1 d’aller arracher son ticket pour l’Europe au terme de rencontres couperets jouées dès la fin juin. Petite précision, il y avait trois vainqueurs par an, sauf pour la première édition durant laquelle ce sont les Girondins de Bordeaux et le Racing de Strasbourg qui se sont imposés.
Jusqu’à son ultime, édition, en 2008, la compétition va subir quelques lifting. En 2002, plus de trophée pour les vainqueurs. Il est décidé qu’ils ne repartiront qu’avec un plateau, preuve que cette compétition n’a jamais été vraiment prise au sérieux. En 2006, l’UEFA décide de réduire le format à seulement trois tours. Onze vainqueurs seront qualifiés pour la Coupe UEFA, mais le véritable vainqueur de la compétition sera décidé parmi l’équipe étant allé le plus loin par la suite en Coupe d’Europe. C’est ainsi que Newcastle sera le grand gagnant de la Coupe Intertoto 2006 grâce à son parcours jusqu’en 16ème de finale en C3. Finalement, cette compétition disparaîtra avec la création de la Ligue Europa, toujours en place actuellement.
Des scènes marquantes
Qui a dit que les clubs français n’étaient pas performants en Coupe d’Europe ? Montrez leurs donc le palmarès de la Coupe Intertoto ! La France est la nation européenne à comptabiliser le plus de succès dans la compétition, avec 12 victoires pour autant d’équipes. La plus belle histoire autour de cette compétition intervient dès la première édition avec le succès des Girondins de Bordeaux. Au terme d’un long parcours qui les emmènera en Suède, en Irlande, en Finlande, aux Pays-Bas et en Allemagne, les Girondins disposent de Karlsruher en finale et remportent la première édition. Ce véritable parcours du combattant estival lancera une saison pleine de succès pour le club. En effet, c’est lors de cette exercice que le club de l’Aquitaine atteindra la finale de la Coupe UEFA, chutant en finale face au grand Bayern Munich.
En ayant été chercher cette qualification au bout du bout, les Bordelais ont su faire preuve d’une sacrée force mentale et surtout d’une envie de vaincre. Là où certains clubs ne jouent pas à fond la C3, les équipes passant par la Coupe Intertoto pour s’y qualifier sont reconnaissantes de la chance qu’elles ont eu et livrent toutes leurs forces dans la suite de la compétition. C’est un des sérieux problème de la Ligue Europa de nos jours. Bon nombre d’équipes qualifiées se contentent de ce statut et ne joue pas la compétition à fond, un problème surtout très propre aux clubs français. Avec deux clubs qualifiés en poules cette saison, l’ASSE et le Stade Rennais, la France pouvait espérer en retrouver au moins un en phase éliminatoire, mais la marche était trop haute.
Des exploits en Coupe à Toto, surnom amical et parfois moqueur donné par les amateurs, les clubs français en possèdent plusieurs. Allez dire à un supporters troyen que son club n’a jamais rien gagné et il vous parlera du fameux match au St Jame’s Park en 2001. Après avoir écarté le Dinamo Tbilissi en Géorgie, l’AIK Solna en Suède et Wolfsburg outre-rhin, Troyes était en finale face à Newcastle. Après un triste match vierge à domicile, les hommes d’Alain Perrin devaient créer l’exploit chez les Magpies. Score final 4-4, un doublé de Samuel Boutal et des réalisations de Mehdi Leroy et Nicolas Goussé offrent un succès retentissant au club troyen, grâce à la règle du but à l’extérieur.
Que dire du fameux Olympique de Marseille – Deportivo La Corogne, match d’anthologie pour tous les Phocéens. Alors que le club galicien avait gagné 2-0 l’aller, les Marseillais étaient dos au mur et devaient enclencher une “remontada”. Après avoir rapidement marqué en début de match, Ribéry est expulsé dès la 12e minute. Les débats vont finalement s’équilibrer et c’est l’équipe de Taye Taiwo, Habib Beye et Mamadou Niang, entre autres, qui va s’imposer 5-1 dans un Stade Vélodrome des grands soirs. La scène la plus étonnante provient de Robert Louis-Dreyfus, millionnaire et propriétaire du club, dansant en claquette sur la pelouse pendant la remise du trophée.
Une trêve plus vraiment passionnante
Alors qu’aujourd’hui les trêves estivales ne sont plus intéressantes, surtout quand il n’y a pas de compétition internationale pour patienter, les phases éliminatoires de la Coupe Intertoto savaient nous faire passer le temps avant la reprise des championnats. Aujourd’hui, les matchs amicaux ne sont pas tous diffusés, et ceux qui le sont se retrouvent à des horaires inadéquats. Peu de monde a la possibilité et l’envie de se lever à 4h du matin pour regarder le Real affronter la Roma dans un stade américain ou chinois. De plus, les matchs amicaux sont souvent insipides et marqués de 22 changements au cours du match. Avec la Coupe Intertoto, on pouvait assister à des rencontres aux couperets disputées âprement et surtout avec l’envie de gagner dès la fin du mois de juin. Plus d’excuses pour dire qu’on s’ennuie avant la reprise des championnats.
Une saison bien longue pour les joueurs
Si la compétition avait le mérite de combler nos étés, cela n’était pas vraiment une chose bien vue du côté des joueurs. En effet, reprendre la compétition officielle, alors que d’autres revenaient à peine sur les terrains d’entraînements, avait le mérite de fatiguer un effectif avant la reprise du championnat. L’équipe arrivait la plupart du temps en pleine forme et rodée pour démarrer l’exercice, mais souvent elle accusait le coup assez tôt, la fatigue s’emparant des organismes. Ceci est la raison principale de la suppression de cette compétition, mais l’argument est-il vraiment recevable ? Le remplacement de la Coupe Intertoto par des tours préliminaires en Europa League n’a fait que déplacer le problème. En guise d’exemple prenons Strasbourg. Qualifiés grâce à leur victoire en Coupe de la Ligue, ils ont dû effectuer six rencontres cet été pour au final échouer à rejoindre les phases de poules. La suite on la connaît, un début de saison assez poussif de la part des Alsaciens. Tout remettre sur le dos des tours préliminaires serait de la mauvaise foi, mais une question persiste, pourquoi avoir supprimé la Coupe Intertoto, en la remplaçant par des phases qualificatives qui présentent les mêmes défauts ?
Il ne faut pas oublier que la compétition a souffert d’un cruel manque d’intérêt. Les matchs opposant des clubs ayant raté leurs saisons à d’autres parfois inconnus au bataillon n’attiraient pas les foules. Si douze clubs français possèdent cette compétition à leurs palmarès, on ne peut pas vraiment dire qu’ils s’en vantent fièrement. Cependant, la Coupe Intertoto nous aura offert certains moments marquants et aura permis à des clubs français de rêver un peu plus que leur classement le leur permettait. Alors, pour ou contre son retour ?
Crédits photo : Iconsport
Sources :
France Football, Pourquoi la Coupe Intertoto nous manque tant ?
Vice, L’improbable histoire de la Coupe Intertoto, la coupe des sans coupes